Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive ! Mes mains, mes yeux, mes dents, mes sens... Tous changent ! Et cette femme... Elle est... Tellement diffĂ©rente de moi ! Pourtant elle connait le secret. Elle sait ce qui m'arrive, ce qui me change, ce que je deviens... Cette femme au regard idyllique Ă©trangement argentĂ©, Ă la chevelure pareille Ă une crĂ©ature de la mythologie, ne pouvait ĂȘtre humaine ! Mais alors... Qu'Ă©tait-elle ?
« - Aller ! Bouge de là Blanche Neige ! »
Je me poussais afin de laisser passer mon camarade. Celui-ci, esquissant un sourire, me frappa l'épaule volontairement. Comme à mon habitude, je ne dis rien, fermant les yeux et resserrant les lÚvres, encaissant un coup de plus pour cette fin de journée.
Le groupe d'ami qu'il rejoignait un peu plus loin, se riait de moi. Comme toujours !
Je ne suis pas en mesure de me dĂ©fendre... Mais un jour : J'y arriverai ! Je me faisais cette promesse tous les ans. Enfaite, surtout les annĂ©es oĂč, lorsque je cherche mon nom dans la liste des classes, je lisais « Chris Cordu ». A cet instant, sans rĂ©ellement savoir pour quelles raisons, mon corps se crispait, et l'envie d'apprendre Ă me battre incurvait mon esprit.
La derniĂšre heure de cours vient de retentir. Dans une cohue interminable, je me faufile tant bien que mal entre les bras qui se tendent, les sacs qui se heurtent, les cris rĂ©sonants de tout cĂŽtĂ©... La forte odeur de transpiration me soulĂšve l'estomac, de plus, cette foule d'adolescent en rut et bourrĂ© de testostĂ©rone me donne de violent mot de tĂȘte. Je suis sur le point de faire un malaise, lorsqu'enfin, j'entraperçois la sortie tant convoitĂ©.
Il est des plus facile d'entré au lycée que tenter d'en ressortir en vie, et surtout entier.
Le ciel se couvre, le temps est lourd et orageux. Chacun est sur les nerfs. Tapotant la poche avant de mon jeans, je ne sens rien. Inquiété par cela, je vérifie une seconde fois, puis balade mes mains de poche en poche. Rien ! Ma carte de bus a dû m'échappé lors des bousculades à la sortie. La chance n'est pas de mon cÎté, je venais à l'instant de dépensé les deux euros que ma mÚre m'avait donné ce matin pour me prendre de quoi manger. Et ce n'est certainement pas mon pain au chocolat qui allait m'aider à rentrer.
Assis sur le banc de l'arrĂȘt d'autobus, j'Ă©coutais le bruit distinct du moteur avancer dans ma direction. Le car Ă©tait lĂ ! Une seconde plus tard, il s'arrĂȘtait face Ă moi.
Me levant, j'avançais dans sa direction, les portes automatiques s'ouvraient toutes seules, mon pied franchissait le seuil, ma main se posait sur l'encadrement quand soudain !
Le réveil se mis à sonner l'heure fatidique : le lever pour la prise des médicaments. Ma mÚre arriva, comme à son habitude en chemise de nuit, les traits tirés, le regard triste. Elle sourit pourtant en me contemplant.
- Tu es magnifique mon petit prince.
- Maman ! ArrĂȘte j'ai dix-sept ans maintenant, je ne suis plus un « petit prince ». C'est gĂȘnant...
- Mais personne n'est lĂ .
- Justement, je voudrais que tu cesses de me parler comme Ă un simple gamin malade. Parles moi plutĂŽt comme Ă un futur adulte responsable. S'il te plait...
Je distinguais parfaitement sa solitude d'alors. Moi qui n'étais plus que son seul parent, lui demandais de se préparer à ce que je la quitte bientÎt.
Personnellement je ne sais pas si j'en serai un jour capable moi-mĂȘme. Il y a rĂȘve et rĂ©alitĂ© ! Dans mes rĂȘves, mes grands-parents sont immortel, mon pĂšre est avec nous, j'aurai une petite sĆur que je protĂšgerai. Je serai indĂ©pendant, mes camarades de lycĂ©e seraient des gens cool, j'aurai la cote auprĂšs des filles, populaire et sympathique je ferai de nombreux envieux. Je serai aussi capitaine de l'Ă©quipe de basket du lycĂ©e, en plus, je serai plutĂŽt « beau gosse », la gente fĂ©minine ne me lĂącherai plus, je serai sans cesse accablĂ© de baisĂ©s, harcelĂ© de dĂ©clarations d'amours divers... Ma copine serait extrĂȘmement belle, gentille, aimante, attachante et fidĂšle, elle n'aurait d'yeux que pour moi ! Oui, ce serait exactement mon rĂȘve !
La rĂ©alitĂ© cependant et bien moins glorieuse... Un soir, en rentrant du collĂšge j'ai croisĂ© Chris Cordu. Celui-ci m'a littĂ©ralement piĂ©tinĂ©. RouĂ© de coups, ce sont les pompiers qui, alertĂ© par des voisins, sont venus me chercher. J'ai passĂ© un peu plus de six mois en trauma, puis ai voyagĂ© : soin intensif, centre de rĂ©Ă©ducation, d'aide psychologique... Ma moelle Ă©piniĂšre s'est trouvĂ©e mise en 'bouillie' par ce garçon ĂągĂ© alors de douze ans. Ma vie d'avant avait pris fin. TĂ©traplĂ©gie. Je ne mesurais pas l'importance de ce simple mot avant d'y ĂȘtre reliĂ©. Ma mĂšre Ă©tait Ă©croulĂ©e lorsque le diagnostic est tombĂ©. Moi, j'aurai prĂ©fĂ©rĂ© ne jamais ĂȘtre rĂ©animĂ©, ma mĂšre, elle, dit que c'est une chance que je puisse encore ĂȘtre Ă ses cĂŽtĂ©s. Elle qui a dĂ©jĂ vĂ©cu le dĂ©part de ses parents, celui de mon pĂšre... Mon pĂšre ! Oui cet homme Ă©tait quelqu'un de vraiment admirable, malheureusement je ne l'ai jamais connu. Il Ă©tait militaire en section spĂ©ciale et fĂ»t tuĂ© tandis qu'il dĂ©fendait une jeune femme et son foyer paraĂźt-il. Pour tout avouer, je n'en sais rien, la seule chose dont je sois sĂ»r, c'est qu'il Ă©tait en partie comme moi : un orphelin. J'aurai souhaitĂ© ĂȘtre leur enfant naturel Ă tout deux, pour leur ĂȘtre semblable, leur ressembler en tout point quasiment. Ils formaient un couple idyllique d'Ă prĂšs ce que la voisine m'a racontĂ© une fois. Sur les photos, il sourit tout le temps, regarde ma mĂšre comme la huitiĂšme merveille du monde. Oui, j'aurai juste voulu leur ressembler un peu plus. A ma mĂšre surtout. Une jeune femme agrĂ©able Ă vivre, Ă regarder âil ne faut pas nier l'Ă©vidence-. Elle est tout le contraire de ma propre personne.
- Mon petit cĆur ?
Sa voix me sortit de ma transe, je clignais des yeux un instant avant de répondre :
- Ne t'en fais pas, tout va bien.
J'essayais de sourire en mĂȘme temps. Mon geste fonctionna puisqu'elle me sourit en retour.
Passant sa main derriĂšre ma tĂȘte, ma mĂšre me releva. Comme tous les jours depuis maintenant cinq ans, elle rĂ©pĂ©tait chaque manĆuvre, chaque geste avec une prĂ©cision et un naturel admirable : ses bras s'enroulent autour de ma taille, me redressent. D'une main elle me retient ainsi, de l'autre elle abaisse les barriĂšres de mon lit. Mon fauteuil est tout prĂšs. Je me sens glisser jusqu'Ă lui, pourtant c'est ma mĂšre qui m'y dĂ©pose, m'y attache, rehausse ma tĂȘte, place mes membres... Puis, comme Ă chaque fois que le 'travail' prend fin, ses mains se dirigent en un mouvement mĂ©canique Ă ses reins et sa nuque, qu'elle masse de suite.
J'aimerai l'aider, j'aimerai l'enlacer, lui faire comprendre qu'elle est l'unique personne Ă compter autant dans ma vie... Lui faire comprendre que mĂȘme si je suis devenu aussi rigide et froid qu'un lĂ©gume, qu'elle reste ma maman. Mais que toute fois, j'aimerai ne pas ĂȘtre son fils, pour qu'elle n'ait pas Ă assumer tout ça, tout ce que je suis.
Mon fauteuil me conduit à la cuisine, d'une impulsion de voix, Flavie, mon robot domestique, vßnt aussi tÎt à mes cÎtés.
- Que plaĂźt-il Ă Monsieur ?
- Un bol de céréale et un grand verre de jus d'orange s'il te plait Flavie.
- Bien.
La petite machine s'exécuta dans l'instant. La minute ne s'était qu'à peine écoulée, que Flavie fût de retour, le plateau aux mains.
- Cela plaĂźt-il Ă Monsieur ?
- Oui parfait, merci Flavie.
- Monsieur désire-t-il autre chose ?
- La télévision, Flavie, chaine deux point trois point sept.
- Es ce tout ?
- Oui.
La télévision s'alluma, mon fauteuil pivota en direction de l'écran de celle-ci et le petit robot entrepris de me faire manger.
Comme espéré c'était l'heure des informations. Depuis quelques temps je les suivais quotidiennement. Pourquoi ? Pour ça :
- Monte le volume de deux barres vertes Flavie.
- Bien Monsieur.
« - [...] Ainsi la greffe corporelle sur Mademoiselle Autain est un vĂ©ritable succĂšs. D'autres candidats sont attendus pour de plus ample test sur l'ĂȘtre humain, mais les premiers rĂ©sultats en reste trĂšs satisfaisant. [...] »
La greffe d'ĂȘtre Ă ĂȘtre. Jusque-lĂ , tout semble normal, dans les annĂ©es deux milles, deux mille dix, les greffes cardiaques, de visages, de peaux, d'organes... Etaient monnaie courante. Qui aurait imaginĂ© que cinquante ans plus tard, de jeunes gens comme moi, avec de lourdes blessures irrĂ©versibles, des pathologies incurables... avaient en vue la possibilitĂ© de remarcher, de revivre !
C'est pourtant le cas. Tout cela grùce à un jeune chercheur : Anthony Saw. Il était l'un des plus grands fans de super héros Marvel lorsqu'il était plus jeune : Batman, Catwoman, Spiderman, Wolverine des X-Men...
Anthony s'est donc fixé pour but, en sortant de faculté d'utiliser la science-fiction comme une science tout court.
Il a répondu lors de sa premiÚre interview :
« Tout le monde prenait Jules Verne pour un fou lorsqu'il a écrit Le tour du monde en quatre-vingt jours. Aujourd'hui nous le faisons en une semaine ! »
Et c'est vrai, tout le monde a traitĂ© de fou ce monsieur Saw. Lui n'y a mĂȘme pas prĂȘtĂ© un regard, une oreille. Il croyait en ce qu'il faisait. Cela lui a suffi. Il a rendu la possibilitĂ© de se dĂ©placer Ă cette jeune femme, qui comme moi, souffrait d'infirmitĂ©. Il retire tout la colonne vertĂ©brale du patient, ainsi que la moelle osseuse et remplace tout ceci par la colonne et moelle d'un donneur ânon volontaire- canin ou fĂ©lin. Des animaux jugĂ©s Ă euthanasiĂ© pour leur dangerositĂ© sont ainsi nommĂ©s volontaire au don. Cependant le risque est gros, les sangs n'Ă©tant qu'Ă trois pourcent compatible entre eux, le greffon et le receveur peuvent succomber Ă l'intervention. Mais peu m'importe Ă moi, du moment que je puisse de nouveau ĂȘtre une personne indĂ©pendante parmi les valides, tout me convient !
- Flavie !
- Oui Monsieur ?
- Téléphone au : 00.315...
Je pris une grande inspiration lorsque Flavie me porta l'appareil Ă l'oreille. Une voix se manifesta brusquement :
- Cabinet du Docteur Saw que puis-je pour vous ?
On peut succomber : C'est un risque que je prends ! AprĂšs la vie que j'ai connu, et celle que j'ai maintenant, j'aurai prĂ©fĂ©rĂ© ne jamais ĂȘtre rĂ©animĂ© !
- Allo ?
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