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Mon beau frère et moi.

Mon beau frère et moi.

Plume d’or.

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Dans certaines régions du Bénin, les traditions ancestrales demeurent et beaucoup d’innocents se trouvent engloutis par leurs conséquences. Epouse de mon beau-frère est une histoire qui relate la vie d’une jeune femme a qui la vie souriait à pleines dents et dont le destin fut modifié par l’action de certaines personnes. Réussira-t-elle à dépasser son passé et à envisager un avenir serein ?

Chapitre 1 1

# Fin du veuvage.

Vous vous étonnez sûrement comme moi que je sois encore présente dans ce village. Bah moi aussi !!!! Quatre mois et demi se sont écoulés après le décès de mon mari. Nous les veuves avons été trop sous les projecteurs ce qui a inhibé plans de fuite. Ce n'est pourtant que partie remise. Il y a une semaine, j'ai été autorisé à enlever la robe blanche que je portais depuis l'enterrement. Apparemment cela fait partie aussi de leurs traditions de faire porter du blanc aux veuves pendant toute la période de veuvage. Ensuite, les hommes de la maison se sont réunis et ont décidé que le moment pour chacune de nous de rejoindre son mari est venu.

J’ai vu des hommes de la famille venir récupérer une à une mes coépouses mais personne n’est venue pour moi. Je me réjouis de la situation qui va en ma faveur. En silence, je fais des plans pour m’enfuir loin de ce village. Peut-être que je trouverais du travail en chemin, n’importe quoi plutôt que de rester ici. Il est à peine six heures du matin mais je suis déjà debout depuis plus de deux heures de temps. Ma belle-mère m’a pratiquement obligée à continuer à labourer le champ familial seule.

Quand je me réveille je fais le ménage rapidement. Je balaie ma case et la cour pour lui donner un aspect présentable. Mais malheureusement c’est chose impossible. La maison tombe en ruine. De part et d’autre, on voit les ordures accumulées un peu partout comme si c’était de la décoration. Les moutons, poules, pintades se promènent partout déféquant sans cesse ce qui explique cette odeur pestilente qui flotte dans l’air. Il y a neuf cases en terre battue et pas de latrines. Dans un coin, une douche de fortune faite en bois est dressée. Ce qui fait que de l’eau de ruissellement stagne dans la cour et a pris une couleur verdâtre. C’est tout simplement dégoûtant.

Il y a encore quelques jours, les rejetons de mon feu époux trainaient partout avec des ventres ballonnés et tous sales. Chacun d’eux est parti avec sa mère pour une destination inconnue. Donc après le ménage, je mange rapidement et je vais aux champs. Ce sont mes coépouses qui m’ont appris à manier la houe. Je regarde mes mains qui étaient toutes belles et qui sont aujourd’hui couvertes de plaies. Ce n’est pas l’avenir auquel me destinaient mes parents. Je n’ai pas eu cette éducation pour finir comme esclave dans un coin reculé du pays obligée de labourer un champ pour survivre. Je vaux mieux que cela.

Mes rêves sont intacts. Malgré tout, ils n’ont pas réussi à m’enlever cela et c’est ce qui me donne la force de me lever chaque jour. Mais me basant sur mon expérience, je vois encore plus loin. Je me rends compte que le nombre de jeunes filles enlevées à leurs familles est élevé. Les mariages précoces aussi et contre leurs avis. Depuis un an que je suis ici, j’ai vu plein de gamines être données en mariage à des vieux pouvant être leur grand-père. Après quelques semaines, elles tombent enceintes et c’est parti pour une longue vie ou elles ne feront que cela. Mettre au monde des bébés qui grandissent sans aucun suivi médical et juste nourris au lait de leur mère. Certaines de ces filles meurent même en accouchant parce que l’époux refuse de les emmener à l’hôpital. Dites-moi c’est une vie cela ? Mais je jure de m’en sortir. Ils me le payeront tous autant qu’ils sont.

Le soleil tape fort. Je me retourne et vois la tête de mon gardien. Celui-là n’est jamais fatigué. Je ne sais pas comment le distraire pour m’échapper. Je me remets au boulot. Si je ne défriche pas une grande partie, ma belle-mère va encore me tomber dessus. C’est une femme détestable et acariâtre. Elle m’a prise en grippe depuis mon arrivée et m’a souvent rouée de coups pour un oui ou un non. Mon corps est plein de cicatrices pouvant en témoigner. Elle a commencé avec son combat le lendemain de ma première nuit avec son fils.

C’était deux semaines après le mariage. Un matin, je suis allée puiser l’eau à la rivière et j’ai vu une jeune fille de mon âge couchée à même le sol baignant dans une mare de sang. Je me suis précipitée vers elle pour l’aider. Je me rappelle comme si c’était hier de la scène.

Flashback (en yoruba)

Quand je me suis approchée d’elle, j’ai vu qu’elle saignait beaucoup et que le sang venait surtout du bas. Elle a aussi le visage lacéré et des marques de coups sur tout le corps. Sa robe ne cachait pas grand-chose de son anatomie. Je me suis baissée à son niveau et je lui ai parlé.

Moi : Comment tu t’appelles ?

Elle (pleurant) : Mounia

Moi : Mounia ok. Tu sais pourquoi tu saignes autant ? On t’a battu ?

Elle (hochant la tête) : Mon mari m’a battu ce matin parce que j’ai perdu l’argent du marché. Je suis enceinte de sept mois. Et je crois que je perds le bébé.

Moi : Je peux t’emmener à l’hôpital. Ce n’est pas loin d’ici.

Elle (agrippant ma main) : Non !!! Mon mari ne voudra jamais régler les frais de l’hôpital et me battra encore plus. De toute façon le bébé ne survivra pas. Je vais accoucher ici et je vais ramener le bébé chez moi. Je sens la tête déjà.

Le bon sens aurait voulu que je ne me mêle pas de cette histoire mais je ne sais pas pourquoi je suis restée à ses côtés. Je l’ai soutenu et j’ai même retiré le fœtus de son vagin. Il était déjà mort avant de sortir. Elle pleurait sans cesse. J’ai pris l’eau de la rivière dans ma bassine et je l’ai aidé à se rendre présentable. On a enroulé le corps du bébé dans un pagne et on l’a déposé dans la bassine.

Elle m’a expliqué un peu sa vie. Elle est venue ici il y a trois ans de cela. Des hommes l’ont enlevé à sa famille et l’ont vendu à son mari. Elle s’appelle en réalité Belmonde ou Bel mais ici on l’a rebaptisé Mounia. En trois ans elle a appris un peu le Yoruba et se débrouille avec. Son histoire m’a rappelé la mienne et je me suis sentie connectée à elle. Je lui ai également parlé de mon parcours dans leur village et elle m’a donné beaucoup de conseils. Je lui ai demandé avant de la raccompagner chez elle de ne dire à personne que je parle le yoruba.

Une fois chez elle, les choses se sont envenimées. Dès qu’elle a montré le pagne contenant le cadavre de son fils, son mari a foncé sur elle et s’est mis à la battre. Je me rappelle avoir saisi un bâton quo trainait au sol et avoir foncé sur lui. Je lui ai asséné des coups si violents qu’il fut surpris. Il a lâché Mounia et s’est attaqué à moi. Finalement il nous a bien battu avant de me ramener dans ma concession.

Une femme ne lève jamais la main sur un homme chez eux. J’avais commis un sacrilège. Ma belle-mère à partir de ce jour s’est donnée comme mission de me faire regretter le jour de ma naissance. Elle m’a tellement battu que j’ai eu du mal à marcher pendant deux semaines. Ensuite ce fut au tour de mon feu mari de me régler mon compte.

Mais je n’ai pas coupé les ponts avec Mounia. Les soirs quand tout le monde dort, elle vient dans ma case et on passe des heures à se parler. Je lui ai raconté tout mon passé et mes plans de fuite. Elle m’a appris beaucoup de choses sur la vie en communauté dans ce village et également l’effet de certaines plantes sur l’organisme. C’est grâce à elle que je suis toujours vierge aujourd’hui huit mois après mon mariage. Il y a une plante qu’elle m’a donné que j’écrasais et versais dans le repas de mon mari tous les jours ou c’était à moi de partager sa couche. Elle m’avait expliqué que cela empêchait leur érection et donc pas de sexe. C’était avec un plaisir évident que je voyais Ousmane palper son entre jambe les nuits ou je dormais avec lui.

Il ne me touchait pas et n’en a jamais parlé autour de lui car cela voudrait dire qu’il est devenu impuissant et il tenait à son image. Personne à part Mounia, Ousmane et moi ne sait que ce mariage n’a jamais été consommé.

Fin du flashback

Je fais une pause et me dirige vers le seul arbre présent dans le champ histoire de boire de l’eau. Je me suis assise et je crois même que je me suis assoupie. Je fus réveillée par Mounia qui me secoua. J’ai émergé lentement de mon sommeil et mon regard est tombé sur son doux visage. Mounia est le genre de fille que personne ne déteste car elle dégage une aura magnifique. Elle est vraiment belle. Ses cheveux aussi coupés court dégagent son visage fin et son cou gracile. Elle est de teint noir et mince. On a pratiquement le même âge toutes les deux. Elle m’a expliqué qu’elle avait fréquenté jusqu’en classe de troisième avant d’être kidnappé par ces hommes. Elle parle pourtant bien le français et écris aussi bien. Elle m’aide à garder pieds avec la réalité. Quand je partirais d’ici, je l’emmène avec moi. Il n’y a rien ici pour nous à part une vie de perpétuelles misères.

Moi : Je me suis endormie

Elle : Ne Parle pas si fort en français. Ton gardien pourrait t’entendre.

Moi : Il m’énerve franchement lui. Je vais lui jouer un sale tour qu’il ne sera pas prêt d’oublier.

Elle : Non. Il n’est qu’une victime au même titre que nous. Ta belle-mère le paye pour te surveiller et c’est avec cet argent qu’il nourrit sa famille. Ne t’en prends pas à lui.

Moi (exaspérée) : Bel, il faut qu’on parte d’ici aujourd’hui. Je ne peux pas supporter de passer une nuit de plus dans ce taudis. Ousmane est mort maintenant et ses frères sont déjà venus prendre mes trois coépouses. Je ne sais pas quand mon futur époux qui n’est rien d’autre que mon beau-frère viendra pour moi. On sera séparées pour toujours. Qui sait ce qu’il me réserve.

Elle : Et si on t’attrape ?

Moi : On m’attrape ? Je ne pars pas d’ici sans toi. Il y a sûrement mieux ailleurs que cette vie de merde.

Elle (soupirant) : J’admire ton courage Nev. Tu es tellement forte et rien ne fait fléchir tes convictions. Tu n’es là que depuis huit mois et déjà tu veux t’enfuir. En trois ans ; je n’ai fait que subir leurs méchancetés sans jamais me rebeller.

Moi : Je suis là maintenant et je serais courageuse pour nous deux. Si on se fait prendre, on nous frappera et puis cela passera. Ensuite, on réessayera jusqu’à réussir à quitter ce village.

Elle : Tu as quoi en tête ?

Moi : On se lève et on avance dans le champ comme si on allait déchiffrer de ce côté-là. Je sais qu’il y a une grande voie qui passe par là et souvent des voitures l’empruntent. Donc quand on sera un peu loin de lui, on se met à courir très vite ! Je sais que ce n’est pas génial mais c’est moins que rien. Et je préfère y aller de jour. La nuit trop de serpent venimeux sortent.

Elle : Je n’ai rien gardé comme habits sur moi.

Moi : Ce n’est pas un problème. De toute façon, si tu prends des effets, on le remarquera aussitôt. On avisera une fois sur le chemin.

Deux heures plus tard

Comme convenu, on a continué le déchiffrage du champ tout en surveillant notre gardien. Je dois avouer que je ne connais même pas son nom. Depuis huit mois, je le vois chaque jour et tout ce que je ressens est de la haine à son endroit. Mais Mounia a raison. Il ne fait que son travail. Je l’ai vu piquer une somme de loin. Je dois dire que j’ai une bonne vision. Je crois que le moment de détaler est venir.

Moi : Regarde-le ! On dirait qu’il s’est endormi. Vérifie avant qu’on parte.

Elle (regardant par-dessus mon épaule) : C’est exact mais Aicha j’ai peur dit-elle d’une voix tremblante.

Moi (lui prenant les mains) : N’aie pas peur ! Dis-toi que tu essaies de t’offrir une vie meilleure et pourquoi pas retrouver ta famille. Cette vie n’est pas celle que tes parents voulaient pour toi. Imagine-les assis quelque part en pleurant et se demandant s’ils reverront un jour leur fille.

Elle (prenant une grande inspiration) : Allons-y !!!

On a encore jeté un coup d’œil derrière pour s’assurer qu’il dormait bien avant de commencer à nous faufiler parmi les hautes herbes. On n’a pas pu aller loin car notre fugue a dérangé une bande d’oiseaux qui se reposaient. Ils se sont brusquement envolés en faisant beaucoup de bruit ce qui a dû alerter le gardien puisque quand je me suis retournée, je l’ai vu debout nous regardant. Je sais qu’il a compris ce qui se passe c’est pourquoi j’ai tiré la main de Mounia et on s’est mise à courir plus vite. Les grandes feuilles nous griffent le visage et les bras mais je ne ressens rien. Rien à part cette peur d’être rattraper.

On a couru pendant près d’une heure avant de ralentir essoufflées. J’ai décroché la gourde que je garde avec moi et j’ai bu une gorgée avant de le tendre à Mounia. Son visage reflète mes sentiments : La peur face à l’inconnu. Je me suis adossée à un arbre et j’ai nettoyé la sueur qui perle à mon front. On s’est aventurées dans ce qui ressemble à une forêt. D’après mes calculs, on devait déjà atteindre la grande route mais je ne vois rien de tel. Si j’étais seule, j’aurais continué tout droit sans réfléchir pourvu de leur échapper mais là j’ai convaincue Mounia de me suivre et je n’ai pas envie de lui faire prendre des risques inutiles. J’essaie de m’orienter encore en utilisant mes souvenirs mais la peur me paralyse.

Je suis sur le point de prendre la parole quand j’ai entendu pas loin derrière nous des oiseaux s’envoler en groupe. Quelque chose a dû les effrayer. Mounia et moi avions eu la même idée. Et si c’est lui qui nous pistais ? Cela nous a redonné la force de recommencer à courir tout en surveillant nos arrières.

Un peu plus loin, Mounia a trébuché brusquement sur une branche et s’est étalée au sol en laissant échapper un cri de douleur. Je me suis rapprochée d’elle aussi vite que j’ai pu.

Elle tient sa cheville qui s’enfle à vue d’œil. J’examine rapidement le pied. Rien de cassé mais elle a franchement mal.

Moi(découragée) : Mince !!! Tu as dû te faire une entorse. On ne peut pas continuer.

Elle (pleurant) : On peut essayer Aicha

Moi : Non. Hors de question. On risque d’aggraver les lésions. On va juste rester ici et attendre qu’il nous trouve. Dans le meilleur des cas, il ne retrouve pas notre trace et Dieu nous enverra de l’aide. Ou il nous retrouve et nous ramène. Mais quel que soit la situation, on s’en sortira dis-je en m’asseyant près d’elle sur le sol.

J’ai déchiré un pan de ma robe et je lui ai attaché le pied. Le moindre mouvement lui arrache un cri de douleur. Au fond de moi, je ressens une grande déception même si je ne veux pas que Mounia s’en aperçoive. Pourquoi a-t-il fallu que cette branche ralentisse notre course ? Encore un peu de chemin et on aurait accéder à la grande voie. J’en suis sûre. Une autre occasion de rater. Ma belle-mère me tuera aujourd’hui j’en suis certaine.

Mounia (gémissant) : S’il te plaît va-t’en Aicha !

Moi (secouant la tête) : Garde tes forces. Je ne vais nulle part sans toi. Tu es ma sœur Mounia même si le même sang ne coule pas dans nos veines. Je ne t’abandonnerais pas.

A peine ai-je fini de lui répondre, que les feuilles derrière nous se sont soulevés et des bruits de pas se sont rapprochés. Sans me retourner j’ai su que c’était lui. Fini les espérances. Fin du second round.

Quelques heures plus tard

Nous venons de rentrer dans ce qui me sert de domicile depuis quelques mois. Notre gardien n’a pas bronché. Il s’est juste contenté d’analyser la situation avant de porter Mounia. Je l’ai suivi en silence. C’est avec les yeux remplis de larmes que j’ai croisé le regard en colère de ma belle-mère. C’est une vieille femme qui aurait pu être ma grand-mère. Amis je ne sais pas d’où elle tire sa force herculéenne. Sa tête est complètement dépourvue de cheveux et son maigre visage desséché fait penser à une rescapée de la guerre mondiale. Parfois je me demande ce qu’elle a commis comme crime pour que même la mort ne veuille pas d’elle.

(La suite se déroule en yoruba)

Belle-mère : Je vous attendais depuis ! Et pourquoi celle-là est sur ton dos ?

Gardien : Elles ont essayées de s’enfuir. Je les ai rattrapé à temps avant qu’elles ne réussissent à atteindre la grande route. Celle-ci s’est blessée au pied.

Belle-mère : Pose-la au sol. Je vais me charger d’elles. Merci. Tu as fait du bon boulot.

Gardien : Merci maman.

Belle-mère : Va te restaurer. Je t’ai gardé à manger.

Gardien : Merci.

Il posa délicatement Mounia au sol avant de s’éclipser. Ma belle-mère dont j’ignore le nom jusqu’au moment où je vous parle est rentrée dans sa case puis elle est ressortie après quelques minutes avec une cravache bien dure. Moi qui n’avait jamais été battue par mes parents, j’avais failli piquer une crise quand elle m’avait tabassé avec. Mais aujourd’hui les nombreuses cicatrices sur mon corps témoignent de mon endurance. Pourtant on ne s’habitue jamais à la vive douleur qui traverse notre corps quand la lanière s’abat sur nous.

Belle-mère : Depuis que tu es ici, tu ne fais qu’à ta tête ! Tu frappes les hommes, tu te lies d’amitié avec elle alors que je te l’ai interdit et tu ne cherches qu’à t’enfuir. Huit mois de mariage et tu étais incapable de donner un enfant à mon fils.Tu es une sorcière et je vais t’enlever cela du corps.

Contre toute attente, elle s’est ruée sur Mounia et lui a asséné deux violents coups. Le silence fut interrompu par la jeune femme qui s’est mise à crier. Mon sang n’a fait qu’un tour. Je me suis précipitée vers elle et je l’ai poussé. Elle m’a lancé un regard plein de hargne avant de se rabattre sur moi. J’ai reçu chacun de ses coups en silence mais en faisant bouclier à Mounia. Durant les secondes qui ont suivi, je me suis interdit de pleurer. Je ne l’ai jamais fait devant elle pour ne pas lui donner la possibilité de croire qu’elle a réussi à me faire fléchir. Brusquement, les coups ont cessé de pleuvoir. Une voix inconnue m’ai parvenu.

Voix (s’exprimant en français) : Mais vous êtes folle ou quoi ? Pourquoi battez-vous la jeune fille comme si c’était un animal ?

Belle mère(en yoruba) : Vous êtes qui vous pour oser m’interrompre ainsi dans ma besogne. Ceci ne vous regarde pas.

Voix (s’adressant visiblement à un autre) : Qu’est-ce que cette vieille chouette raconte ? Je n’y comprends rien. Traduisez-moi ça.

Belle mère : Je vais me plaindre au chef du village !!! Vous violez ma propriété.

Intriguée j’ai ouvert les yeux et je vois deux hommes bien habillés en costume noir et l’air très sérieux. Je ne sais pas qui ils sont mais ils ont visiblement empêchés la vieille de me tuer. Leurs vues me rappellent d’un coup la civilisation. Là ou on s’habille dignement au lieu des vêtements usagers qu’on nous remet de porter ici. Mon regard se porte sur la vieille tenant sa cravache d’une main lâche et sans réfléchir, j’ai bondi sur mes pieds pour la lui arracher. Elle prend un malin plaisir à battre chaque jour les enfants d’autrui. Enfants qu’ils ont arrachés à leurs parents et qu’ils traitent aujourd’hui en esclaves ! Trop c’est trop. Peut m’importe son âge, elle doit goûter aux joies de cette lanière pour en percevoir la douleur qu’elle inflige aux autres.

Mettant toute ma force dans mon bras droit et profitant de sa surprise, je lui ai assené rapidement plusieurs coups de cravache sans viser un endroit particulier. Je frappais seulement. Malédiction sur moi me dira-t-on ? Et je répondrais à la personne que je lui fais un doigt d’honneur. J’ai trop supporté pour une femme de mon âge. Il est temps que les gens payent quelque soit leurs âge car c’est avec cet âge qu’elle m’a fait endurer tant de souffrances.

Je fus stoppé par un des hommes présents qui me repris la cravache de ma main. La vieille est couchée au sol, presque nue pleurant son soûl comme un enfant à qui on aurait refusé un biscuit. Autour de nous, les gens de sa famille sont sortis attirés par les bruits et commencent déjà à s’échauffer me menacant de mort. Je sais que mon acte a signé mon arrêt de mort. Je ne peux pas dormir une nuit de plus ici.

Un de ses neveux sortit du cercle de curieux et s’avançant vers moi l’air en colère. Mais sa progression fut arrêtée par l’homme qui parlait le français un peu plus tôt.

Lui (s’adressant à son compagnon) : Dites-lui que quelles que soient ses intentions, il n’a qu’à laisser tomber. La jeune fille n’a fait que se défendre. Par contre je voudrais lui parler en privé.

L’autre un peu court et le visage aux traits fins, transmis le message en yoruba et le jeune homme lui montra la case de la vieille. Il se mit devant et l’homme parlant le français me fit signe de les suivre. J’ai aidé Mounia qui assistait à toute la scène en silence à se relever et je l’ai trainé vers la case. Une fois entrés, ils ont refusé de s’asseoir sur la natte sale que leur présentait le neveu. L’homme parlant le français prit la parole.

Lui : Je m’appelle Khaleb AGOSSOU et je suis le demi-frère du monsieur qui est mort Ousmane ou quelque chose du genre. J’ai reçu un appel m’informant de sa mort bien que je ne le connaisse pas et par la même occasion, j’ai appris que j’ai une femme ici. Je suis là pour qu’on m’explique cette absurdité.

L’interprète fit la traduction.

Neveu : Mon oncle Ousmane est bel et bien mort. On savait tous qu’il a un frère qui vit en ville mais on ne l’a jamais vu. Dites-lui que mon oncle avait quatre femmes et qu’après sa mort, la tradition exige que chacune des femmes revienne à un membre de la famille. Si le défunt n’a pas de frère, on passe aux cousins et ainsi de suite. Les trois premières femmes sont déjà parties retrouvées leurs époux. Il ne reste que la dernière.

Après la traduction de l’interprète

Lui(les yeux grands ouverts) : Il se fout de moi ? Il se croit ou lui ? Dans l’ancien temps ? Dites-lui qu’il est hors de question que je ramène chez moi une inconnue et en plus en tant que ma femme ?

Traduction

Neveu : Ce sont les traditions et nul ne va contre cela !

Traduction

Lui (essayant de se calmer) : Je suis un homme digne et je ne m’abaisserais pas à ces genres de pratiques contre lesquelles je lutte depuis des années. En plus je suis un homme sur le point de me marier en régime monogamique. Ce qu’il me raconte-là ne regarde que lui. D’ailleurs ou est cette femme qui est censée être mon épouse ?

Traduction

Neveu (pointant son doigt dans ma direction) : C’est elle !

Il est clair que là, on n’a pas besoin de traduire. Il l’a compris. Il s’est retourné vers moi et au lieu du regard méprisant que je m’attends à recevoir, je ne vis dans ses yeux que de l’étonnement mêlé à une certaine gêne. Et cela se comprend aisément. Quel homme bien équipé mentalement prendra une jeune femme comme moi dans sa maison même en tant que simple domestique. Je suis toute sale, mes cheveux coupés courts remplis de sable et je porte des vêtements déchirés.

Lui : …

Neveu : C’est une femme à problème et vous-même vous avez pu le constater. Elle est sauvage et elle ne calcule personne. Personne ne connaît son vrai nom c’est pourquoi on l’a baptisé Aicha. Depuis huit mois qu’elle est ici, elle n’a jamais parlé. Parfois je me demande si elle n’est pas un peu débile. Je ne sais même pas quelle langue elle parle. Et en plus c'est un ventre vide. Mais si vous ne voulez pas d’elle, il y a plein d’hommes du village qui en seraient ravis.

Traduction

Lui: Ca veut dire quoi un ventre vide?

Traduction

Neveu: Elle est stérile d'après grand-mère

L’idée de m’en aller avec lui a commencé à germer dans ma tête. Après tout, si je me fie à son habillement raffiné, je peux dire qu’il est aisé. Et je serais sûrement mieux avec lui qu’ici. Le temps de mettre un autre plan en marche et de m’échapper. Il m’aidera à sortir de cet endroit et c’est ce que je recherche depuis des mois. Le reste j’aviserai au fur et à mesure. Je me suis surprise à prier silencieusement pour qu’il me prenne avec lui. Cela fait longtemps que je n’ai plus prié. J’ai toujours pensé que Dieu en faisant ses plans m’a oublié totalement. Peut-être veut-il se racheter maintenant ?

Lui : C’est complètement fou cette histoire. Si je la laisse ici, elle risque beaucoup de choses surtout après avoir tabassé la vieille là. Je ne peux pas la laisser comme cela. Et si je la ramène chez moi, ma femme me quittera à coup sûr.

Neveu : Il dit quoi ?

Lui (prenant un grand bol d’air comme pour se donner du courage) : Dites-lui qu’elle vient avec moi. Je verrais comment faire une fois à Cotonou pour lui trouver un endroit à elle.

J’ai senti un grand soulagement m’envahir quand j’ai entendu Cotonou. La ville ou vivait toute ma petite famille. Aurais-je de la chance ? Sont-ils encore en vie ? Je vais remuer ciel et terre pour les retrouver.

L’interprète traduisit au neveu qui parut surpris de sa réponse. Il m’a dit ensuite en yoruba de ramasser mes affaires et de les suivre. Je n’ai rien à emporter avec moi. Je me suis baissé et j’ai soulevé Mounia. J’ai jeté un regard féroce à mon sauveur qui a paru comprendre le message. Si je dois partir, ce sera avec elle. Il est sorti de la case et l’interprète m’a aidé à la porter jusqu’à la voiture. Une belle caisse je l’avoue. Je l’ai aidé à installé Mounia et ensuite je me suis assisse sur les sièges en cuir. On a refermé et le chauffeur a démarré la voiture.

Je me suis retournée pour voir le village s’éloigner sous mes yeux. Je n’emporte certes aucun effet mais je garderais en moi à jamais mon passage par ici et j’en porterais les conséquences toute ma vie. Le seul point heureux pour moi est que je repars sans un enfant ou une grossesse. J’ai su protéger cette partie de moi. En y réfléchissant, je n’ai prononcé aucun mot là-bas. Ils doivent penser que je ne comprends que le yoruba. C’est un point en ma faveur et je compte bien l’utiliser dans mon nouvel environnement. Je me retourne et mon regard croise celui de Khaleb qui s’est assis avec nous derrière. Quoique l’avenir me réserve, je suis prête à l’affronter.

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