Le temps est tellement maussade que je ne peux que regarder par la fenêtre, en espérant que Miguel ne tarde pas de trop, mais fasse aussi attention sur la route. Même de ma fenêtre, je n'aperçois même pas le bâtiment d'en face, tellement il pleut à torrent. Mais il faut dire qu'à Ojai, bien que ce soit l'endroit le plus touristique de la région de Los Angeles qui se trouve à deux heures de routes, une fois qu'il pleut ; c'est toujours en déluge.
Je porte la main sur mon ventre, tout en serrant les dents, sentant les contractions se faire de plus en plus rapprochées. Je ne pense pas que je tiendrai jusqu'à son arrivée, et je prends mon portable quand on tambourine à la porte.
- Tam ! Tam ! Ouvre-moi ! Crie Célia, ma belle-sœur à devenir.
Car oui, une fois que notre petit soleil sera né, nous officialiserons enfin notre relation par ce mariage que je lui ai refusé pendant cinq ans de vie commune. Il faut dire qu'ayant vécu la guerre de mes parents, pendant leur divorce, je ne vois pas le mariage d'un bon œil. Mais la bonté et la persévérance de Miguel sur les bienfaits d'une famille unie, a eu raison de moi, ou de mes hormones de femme enceinte.
J'ouvre la porte sur ma belle-sœur dont la crinière ébène, ne ressemble absolument à rien. De grosses gouttes coulent le long de son visage un peu halé, prouvant que la pluie est bien plus forte que je ne le supposais.
- Où est la valise ?! Me fait-elle d'amblée, en entrant dans l'appartement, alors que je regarde les traces d'eau qui coulent sur le sol du séjour.
- Elle se trouve dans le coffre de la voiture. Lui fais-je remarquer, et elle passe sa main dans ses longs cheveux, le regard perdu pendant un instant.
- Bien ! S'exclame-t-elle en attrapant ma veste au porte-manteau.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? Lui demandé-je perplexe, alors qu'elle me la met sur les épaules.
- Miguel va arriver.
- Il... Il va avoir du retard. Me répond-elle.
- Les routes sont gorgées d'eau, et_
Célia s'arrête, en s'assurant que je sois assez couverte. Je fronce les sourcils, remarquant que quelque chose l'inquiète. Mais Célia me sourit, et je prends une bonne inspiration, sentant une nouvelle contraction arrivée. Célia ne perd pas de temps, une fois celle-ci passée, et elle me sort de l'appartement pour rejoindre sa voiture sans un mot de plus.
Les minutes défilent tout comme les goutes sur le parebrise de la voiture de Célia qui roule au pas, alors que je tâte mon portable, me demandant si Miguel arrivera à temps pour la naissance de notre soleil. Cela lui tenait tellement à coeur d'être présent, qu'il a annulé un entretien d'embauche à Los Angeles qu'il attendait pourtant depuis des jours. Mais Miguel est ainsi, la famille est importante pour lui, et je commence à voir les choses à sa façon plus le temps passe. Sa sœur qui est ma meilleure amie depuis le lycée, a toujours été comme une sœur pour moi et quand son frère est revenu de l'université, cela ne faisait pas l'ombre d'un doute pour elle, que nous finissions ensemble tous les deux. À croire qu'elle complotait en douce notre relation, parce que Miguel était à peine revenu en ville d'une semaine, que nous échangions notre premier baiser. J'esquisse un sourire en caressant mon ventre, tandis que nous arrivons enfin au petit hôpital de la ville, où je prie l'arrivée imminente de Miguel.
Célia s'occupe de tout et je souris en la regardant faire ; elle prend son rôle de marraine à cœur comme toujours, mais je m'inquiète que notre soleil finisse par arriver, avant l'arrivée de son frère. Je guette la porte de la chambre de travail entre chaque contraction, sous le regard compatissant de Célia qui fait du mieux pour me soutenir. Je crie et je jure comme jamais, ayant refusée d'avoir la péridurale, je veux pouvoir sentir tout le travail mais je commence tout doucement à le regretter. Je pense que Célia souffre autant que moi, à voir les larmes qui coulent le long de ses joues.
- Poussez Madame Scott. Me fait l'obstétricien et je serre les dents comme jamais, en hurlant après Miguel.