Un testament cruel, un frère à protéger, un mariage imposé. Elle pensait fuir les responsabilités, mais la mort de ses parents la ramène dans un monde qu'elle méprise. Entre un mariage arrangé, des luttes de pouvoir et un dilemme moral, elle devra sacrifier sa liberté pour sauver son frère... ou tout perdre.
Le ciel, rougeoyant et chargé de poussière, écrasait le camp humanitaire de sa lourdeur étouffante. Les cris de douleur et d'angoisse résonnaient autour d'Évelyne Moreau, formant une symphonie chaotique qu'elle avait appris à ignorer. Elle avançait d'un pas rapide, son regard gris acier focalisé sur l'objectif : sauver la vie du garçon que l'on venait d'amener en urgence dans la tente opératoire.
- Placez-le là ! grogna-t-elle, montrant une table d'opération de fortune recouverte d'un drap taché de sang séché.
Les infirmiers s'exécutèrent, portant le jeune patient, à peine conscient, sur la table branlante. Une civière aurait été un luxe dans cet endroit où chaque élément, des scalaires aux gants chirurgicaux, était compté.
Le gamin n'avait pas plus de huit ans. Le haut de sa chemise était déchiré et imbibé de sang, révélant une blessure profonde à l'abdomen, causée par des éclats de métal. Probablement une explosion. Ce genre d'accident était tragiquement banal ici.
- Son pouls ? demanda Évelyne d'un ton sec.
- Faible. Il perd trop de sang, répondit l'infirmière en suant sous l'effet de la chaleur et de la tension.
Évelyne ne prit pas la peine de répondre. Elle se contenta de plonger son regard perçant dans celui du gamin, comme pour lui promettre qu'elle ne laisserait pas la Mort gagner cette bataille. Elle saisit un scalpel, le cœur déjà en mode automatique. Le temps semblait ralentir autour d'elle alors qu'elle s'immergeait dans le travail, ses gestes précis contrastant avec le chaos de la tente.
- Ouvrez le pack d'adrénaline. Je veux qu'il soit stabilisé avant que je commence.
Un jeune médecin, encore visiblement vert dans ce métier, s'affairait maladroitement. Ses mains tremblaient tellement qu'il fit tomber une compresse au sol.
- Si tu trembles, dégage, lança-t-elle sans lever les yeux. Je n'ai pas le temps pour des erreurs.
Le jeune homme rougit mais s'exécuta. Personne ne contestait Évelyne lorsqu'elle était dans cet état. Elle était comme une machine : froide, implacable, et effroyablement efficace.
Le gamin s'en sortit, bien sûr. Évelyne ne perdait jamais contre la Mort. Pas quand elle tenait un scalpel. Mais cela n'avait pas d'importance. Dès qu'elle recousit la plaie, elle enchaîna, presque aussitôt, avec une femme ayant subi une fracture ouverte. Pas le temps pour un soupir de soulagement ou un sentiment de fierté.
Plus tard, alors qu'elle sortait enfin de la tente, essuyant les gouttes de sueur qui perlaient sur son front, un collègue s'approcha d'elle avec un sourire un peu nerveux. C'était Daniel, un infirmier expérimenté, l'un des rares à pouvoir se permettre de la taquiner.
- Tu sais qu'un jour, Évelyne, ce besoin constant d'adrénaline va te tuer, hein ?
- Pas aujourd'hui, répliqua-t-elle simplement, tirant un élastique pour rattacher ses cheveux.
Daniel secoua la tête et croisa les bras, l'air mi-amusé, mi-exaspéré.
- Sérieusement, tu devrais te poser. Si tu continues comme ça, tu vas finir par tomber avant tes patients.
Elle l'ignora. Le monde n'avait pas besoin de repos. Ni elle. Elle alluma une cigarette avec une rapidité mécanique et inspira profondément. Un bref instant, elle observa les collines lointaines qui semblaient briller sous le ciel cramoisi. Peut-être qu'il avait raison. Peut-être qu'elle finirait par tomber. Mais tant qu'elle avait un patient à sauver, elle pouvait encore tenir debout.
Mais cette tranquillité fut de courte durée.
Un cri dans la tente de commandement attira son attention. Un jeune volontaire surgit, le souffle court.
- Docteur Moreau, quelqu'un pour vous au téléphone satellite ! C'est... un avocat, je crois.
Elle haussa un sourcil. Un avocat ? Ici ? Elle prit une dernière bouffée de sa cigarette avant de la jeter au sol et d'écraser le mégot sous sa botte.
Quand elle arriva dans la tente, un téléphone satellite reposait sur une table en plastique usée. Elle décrocha.
- Dr. Moreau, dit-elle d'un ton neutre.
- Docteur Moreau, ici maître Clarkson. Je représente la famille Moreau. Je vous appelle concernant un événement tragique : vos parents sont décédés dans un accident la semaine dernière.
Elle resta silencieuse. Pas de choc, pas d'effondrement. Juste un long moment de vide, avant qu'elle ne réponde :
- Je vois. Et ?
Un bref silence suivit, comme si l'avocat ne savait pas comment réagir à son ton glacial.
- Il est impératif que vous veniez à New York pour la lecture officielle de leur testament. Votre présence est indispensable.
Elle fronça les sourcils.
- Cela peut attendre. Je suis occupée.
Mais le ton de Clarkson devint plus insistant.
- Je crains que non. Il s'agit également de la tutelle d'un jeune garçon, Lucas Moreau. Votre frère.
Elle se redressa d'un coup, son esprit tournant à toute vitesse.
- Mon quoi ?
Chapitre 1 Chapitre 1 : La machine en action
29/01/2025
Chapitre 2 Chapitre 2 : Le frère invisible
29/01/2025
Chapitre 3 Chapitre 3 : L'inconnue à l'enterrement
29/01/2025
Chapitre 4 Chapitre 4 : Le poids des absents
29/01/2025
Chapitre 5 Chapitre 5 : Le poids des attentes
29/01/2025
Chapitre 6 Chapitre 6 : Les chaînes invisibles
29/01/2025
Chapitre 7 Chapitre 7 : Le piège familial
29/01/2025