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Chapitre 1Une rencontre insolite
La nuit napolitaine était douce, comparée à la touffeur du jour, en ce mois estival de juillet. Le ciel, peu couvert, formait un dais somptueux, tissé de soie noire, ponctué d’une myriade de points lumineux se rassemblant en constellations plus ou moins évocatrices pour qui savait rêver en se perdant dans leur contemplation. La lune, pleine, souriait aux habitants de la baie enchanteresse. Non loin du Parco Archeologico Sommerso di Baia, dans un vieux cimetière isolé adossé à une église romane, les alignements de croix en granit conduisaient les rares visiteurs devant le spectacle de duel de gisants ou de rangées d’altiers tombeaux richement sculptés. Au cœur de ce jardin de pierres, on n’entendait guère que les échos lointains du ressac de la méditerranée venant se fracasser contre les rochers volcaniques crachés par le Vésuve au cours des siècles.
Mircea aimait par-dessus tout cette ambiance de quasi-silence monacal incitant au recueillement et de solitude absolue. Elle y retrouvait le reflet de ses propres sentiments et de son humeur constante.
En apparence, cette jeune fille était de constitution frêle et de taille menue. Son visage formait un demi-ovale parfait au menton presque effacé. Son nez fin, légèrement retroussé, soulignait le tracé de ses lèvres pulpeuses d’un rouge écarlate. Un rouge qui attirait d’autant plus le regard qu’il tranchait vivement avec sa peau blanche, tellement laiteuse qu’elle semblait diaphane. Sa chevelure, simplement ornée d’un serre-tête de tissu et de perles qui se prolongeait par un léger voile de mousseline, était noire comme les plumes d’une corneille, et dévalait en cascade de boucles anglaises jusqu’aux hanches étroites de la jeune femme. Celle-ci était chaussée de fines pantoufles de vair, d’une chainse1immaculée et par-dessus cette dernière d’une robe à tassel2dont les nuances de cobalt rappelaient celles des yeux de sa jolie propriétaire. N’évoquer que la couleur de la vêture serait faire injure envers la qualité de l’œuvre du maître artisan drapier qui en était l’auteur. Car ce tissu azuré était brodé sur toute sa surface de motifs floraux à l’aide de fils d’argent. Les manches, ainsi que l’encolure en V et l’ourlet du vêtement, se paraient de fourrures noires. Sur ses hanches reposait une fine ceinture en cuir dont une extrémité redescendait entre ses jambes élancées, presque jusqu’au rebord de ladite fourrure. Accrochée à cet élégant baudrier pendait une superbe aumônière en brocart armorié sur laquelle quelques perles aux couleurs de la sorgue3étaient cousues à l’aide de fils d’or.
S’il n’y avait eu le cadre lugubre et les ténèbres de la nuit, une fillette qui serait passée par-là aurait sans nul doute songé avoir croisé Blanche Neige après son mariage avec le prince charmant ; ou plutôt, vu les yeux humides et l’air désespéré de la donzelle, après son veuvage. Toutefois, les fillettes ignorent que l’histoire ne se termine pas toujours par : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ! » Leurs parents les en préservent soigneusement.
La jeune femme, qui, à y regarder de plus près, devait avoir une vingtaine d’années au compteur de sa vie, était assise sur un banc de pierre, en face d’un tombeau familial imposant entièrement construit en albâtre. Le fronton de l’édifice, en forme de temple gréco-romain aux colonnes de style corinthien, portait une inscription gravée au burin en caractères gothiques : famiglia Nicolae.
C’était dans ce mausolée d’inspiration classique, typique de la renaissance italienne, le quattrocento, que reposait, depuis un temps dont elle avait perdu toute notion, l’homme qu’elle avait tant aimé. L’homme qu’elle aimait toujours malgré son absence pour cause de décès au combat face aux Ottomans. C’était là, entre ces marbres et ces stucs, que gisait son cœur fracassé. La funeste nouvelle l’avait entièrement brisée, anéantie. Son ami, son amant, son époux, s’en était allé pour toujours et à jamais. Le temps s’était alors arrêté, figé, comme si elle s’était résignée à ne plus avancer sans lui. Comme si, désormais, diminuée de sa moitié, elle ne pouvait plus être que l’ombre évanescente d’un fantôme.
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