Préambule
On me parle souvent, dans mes rêves, d’une carpe séculaire, écaillée par mille siècles de mythologies. Je serai la seule, m’assure-t-on, à pouvoir la saisir.
Elle ondoie dans les eaux troubles et profondes d’un lac.
Autour de ce lac se dresse une inquiétante forêt de saules pleureurs recourbés par l’âge. Selon les légendes ancestrales que je m’invente, elle est peuplée de faunes à la barbe longue et drue. Prenez garde, me murmure-t-on, car ce sont de redoutables phallocrates, fourbes et cruels, qui n’hésiteraient pas à vous trancher la gorge si vous vous approchiez de trop près.
Parfois, on y croise des naïades à fossette dont la chevelure d’ébène tisse et détisse des récits enchanteurs. On m’assure que ce sont les mythomanes les plus éhontées qui soient.
Sur le chemin escarpé qui mène à ce marais, je ne sais pas encore de qui je dois me méfier le plus.
Le faune
Chapitre I
Pardon, je ne le referai plus !
J’ignore tout de l’art romanesque et parce que je n’y connais rien, je débuterai prudemment par un fait divers à l’eau de rose. L’anecdote se perdrait dans les banalités affligeantes de votre quotidien si elle ne me concernait pas personnellement. C’est ce qui en fait tout son charme, je ne vous contredirai pas sur ce point.
Si ça ne vous ennuie pas trop et au risque de gâcher la mise en scène élaborée qui va suivre, permettez-moi de faire fi de toute règle. Je ne poserai aucune unité ni de lieu, ni de temps et encore moins d’action. Les Boileau n’auront qu’à se taire !
La mise en situation sera brève.