L'alpha tout-puissant reconquiert sa compagne
Divorcée et mariée à un chef de guerre
Mon nouvel amant est un mystérieux magnat
Le retour de l'héritière adorée
Le retour de l'héritière délaissée
Choyée par le chef de la mafia
Une danse avec trois princes
Son retour en grande pompe
Les regrets de mon ex-mari
Le retour de l'épouse indésirable
Un vent de panique enveloppe Jessica. Elle hésite à fouler ce dernier perron la menant au pont supérieur du navire. Devant elle se presse une foule excitée, gesticulant en tous sens. Elle ralentit encore le pas l’espace d’une seconde puis se reprend. Elle suit Francis qui continue d’avancer, fendant la foule à coups de bras afin de lui ouvrir ce petit passage, où elle se faufile telle une gamine apeurée. Tout à coup, il s’immobilise, se retourne et la prenant par le bras, l’aiguille dans le tout petit espace, encore libre, qu’il vient de repérer entre deux passagers.
— Tiens, mets-toi ici !
Puis pointant son index en direction du quai :
— Regarde, la voiture est là, juste en face de toi. Mamie et Géna te font signe. Elles veulent te voir parmi les passagers au départ du bateau. Si tu restes dans ta cabine, comme tu l’as demandé, tu vas rater ça. Tu le sens, le bateau tangue déjà un peu. On est en train d’appareiller pour le départ. Si je ne me dépêche pas de quitter le navire, nous serons deux à prendre le large. Encore une fois, je te souhaite un bon voyage. N’oublie pas, je te rejoindrai très bientôt. Je viendrai chercher mon grade « Un » comme promis. Tu m’attendras ?
Un clignement des paupières. Un rapide petit baiser. Le temps presse. Le commandant, debout à la passerelle, salue les derniers visiteurs qui rejoignent le port. Francis enjambe dans le remorqueur juste à temps. C’est la dernière navette, navire/port, de la journée. Le pilote prend son poste aux manœuvres. Les ordres fusent. La sirène se fait entendre longuement pour une dernière fois. La passerelle réintègre son enclos. Les amarres sont larguées. Le remorqueur, lancé à toute vitesse, a déjà atteint le quai. L’excitation sur le pont est à son comble et un applaudissement retentissant emplit l’espace rendant imperceptible le léger tangage remuant le Ferdinand de Lesseps qui lève l’ancre. Le navire entame précautionneusement son doux glissement sur l’eau dans un équilibre parfait. Lentement mais sûrement, balayé par les vents, épousant gracieusement au passage le roulis des vagues qui l’entraînent vers le grand large il atteint enfin sa vitesse de croisière.
Accoudée à la rampe, Jessica caresse la petite bague ornée d’un cœur que Francis lui a passée au doigt la veille au soir.
— Quand tu me rejoindras en Europe. Nous nous marierons et tu auras droit à ton « grade 1 ». Nous serons alors mari et femme pour la vie.
Ils ont ainsi codé leur courte relation : les baisers échangés sont « grade 3 ». Les caresses plus osées « grade 2 » et la relation sexuelle « grade 1 ». Ainsi, tout se déroule dans le respect des coutumes du pays. Alors eh oui ! elle l’attendra !
Elle embrasse l’horizon du regard. Le petit groupe amassé là-bas sur le quai l’observe toujours. Elle scrute un à un les visages qui la suivent au gré de l’eau. Elle lit la tristesse qui obscurcit le doux visage de Léna. Ah Léna ! Un sentiment de culpabilité la submerge. Elle quitte celle, qui malgré vents et marées, a été à ses côtés pendant de longues années. Elles auraient dû se parler, s’embrasser, se prendre dans les bras. Jessica aurait dû lui dire merci d’avoir partagé ses bons comme ses mauvais jours. Elles ont vogué dans la même galère. Ensemble, elles ont ramé à travers les flots de turbulences d’une enfance manquée. Elles ont été complices à défaut d’être sœurs. Toutes les deux ont été forcées à se fabriquer un monde rien qu’à elles. Il y eut des tatas, des dédés et des tontons à la pelle, mais aucune maman ou aucun papa pour répondre présent à leur appel silencieux. Elles n’ont jamais appris à partager leurs émotions. Jessica s’est contentée de prendre Léna sous son aile et Léna s’est contentée de s’y cacher, chacune couvrant les pitreries de l’autre à l’occasion. Aucune des deux n’a appris à dire ces mots ! même mieux elles ne pouvaient pas prononcer ces mots ! C’était enfantin ! C’était indécent ! C’étaient des bêtises. Mais d’abord ! Quels mots ne se sont-elles pas dits ? Si ces mots ne peuvent se dire, c’est qu’ils ne font pas partie d’un vocabulaire, ils sont inexistants et s’ils n’existent pas, alors les sentiments qui leur sont attribués, non plus. Mais quels sentiments ! À part ce sentiment de peur qui les a toujours tenaillées, Jessica et Léna n’ont aucune autre référence. Et aujourd’hui, quel sentiment pousse Jessica à pleurer ? Oui ! pourquoi ces larmes ? Est-ce de la peine de tout abandonner ? Est-ce la peur de l’inconnu qui la guette au-delà du vert glauque de la mer qui s’étend à l’infini à perte de vue ? Est-ce le regret de quitter Francis ? Désolée, elle fouille fiévreusement dans les méandres de son esprit, point de réponse. Mais les larmes sont bien là !
Elle voit Géna resplendissante dans sa robe bleue à lignes noires. Géna qui semblait avoir des choses à lui dire au moment de la séparation mais elle a finalement préféré se taire. Mamie est là debout, portant Fifi dans ses bras. Fifi porte son anorak bleu, un cadeau reçu tout récemment de sa maman. Elle entoure le cou de Mamie de ses petits bras. Personne ne sait si elle comprend ce qui se passe. Jessica éprouve une profonde tendresse à son égard. Elle s’est occupée d’elle comme une petite maman, pendant ses toutes premières années. Et maintenant, la vie les sépare. Il y a aussi Résa qui se tient en retrait. La seule qui ne fait pas un geste de la main à Jessica. Enfin, Francis, qui entretemps a rejoint le groupe, se place à côté de sa voiture. C’est le cliché de l’instantané qui prend sa place dans la mémoire.
Le paquebot suit sa trajectoire, il accélère la cadence et se fond graduellement dans la nuit. D’abord vacillant sous l’effet de la brume, qui engloutit petit à petit terre et eau, le petit groupe s’estompe au loin pour finalement se confondre dans la noirceur de la nuit. Les lumières du port pâlissent au point de n’être plus qu’un pâle reflet au tableau du paysage. Le quai s’efface. Le néant s’installe !
Jessica est toujours figée sur place. En quittant son pays, elle se dépouille aussi de son insouciance. La mue est rapide. Tout à coup, le doute l’assaille. Pourquoi est-elle sur ce bateau ? Pourquoi ? Puis non ! ce n’est pas le moment de pleurer et plus le moment de se poser des questions. Il faut avancer maintenant. Le navire est résolument en marche. Jessica suit du regard la coque qui déchire l’eau, traînant dans son sillage un océan coupé en deux. Le passé, l’avenir.