— Docteur García, je vous amène votre premier patient du jour, Lucas Laugier.
Le gardien de prison s'écarta de la porte pour laisser entrer le détenu avec lequel j'allais m'entretenir durant l'heure à venir.
La vingtaine, grand, musclé, le crâne rasé et les yeux noirs perçants, Lucas Laugier était un jeune prisonnier assez impressionnant. Néanmoins, en deux ans de métier, j'avais connu plus intimidant.
Les mains dans les poches de son bas de survêtement noir, il s'avança dans la pièce d'un pas nonchalant. Il y avait dans son allure outrageusement décontractée et la manière dont il me fixait sans ciller quelque chose qui m'alerta aussitôt. Un mélange de provocation, d'excessive confiance en soi et de volonté de plaire.
- Merci, Philippe, dis-je à l'intention du gardien, vous pouvez nous laisser.
- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je serai dans le couloir, me lança-t-il en sortant.
Je reportai mon attention sur Lucas et croisai son regard intense.
- Hum, vous pouvez vous asseoir, fis-je, en lui désignant la chaise vide devant mon bureau.
Il s'exécuta sans me quitter des yeux. Un peu gênée, je fis mine de feuilleter son dossier personnel, que j'avais déjà lu avec attention bien avant son arrivée.
- C'est donc vous la nouvelle psy, déclara-t-il d'une voix pensive, je comprends pourquoi ils vous ont engagée, vous êtes très charmante.
Je refermai d'un geste sec la chemise et relevai la tête.
- Monsieur Laugier..., déclarai-je en prenant un air sérieux.
- S'il vous plaît, appelez-moi Lucas, me coupa-t-il avec un petit sourire en coin.
Etrangement, je sentis les battements de mon cœur s'accélérer dans ma poitrine.
- Et vous, reprit-il, quel est votre prénom ?
- Désolée, je ne peux pas vous le dire.
Son sourire s'accentua, charmeur, sensuel.
- Vraiment pas ? Je ne vois pas ce que ça changerait.
- Pourrions-nous en venir à ce qu...
- Allez, doc ! m'interrompit-il, plongeant de nouveau son regard dans le mien.
J'eus le plus grand mal à m'en détourner. Pourtant, je devais fixer des limites sans faiblir.
- Lucas, nous sommes là pour parler de vous, pas de moi.
Il soupira.
- C'est peut-être pas plus mal, finalement, murmura-t-il, vous ne me plairiez plus autant si vous n'étiez pas aussi mystérieuse...
- Je m'appelle Clara, lâchai-je alors précipitamment.
Il haussa les sourcils, aussi surpris que je l'étais. Qu'est-ce qui m'avait pris ?
Fixer des limites, Clara. Des li-mi-tes!
- D'accord, je vois déjà à quel point vous m'appréciez, lança-t-il avant de s'esclaffer.
Je ne pus m'empêcher de rire à mon tour, puis tentai de rétablir un peu de distance.