Souvenirs de l'aube
pit
et ; Bien qu'ayant fait un trajet similaire un an plus tôt, avec mes deux parents, dans un but identique, j'étais tendu de trac, tenu par une forte appréhension de ce nouvel inconnu qui m'agrippait les tripes, et ne me lâcha pas de la journée. Il faut dire qu
vivre, au cours des mois et des années à venir, serait u
e lendemain matin, au réveil : en regardant par la fenêtre de la chambre, sous un ciel plombé, la montagne s'était vêtue de ses premiers flocons de neige, tapissant la plaine par la même occasion ; une fine pellicule, précoce en ce début d'automne, qui plantait un décor, au pre
ac, surtout lorsqu'on a que douze ans. Ce sentiment de mal être qui s'était estompé la veille au soir, pendant la nuit qui suivi et au petit matin, me reprenait de plus belle et plus intensément que le jour précèdent. L'instant de la séparati
environ 750 habitants à l'époque, nichée dans le creux d'une verdoyante vallée orientée Est-Ouest, entourée des communes de Crest-Voland Cohenn
ales de proximité que boutiques touristiques. Flumet est également connu pour sa coopérative fruitière où est fabriqué le célèbre et fameux reblochon de Savoie ou le Beaufort. La route nationale qui traverse l'agglomération, bien connue des cyclistes du Tour de France pour l'avoir emprunté à plusieurs reprises, qui suit le lit de la rivière L'Arly longeant le bourg, nous amenait directement aux abords de la montée du village voisin de Saint-Nicolas la Chapelle, situé deux cents
ée de l'école du Val d'Arly. Nous avancions au pas, car il y avait affluence de véhicules, entrants et sortants, ce jour de rentrée, sur l'étroit chemin communal qui bordait les bâtiments de l'établissement. Rapidement, nous passions le premier d'entre eux – Le Marteray –, posé sur la gauche du chemin, un chalet de trois étages qui portait les marques du temps : sa façade blanche, usée et lézardée, arborait de nombreuses fenêtres aux volets vert sapin, à la fois témoins et vestiges de la première moitié du vingtième siècle ; quatre décennies après que cet ancien hôtel-restauran
emin à pieds. Au bout de celui-ci se situait « La Ferme » : en dehors des classes, cet autre bâtiment imposant était le lieu principal de vie de l'internat. Dans l'intervalle entre le Chalet des classes et la Ferme, je remarquais l'aspect atypique de l'école : pas de murs d'enceinte et pas de clôture ; seule la nature venait jusqu'à nous pour m'interpeller sur la chance que j'allais avoir de vivre devant un décor faisant régner la majesté de la montagne en toute saison. Difficile de réaliser que je me trouvais dans l'enceinte d'un pensionnat. Fréquemment, rien que le mot pension évoque l'image stéréotypée du collège austère, aux murs gris sales, aux bâtiments poussiéreux, à la cour bitumée, un établissement sinistre perdu dans un coin triste de France ; le Val, comme il était communément appelé par l
scalier en pierre de quelques marches, bordé de deux bornes reliées par une chaîne, nous montrait le chemin de l'entrée du lieu
était aussi moniteur de ski, originaire du beaujolais, tout à côté de Villefranche-sur-Saône. Il était en poste au Val d'Arly avec Jacqueline, sa femme, qui s'occupait du secrétariat et de toute la partie administrative de l'école. L'un, comme l'autre, n'a jamais considéré ce qu'ils faisaient pour les élèves –
pignon Est de La Ferme. Après avoir identifié mon emplacement dans l'une d'entre elles, déposé mes bagages et effectué quelques rangements, le cœur serré, j'accompagnais Maman qui devait s'entretenir avec Monsieur Desmarets, dans son bureau situé au chalet des classes. Je n'assistais pas à l'entretien, mais patientais dans la salle d'attente située juste en face du bureau de la Direction. Seul le couloir d'entrée me séparait de cette double porte close, capitonnée pour conserver toute la discrétion des conversations, derrière laquelle je ne pouvais pas deviner la détresse de ma mère, exposant le difficile contexte familial pour lequel elle se sentait obligée de me « protéger » en me plaçant au Val d'Arly. L'entretien dura une demie-heure quand, soudain, la porte du bureau s'ouvrit. M
mprendre le bien fondé de mon futur parcours au Val d'Arly. Je l'écoutais du haut de mes douze ans et demi, sans pouvoir prendre conscience de la planche de salut qu'allait être cette expérience pour les années à venir. J'allais apprendre le courage, acquérir la force de franchir les obstacles pou
destin réserve. Ne pas fléchir, tenir le coup, coûte que coûte, jusqu'au bout, pour le bénéf
nutesavecmamèr
des classes, une fois stationnés et sortis de la voiture, le moment dela « séparation » était venu. Avec une émotion difficilement contenue, Maman me prit dans ses bras pour une longue étreinte, m'embrass
n au revoir de la même manière. L'instant était difficile, la respiration haletante, les larmes aux yeux. J'avais d'un seul coup, non pas l'impression d'un abandon mais le sentiment d'être brusquement livré à moi-même, dans un flot d'incertitudes et de facteurs inconnus que j'allais devoir vivre – seul – loin de chez moi. Je restais brièvement immobile au milieu du chemin, comme hébété, les poings serrés, cherchant à vaincre l'émotion à tout prix. Mes pensées me firent revivre en
n direction d'Ugine. L'esprit peiné, rempli de doute et, surtout, d'un immense sentiment de culpabilité, ni tenant plus, après avoir parcouru environ un kilomètre, elle stoppa la voiture dans un virage
anchant quelques instants, tentant de se reprendre, elle dit à l'homme bienveillant que ça irait, qu'elle allait poursuivre son chemin. Depuis ce
lancolie. Après avoir fait connaissance avec mes camarades de chambre et discuté un moment, il était déjà 18 h 30 : le moment de nous changer pour le repas de 19 h. C'était la règle au Val d'Arly : nous devions adopter, pour le soir uniquement, une tenue plus uniformisée que la journée. Monsieur Desmarets estimait, et il avait raison, qu'il y a des moments dans la vie
serrée, faussement sûr de moi : « Mais non... Tu le vois bien ». Il me dit alors : « Oh, tu sais, il ne faut pas t'en faire. Des nouveaux comme nous, il y en a plein cette année et ils se tracassent autant que nous », Ce qu'il voyait, effectivement, c'était la peine que j'éprouvais de me retrouver, tout à coup,seulfaceàmoi-même.Ilestvraiquemamèreavait toujours été à mes côtés pour m'aider à avancer, peut-être un peu trop et, jusqu'à cet instant, je n'avais pas d'inquiétude à me faire : mon environnement quotidien était protégé. J'avais pourtant bénéficié d'une première année d'internat, mais j'étais plus jeune, je n'avais pas pris conscience de l'opportunité décisive po
conserver un certain esprit familial dans l'école, en particulier pour cette pièce, située en sous-sol de la Ferme : nous y accédions par un escalier, depuis le hall d'ent