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L'oubli impardonnable — Tome 2: Le Celio

L'oubli impardonnable - Tome 2: Le Celio

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5.0
avis
493
Vues
30
Chapitres

Vingt-trois ans aprĂšs sa disparition, Alistair Savierily retrouve enfin AmĂ©lia, sa femme qui n'est autre que la dĂ©tenue 732. En captivitĂ© pendant de nombreuses annĂ©es, AmĂ©lia, traumatisĂ©e, a l'esprit qui vacille entre la soumission psychologique installĂ©e par le Rassemblement et sa soif de vengeance envers cette cruelle organisation. Cependant, la bienveillance de son Ă©poux lui rappelle une humanitĂ©, profondĂ©ment enfouie, qui remonte peu Ă  peu Ă  la surface. Finalement, ce retour semble prĂ©sager de bons augures. Ou pas... À PROPOS DE L'AUTEURE FĂ©rue de culture, d'histoire et de littĂ©rature, avec un goĂ»t prononcĂ© pour le fantastique, AbigaĂ«l Martraix accorde une grande importance Ă  l'explication des Ă©motions. Pour elle, il n'y a pas que le Bien et le Mal, il y a avant tout des histoires. Ce roman, destinĂ© au grand public, est le second tome de la trilogie L'oubli impardonnable. Il fait suite au premier volet, Le pĂ©tale de glace.

Chapitre 1 No.1

Aux amours qui mĂ©ritent d'ĂȘtre vĂ©cus

À Francia

1

La solitude est une douleur profondĂ©ment ancrĂ©e dans le cƓur. Un poison opportuniste qui profite d'un fugace instant de chagrin pour s'installer. Au fil du temps, le plus discrĂštement possible, il s'insinue dans les recoins lointains de l'Ăąme. Il s'Ă©coule en de multiples filaments, noircissant la lumiĂšre en nous. Il l'Ă©touffe. La repousse dans ses tranchĂ©es. Jusqu'Ă  ce qu'elle s'Ă©teigne lentement. Nous laissant dans une lente et douloureuse agonie.

À chaque mise Ă  l'Ă©cart des autres, le poison s'Ă©tire. À chaque « je suis occupĂ©, on se tient au courant », il s'Ă©tire. Pourtant, comment en vouloir Ă  son entourage ? Bien sĂ»r, on peut ĂȘtre trop fatiguĂ© et avoir besoin de repos. Bien sĂ»r, on peut connaĂźtre des retards Ă  cause du travail, de la circulation, des enfants qui finissent l'Ă©cole plus tard que prĂ©vu. Bien sĂ»r, nous ne sommes pas les seuls amis que les autres ont. Bien sĂ»r, tout ne tourne pas autour de nous.

Alors on accepte. On comprend. On pardonne aisément. Et on attend. On attend de se faire inviter lorsqu'ils seront disponibles. Mais personne ne prend contact. Personne n'écrit. Personne n'appelle. Personne ne passe.

Compte-t-on vraiment pour les gens alors ? Compte-t-on vraiment pour les membres de son entourage ? Si personne ne vient, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison. Quel défaut particuliÚrement désagréable a-t-on ? Quel cÎté de notre personnalité est antipathique au point que personne ne nous sollicite ?

Rien qu'un café. Rien qu'une balade. Rien que quinze minutes...

On se retrouve assis lĂ , Ă  observer ce qui nous entoure. En silence.

Et la mĂȘme question revient en boucle : pourquoi personne ne veut me voir ? Qu'est-ce qui cloche chez moi ? Qu'ai-je fait pour ĂȘtre rejetĂ©e Ă  ce point ?

Les jours passent. Les jours deviennent semaines. Et les semaines deviennent mois.

Toujours personne. Toujours seule...

Ils m'ont oubliée. Ils ne veulent pas me voir. Ils auraient pu trouver un moment s'ils le voulaient vraiment ! Ils auraient pu se déplacer pour venir me voir ! Ils auraient pu... Ils ne veulent pas. C'est pour ça qu'ils me laissent là. C'est pour ça qu'ils me laissent seule. Tous. Tous autant qu'ils sont !

Ma famille.

Mes amis.

Mes collĂšgues.

Est-ce que ce sera ainsi jusqu'Ă  la fin ? Resterai-je seule jusqu'Ă  la fin de ma vie ?

Si euxne viennent pas, alors qui viendra ?

Je ne peux pas sortir. Je n'ai pas la force de bouger. Je n'ai pas la force de lever la tĂȘte. Mes yeux me brĂ»lent. Mes paupiĂšres sont lourdes. Je dois les fermer pour ne plus avoir mal Ă  cet endroit. Je ne peux pas sourire. Mes zygomatiques sont trop lourds.

Avant je souriais. C'Ă©tait simple. Naturel. J'aimais beaucoup ça. Je souriais aux gens. Je souriais aux blagues. J'en faisais moi-mĂȘme. J'aimais rire. Et faire rire. Je savais remonter le moral. Je savais trouver les mots pour apaiser les peines.

Tout cela me semble si difficile désormais. Si loin dans ma mémoire. Je n'arrive plus à dater mon arrivée ici.

Eux non plus ne viennent pas me voir. Je ne reçois pas de visites. Seulement des plateaux de nourriture. Rien de fastueux, simplement de quoi faire fonctionner la machine du corps humain. La seule fenĂȘtre de la piĂšce Ă©tait l'unique façon pour moi d'avoir un accĂšs visuel sur le monde. La vue Ă©tait trĂšs Ă©trange. Une large Ă©tendue d'eau noire, sans aucune rive. Au loin, il me semblait apercevoir une haute falaise sombre et humide, mais je ne voyais pas ce qu'il y avait au-dessus. LĂ , au milieu (si on peut appeler cela ainsi), se dressait un minuscule Ăźlot de mousse, oĂč trĂŽnait un Ă©norme chĂȘne. Un Ă©troit chemin de verdure s'avançait dans sa direction, mais se noyait rapidement dans les eaux sombres.

Le vent ne soufflait jamais. Le feuillage restait immobile. Aucune vague ne se formait. Un lourd silence régnait. Il ne serait pas étonnant que ce ne soit que le fruit d'une imagination lugubre.

NON ! Stop ! Cela suffit de broyer du noir. Il y a forcĂ©ment des gens qui pensent Ă  moi. Je dois forcĂ©ment manquer Ă  quelqu'un. Un tant soit peu. J'ai eu une vie avant ici. J'ai vĂ©cu avant d'ĂȘtre ici. J'ai rencontrĂ© des gens. J'ai parlĂ© avec des gens. J'ai eu des fous rires. Je suis sortie. Je n'Ă©tais pas recluse dans une grotte

Quelqu'un viendra me voir. On va venir me voir, oui. Oui, et on rira. On me racontera les derniÚres imbécilités du monde. Les derniÚres lois idiotes qui sont passées. Les derniers politiciens relùchés alors qu'ils sont les plus gros arnaqueurs du pays. Les derniers crimes commis au nom de l'idiotie. Et puis on me racontera la vie de gens dont je me fiche royalement. De gens que je ne connais pas. Et qui se foutent bien de mon existence. Et de celles qui les vénÚrent. On me racontera les derniÚres incivilités des vieilles personnes qui estiment qu'elles ont le privilÚge de tout en raison de leur ùge avancé.

Putain mais quelle merde !

Finalement, je ne suis pas si mal que ça ici. À l'abri de toute cette folie.

Je me souviens des actualitĂ©s. Les animaux abandonnĂ©s en grand nombre. Les enfants qui vivent l'enfer Ă  la maison. Les nombreux suicides des mineurs. Les femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint. Le silence des femmes battues. Le silence des enfants battus. La pression sociale sur la rĂ©ussite professionnelle et financiĂšre. La pression machiste sur les jeunes hommes, les adolescents, et mĂȘme les petits garçons. La stigmatisation de ce que doit faire et ĂȘtre une petite fille. Les gens qui pensent que la protection de l'environnement est une mode qui existe pour emmerder les populations respectables qui ont passĂ© leur vie Ă  travailler, et « c'Ă©tait comme ça quand ils Ă©taient jeunes alors il n'y a aucune raison pour que cela change puisque ça fonctionne comme ils l'ont toujours connu».

Bande d'abrutis !

Je me souviens de ce que deviennent les gens qui osent se soulever, dĂ©noncer, et se battre. Ils connaissent tous le mĂȘme sort. Des disparitions en masse se faisaient trop remarquĂ©es. Alors les gouvernements, les grosses richesses, et les lobbyistes se sont contentĂ©s de les matraquer. De les mutiler. De les agresser. De les enfermer.

Et tous ces enfoirĂ©s restent Ă  leur place bien confortable sans rien craindre de la justice. De la vraiejustice. Celle qui punit ceux qui entravent le bon fonctionnement des sociĂ©tĂ©s. Ceux qui font passer leurs intĂ©rĂȘts financiers avant le bien-ĂȘtre du monde. Ceux qui prĂ©fĂšrent laisser les gens Ă  la rue plutĂŽt de donner les moyens aux patrons d'embaucher, ou de crĂ©er leur entreprise. Ceux qui se rendent aux sommets politiques sur l'urgence climatique en avion privĂ©, en hĂ©licoptĂšre privĂ©, en jet privĂ©, ou dans leur voiture de sport. Ceux qui s'amusent Ă  attiser la haine. Qui dĂ©tournent les regards et les pensĂ©es vers des populations diffĂ©rentes de la leur.

Il y a peu, les Australiens ont été évacués d'urgence. PrÚs de vingt-quatre millions d'habitants qui quittent leur pays de force. Ces hommes, ces femmes, ces enfants qu'on arrache à leur foyer, car le cataclysme ultime arrive. Deux cent mille personnes ont refusé de partir. Deux cent mille personnes ont été englouties par les eaux des tsunamis, avec leur pays. De l'Australie, il ne reste que son peuple, leurs souvenirs. Et des images numériques. Les humains refusaient de les recueillir. Ils avaient déjà bien assez à s'occuper dans leur pays pour aider tout un peuple qui n'en a plus. Je me souviens des manifestations pour forcer les dirigeants à changer de décision. Mais rien n'y faisait. Alors, les Fées des Montagnes sont intervenues, et les ont accueillis. La vie en montagne ne convenait pas à tous, alors des émissaires sont partis pour demander à d'autres peuples féeriques de leur donner un foyer. Heureusement, les fées de la Nature du monde entier ont répondu favorablement. Ainsi, le peuple australien se sépara aux quatre coins du monde.

La magie des fĂ©es Ă©tait aussi belle que gĂ©nĂ©reuse. C'Ă©tait dans la nature de la plupart d'entre elles. Bien sĂ»r, chacune avait son caractĂšre, sa personnalitĂ©. Certaines Ă©taient mĂ©fiantes, craignant que l'aviditĂ© des humains ne se manifeste de façon exacerbĂ©e au sein de leur communautĂ©. L'envie de s'approprier leur magie. D'assouvir les fĂ©es. Il y eut de nombreux complots. Et de rares tentatives de prise de pouvoir. S'attaquer aux fĂ©es Ă©tait une trĂšs mauvaise idĂ©e, dĂ©montrant la preuve d'une capacitĂ© de rĂ©flexion trĂšs limitĂ©e. En effet, lorsqu'un peuple de fĂ©es est en danger, ce sont les fĂ©es des Neiges qui interviennent. Elles sont l'armĂ©e officielle des fĂ©es. Mi-fĂ©es, mi-elfes, leur pouvoir est unique. Elles possĂšdent la puissance tellurique fĂ©erique, et les talents de combat elfiques. Une combinaison fatale. Certaines lĂ©gendes racontent mĂȘme qu'elles rivalisent avec les divins. Bien sĂ»r, ce ne sont que des lĂ©gendes.

Je me souviens d'en avoir rencontré. Oui, j'ai déjà rencontré des fées des Neiges. Cependant, je n'arrive plus à me souvenir quand. Ni ce qui a bien pu se passer lors de cette rencontre. C'est navrant.

C'est terrifiant.

Je ne me rappelle plus.

Et je ne sais pas comment cela a pu se produire...

Ni comment Il a pu m'oublier... Je représente donc si peu...

Tu m'as oubliée.

Et moi aussi.

Continuer

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