L'Alpha et la Mafia

Chapitre 1

Les négociations entre prédateurs avaient toujours une odeur particulière : celle de la méfiance, d'un équilibre fragile où un seul faux mouvement pouvait déclencher un bain de sang.

L'atmosphère était lourde de tension contenue. Les visages autour de la table restaient impassibles, mais chaque respiration, chaque mouvement des doigts sur l'accoudoir d'une chaise, chaque clignement d'yeux en disait long sur la guerre silencieuse qui se jouait.

Rachel Sorrentino n'avait pas besoin de lever la voix pour dominer la pièce. Son regard, acéré comme la lame d'un couteau, suffisait à faire taire les murmures. Autour d'elle, ses hommes attendaient, nerveux, bien qu'aucun ne l'aurait admis. Le territoire en discussion était un point stratégique, une plaque tournante pour les échanges illégaux. Un terrain que Damian Cross et sa meute contrôlaient depuis des années.

L'Alpha, assis de l'autre côté, était une énigme. Il dégageait cette force silencieuse propre aux prédateurs suprêmes. Pas besoin de menacer, pas besoin d'intimider. Il était l'ombre du loup tapi dans les bois, celui que l'on savait présent sans jamais le voir avant qu'il ne soit trop tard.

« Je ne suis pas intéressé par un accord », déclara-t-il finalement, sa voix un grondement bas qui résonna contre les murs.

Rachel ne sourcilla pas. « C'est un problème. »

Son sourire n'avait rien d'agréable. Celui d'une femme qui connaissait le poids de chaque mot, chaque menace.

Les regards fusèrent entre les camps. Un frisson d'adrénaline traversa l'assemblée, un instinct primal qui hurlait que quelque chose allait éclater. Puis ce fut le chaos.

Un hurlement retentit, suivi d'un éclat métallique. Une fraction de seconde plus tard, une balle traversa l'espace où Rachel se tenait, ne rencontrant que du vide. Elle avait déjà basculé sur le côté, son arme en main, avant que la première goutte de sang ne touche le sol.

Le silence fut brisé par une série de détonations. Les corps se jetèrent à couvert, les tirs sifflant dans l'air. Les hommes de Rachel ripostaient, mais l'attaque était bien orchestrée. Des ombres se mouvaient à travers la pièce, rapides, précises.

Un coup de feu éclata tout près d'elle, et elle se retourna juste à temps pour voir l'un de ses gardes s'effondrer, la gorge explosée. Bordel.

Elle repéra l'homme à l'origine du tir et leva son arme, mais un mouvement fulgurant coupa son geste. Un bras l'attrapa par la taille, la tirant en arrière avec une force brute qu'elle ne put contrer. Un battement de cœur plus tard, elle était projetée au sol, son souffle coupé sous le poids imposant de Damian Cross.

« Bouge pas », grogna-t-il, sa voix vibrante de menace.

Une balle passa juste au-dessus d'eux. S'il ne l'avait pas plaquée au sol, elle aurait fini avec un trou entre les deux yeux.

Rachel s'arracha à sa poigne, la colère grondant dans ses veines. Elle ne supportait pas d'être protégée. Pas par lui. Pas par personne.

« Dégage, Cross ! » siffla-t-elle, mais il ne bougea pas.

Son regard glissa sur elle, intense, furieux. « Essaie encore. »

Il n'attendit pas sa réponse. D'un geste fluide, il se redressa, lui offrant une fraction de seconde pour voir la sauvagerie pure dans ses prunelles dorées avant qu'il ne se jette sur l'ennemi le plus proche.

Rachel ne perdit pas de temps. Son couteau trouva une gorge dans un mouvement précis, son flingue en termina un autre avant même que le corps du premier ne touche le sol. Les intrus n'étaient pas n'importe qui. Des professionnels. Pas des hommes à la solde d'un gang local.

La fusillade dura une éternité et une fraction de seconde à la fois.

Puis, un silence brutal s'abattit sur la pièce. L'odeur du sang flottait dans l'air, épaisse, presque suffocante.

Rachel essuya sa lame sur le pantalon d'un cadavre avant de se redresser, son regard balayant la salle. Ses hommes avaient tenu bon, mais les pertes étaient lourdes. Un goût métallique emplissait sa bouche, celui de la rage contenue, de la nécessité de riposter.

Damian se tenait à quelques pas, le dos raide, le regard brûlant d'une intensité animale. Il n'avait même pas l'air essoufflé.

« On dirait que quelqu'un veut ta tête », lança-t-il d'une voix tranquille, presque amusée malgré la tension encore présente.

Rachel rangea son arme avec un claquement sec. « C'est une habitude. »

Il inclina la tête, une lueur appréciatrice dans les yeux. « Intéressant. »

Elle le fusilla du regard. « Ne te fais pas d'illusions, Cross. Je n'ai pas besoin de toi pour me protéger. »

Il eut un sourire qui n'en était pas un. « Et pourtant, sans moi, tu serais morte. »

Elle détesta à quel point il avait raison. Plus encore, elle détesta l'électricité qui dansait dans l'air entre eux, ce courant dangereux qui lui donnait envie de le frapper aussi fort qu'elle voulait l'embrasser.

Elle s'approcha, ignorant le danger que représentait le fait d'entrer dans son espace personnel. Il ne recula pas. Un prédateur face à un autre.

« Je ne te dois rien », murmura-t-elle, chaque mot un défi.

Il ne broncha pas. Son regard glissa sur elle, l'évaluant avec une patience animale. « Non. Mais je vais garder ça en mémoire. »

Rachel serra les mâchoires. Damian Cross était une complication qu'elle n'avait pas prévue. Une force brute, incontrôlable. Le genre d'homme qui ne jouait pas selon les règles, simplement parce qu'il n'en avait pas besoin.

Elle le détestait déjà.

Elle ne pouvait pas encore savoir à quel point cela allait devenir un problème.Rachel fit un pas en arrière, ses muscles tendus comme un fil prêt à se rompre. Damian Cross. Cet homme était un problème. Un problème qu'elle n'avait pas le temps de gérer.

Elle balaya la salle du regard. Ses hommes se relevaient lentement, certains blessés, d'autres choqués. Trois cadavres jonchaient le sol du côté de son clan, tandis que du côté adverse, les assaillants avaient été anéantis. Mais elle savait que ce n'était qu'un avertissement. Une première vague. Quelqu'un voulait tester leurs défenses, semer la peur.

Ce n'était pas une tentative d'assassinat à l'aveugle. C'était un message.

Damian l'observait toujours, impassible. Il était resté là, les bras croisés, comme s'il attendait de voir ce qu'elle allait faire. Comme un loup observant une lionne blessée.

« Je suppose que tu sais qui est derrière ça », lança-t-il finalement, sa voix basse et grave, comme s'il n'avait pas le moindre doute.

Rachel serra la mâchoire. Bien sûr qu'elle avait une idée. Mais elle n'avait pas l'intention de partager ces informations avec lui.

« Je gère », répondit-elle froidement.

Un rictus étira brièvement ses lèvres, et il secoua la tête. « Tu gères, hein ? Ça se voit. »

La colère monta d'un cran. Elle avança de quelques pas, ignorant l'instinct de ses hommes qui voulaient l'en dissuader. Damian ne bougea pas. Il la regarda s'approcher comme s'il n'avait absolument rien à craindre d'elle.

« Écoute-moi bien, Cross », murmura-t-elle d'une voix tranchante. « Je n'ai pas besoin de ton aide. Pas de ta protection. Ce n'était pas une alliance, ce n'était qu'une négociation. Et elle est terminée. »

Il la scruta un instant, avant de lâcher un rire presque silencieux. Pas moqueur. Juste... diverti.

« Tu peux le croire si ça t'arrange », dit-il en haussant les épaules.

Elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais un de ses hommes s'approcha en boitant. Marco. Son bras était couvert de sang, mais il restait debout, son arme encore serrée dans son poing.

« Boss, on doit bouger. Cet endroit est compromis. »

Rachel ferma les yeux une fraction de seconde, pesant ses options. Puis elle reporta son attention sur Damian.

« Profite bien de ton territoire », lâcha-t-elle avant de pivoter sur ses talons.

Mais au moment où elle allait passer la porte, sa voix la rattrapa.

« On va se revoir, Sorrentino. »

Elle ne se retourna pas. Mais elle savait qu'il avait raison.

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L'adrénaline pulsait encore dans ses veines lorsqu'elle entra dans l'un de ses repaires sécurisés, un loft au sommet d'un immeuble discret. Ses hommes la suivaient de près, certains murmurant entre eux. Ils savaient que cette attaque n'était pas anodine.

Rachel arracha son manteau ensanglanté et le balança sur une chaise avant de se tourner vers eux.

« Qui a parlé ? » demanda-t-elle, sa voix aussi froide que la lame d'un scalpel.

Les regards se croisèrent. Personne ne répondit immédiatement.

« Ne me faites pas répéter. Quelqu'un a vendu l'info. Une réunion comme celle-là, ce n'est pas le genre de chose qui s'ébruite. »

Un silence tendu s'installa. Puis Marco s'éclaircit la gorge.

« On a été prudents. Mais... il y a eu des rumeurs ces derniers jours. Un type du clan Morelli a posé des questions. Il a disparu hier soir. »

Rachel inspira profondément. Morelli. Évidemment. Son plus grand rival dans cette ville, un homme aussi rusé qu'impitoyable. Il n'aurait pas eu besoin d'un informateur direct. Il aurait juste eu besoin d'un murmure, d'un détail laissé au hasard.

« Trouvez-moi tout ce que vous pouvez sur ce connard. Où il est, qui il a vu ces derniers jours. »

Ses hommes acquiescèrent et commencèrent à s'éloigner, mais Marco resta en arrière, une lueur d'hésitation dans les yeux.

« Quoi ? » s'impatienta-t-elle.

Il se passa une main dans les cheveux, visiblement mal à l'aise.

« C'est à propos de Cross. »

Elle serra les dents. « Quoi encore ? »

« Il t'a sauvée. »

Elle arqua un sourcil. « Et alors ? »

Marco hésita avant de répondre. « Je veux dire... C'est un Alpha. Un putain de loup-garou. Ce type aurait pu nous laisser crever. Ça aurait été plus simple pour lui. Mais il t'a protégée. »

Elle croisa les bras. « Tu veux en venir où, Marco ? »

« Peut-être qu'il n'est pas notre ennemi. »

Rachel laissa échapper un rire bref et sans joie.

« Ce type n'est pas notre allié non plus. Il a ses propres intérêts. Et crois-moi, les alliances avec les Alphas, ça se termine toujours mal. »

Marco ne sembla pas convaincu, mais il n'insista pas. Il hocha la tête avant de quitter la pièce, la laissant seule avec ses pensées.

Rachel s'appuya contre la table et ferma les yeux un instant. Elle savait que Damian n'avait pas agi par simple altruisme. Ce genre d'homme ne faisait rien sans raison.

Il avait sauvé sa vie.

Et elle détestait lui en être redevable.