Sous la lueur spectrale de la pleine lune, une silhouette solitaire errait dans la forêt. C'était Isabelle, une jeune femme maudite par un destin tragique. Chaque nuit de pleine lune, la bête en elle prenait le contrôle, ses cris déchirants résonnant à travers les arbres. Ce soir-là, elle aperçut un enfant perdu, tremblant de peur. Son cœur humain se brisa, mais ses griffes se tendirent malgré elle. Au dernier instant, elle se jeta au sol, luttant contre la transformation, des larmes ruisselant sur son visage. L'aube approchait, et avec elle, l'espoir d'un jour où elle pourrait briser sa malédiction.
Sous les cieux obscurs d'une nuit sans étoiles, un village reculé reposait dans un silence angoissant. Les rares maisons, construites en bois usé par le temps, semblaient ployer sous le poids de l'histoire qui les enveloppait. C'était un endroit où chaque pierre, chaque arbre portait la mémoire des anciens, et où les secrets se murmuraient avec méfiance. Au cœur de ce village vivait Isabelle, une jeune femme d'une beauté simple et discrète. Ses longs cheveux bruns, souvent tressés, et ses yeux verts reflétaient une profondeur d'âme que peu osaient sonder.
Depuis sa plus tendre enfance, Isabelle ressentait une étrangeté en elle, une sorte de malaise qu'elle n'arrivait jamais à nommer. Les autres villageois, bien qu'amicalement distants, avaient toujours noté quelque chose de différent chez elle. Une sensibilité accrue à la lumière, un instinct de survie plus affûté, et parfois, une rage sourde qu'elle réprimait avec une force de volonté presque surhumaine. Pourtant, ces différences avaient été attribuées à l'héritage mystérieux de sa mère, une femme que personne n'avait vraiment connue, et dont le souvenir était entouré de légendes et de superstitions.
Ce soir-là, Isabelle se sentait plus troublée que d'habitude. Une lourdeur pesait sur son esprit, et ses pensées étaient hantées par des visions fugaces de forêts sombres et de créatures inconnues. Elle se tenait près de la fenêtre de sa petite chambre, observant la lune qui, lentement, s'élevait dans le ciel. Quelque chose dans son éclat blanc et froid lui donnait une sensation de vertige, comme si ce simple astre se moquait d'elle.
Assise sur le rebord de son lit, Isabelle sentit une douleur sourde s'emparer de ses entrailles. Une chaleur intense, presque insupportable, se propagea dans tout son corps, la faisant vaciller. Son souffle devint court, haletant. Chaque battement de cœur résonnait dans ses tempes comme un tambour de guerre. Elle porta une main tremblante à sa poitrine, essayant de comprendre ce qui lui arrivait.
"Qu'est-ce que... qu'est-ce qui m'arrive ?" murmura-t-elle, la voix tremblante.
Une terreur primale s'empara d'elle alors que la douleur s'intensifiait, devenant presque insupportable. Son corps tout entier était en feu, ses os se tordaient, se brisaient sous une force invisible, puis se reformaient dans une agonie indicible. Isabelle sentit sa peau brûler, ses muscles se contracter, tandis qu'une force bestiale s'éveillait en elle. Elle tomba à genoux, son cri se muant en un hurlement animal qui résonna dans la nuit silencieuse.
Les quelques villageois encore éveillés sursautèrent en entendant ce cri, un mélange de souffrance humaine et de rage animale. Le vieux Tomas, un homme aux cheveux gris et au visage marqué par des années de dur labeur, se signa, une expression de terreur pure se dessinant sur ses traits. "La légende est vraie", murmura-t-il pour lui-même, avant de rentrer précipitamment chez lui, verrouillant sa porte derrière lui.
Isabelle, maintenant au bord de l'inconscience, se sentit submergée par une force irrésistible. Ses mains, autrefois délicates, étaient devenues des griffes puissantes, et une fourrure épaisse et sombre recouvrait désormais sa peau. Elle sentit ses sens s'aiguiser à un point qu'elle n'avait jamais imaginé possible : chaque bruit, chaque odeur, chaque mouvement de la nuit autour d'elle était clair, distinct, presque assourdissant.
Elle se redressa, ses yeux autrefois verts maintenant réduits à deux fentes dorées, illuminées par une lueur sauvage. Un instinct primaire, celui du prédateur, s'empara d'elle. Ses pensées humaines furent submergées par des désirs primitifs : la chasse, la soif de sang, la domination. Mais, malgré la transformation brutale, une partie de son esprit, encore humaine, se débattait contre cette nouvelle nature.
Non, je ne suis pas un monstre, pensa-t-elle, luttant pour ne pas céder entièrement à la bête en elle.
Isabelle s'efforça de se concentrer, de se rappeler qui elle était, d'où elle venait, mais chaque souvenir semblait se dissoudre dans un brouillard épais de colère et de soif. Elle sentait le village derrière elle, la peur des villageois, leur cœur battant à l'unisson comme une proie effrayée. Un grondement sourd monta de sa gorge, une réponse instinctive à cette peur collective.
Ne leur fais pas de mal, se répéta-t-elle, dans un ultime effort pour garder le contrôle.
D'un bond, Isabelle s'éloigna de sa maison, de son village, et se précipita dans la forêt. Ses mouvements étaient d'une fluidité nouvelle, chaque muscle répondant parfaitement à ses besoins, chaque pas la rapprochant un peu plus de la bête qu'elle était devenue. La forêt, dense et mystérieuse, l'accueillit dans ses bras noirs et impénétrables. Le bruit de la nuit, autrefois familier, se transforma en une symphonie terrifiante de cris d'animaux, de bruissements de feuilles, et de son propre souffle haletant.
Isabelle courait, fuyant quelque chose qu'elle ne pouvait nommer, mais qui était pourtant terriblement proche. C'était elle-même qu'elle fuyait, cette chose en elle qui menaçait de la consumer entièrement. Elle sauta par-dessus des racines, traversa des rivières glaciales, et grimpa des collines escarpées, mais la bête en elle ne faiblissait pas. Chaque pas la rapprochait du cœur de la forêt, un endroit où les légendes disaient que les âmes perdues erraient pour l'éternité.
Finalement, épuisée, Isabelle s'effondra au pied d'un grand chêne, ses griffes creusant la terre meuble alors qu'elle tentait de reprendre son souffle. La douleur qui l'avait submergée s'était calmée, mais elle sentait toujours cette bête en elle, tapie dans l'ombre, prête à bondir au moindre signe de faiblesse.
"Qu'ai-je fait pour mériter cela ?" murmura-t-elle, ses mots se perdant dans le vent nocturne.
Mais la forêt, impassible, ne lui offrit aucune réponse. Le silence retomba, lourd et oppressant, seulement brisé par le bruissement des feuilles sous la brise légère. Isabelle sentait l'odeur du sol humide, le parfum musqué des animaux nocturnes, et au-dessus de tout cela, le doux parfum de la terre qui l'entourait. Elle ferma les yeux, se laissant bercer par ces sensations, essayant désespérément de se rappeler qui elle était avant cette nuit fatidique.
Le temps passa, impossible à mesurer dans cette nuit interminable. Puis, doucement, la douleur commença à s'atténuer. Isabelle sentit ses muscles se détendre, sa respiration ralentir. La bête en elle semblait se calmer, se repliant dans un recoin sombre de son esprit. Finalement, après ce qui lui sembla une éternité, elle se redressa. Elle était redevenue humaine, du moins en apparence.
Tremblante, Isabelle regarda ses mains, redevenues délicates, et passa une main sur son visage, retrouvant la douceur de sa peau. Mais quelque chose en elle avait changé à jamais. Elle n'était plus simplement Isabelle, la jeune femme du village. Désormais, elle portait en elle une malédiction, une force incontrôlable qui ne demandait qu'à s'éveiller à nouveau.
Elle savait qu'elle ne pouvait pas retourner au village. Les villageois ne comprendraient pas, et pire encore, ils la chasseraient, la considérant comme une créature maudite. Elle pensa à son père, un homme doux et aimant, qui avait toujours veillé sur elle depuis la disparition de sa mère. Comment pourrait-il accepter la vérité ? Comment pourrait-il la regarder à nouveau sans voir le monstre qu'elle était devenue ?
Le visage de son père apparut devant ses yeux, et elle sentit les larmes monter. Mais elle les retint, se forçant à rester forte. Non, elle ne pouvait pas retourner en arrière. Pas tant qu'elle n'aurait pas trouvé un moyen de maîtriser cette malédiction. Isabelle se leva, déterminée. La forêt l'avait accueillie, elle en ferait son refuge, son terrain d'entraînement. Elle apprendrait à contrôler la bête en elle, à ne pas céder à ses instincts, à ne pas devenir ce qu'elle redoutait tant.
"Je trouverai un moyen", se promit-elle. "Je trouverai un moyen de briser cette malédiction."
Avec cette résolution, Isabelle s'enfonça plus profondément dans la forêt, loin du village, loin de tout ce qu'elle avait connu. Chaque pas la rapprochait de l'inconnu, mais aussi d'une nouvelle vie, d'une nouvelle identité. Elle n'était plus simplement Isabelle, la jeune femme du village. Désormais, elle était Isabelle, la loup-garou, et elle était prête à affronter son destin.
Cependant, une ombre planait sur son esprit, une inquiétude qu'elle ne pouvait chasser. La transformation avait été brutale, incontrôlable, et elle savait que la prochaine pleine lune viendrait vite. Comment ferait-elle pour survivre à une autre nuit de ce genre ? Comment pourrait-elle s'assurer que la bête ne prendrait pas définitivement le dessus ? Ces questions tourmentaient son esprit alors qu'elle marchait, et avec elles, une peur grandissante.
La forêt devint de plus en plus dense, les arbres se refermant autour d'elle comme un cocon protecteur. Isabelle se rendit compte qu'elle avait atteint une clairière, un endroit où la lune, désormais haute dans le ciel, éclairait le sol d'une lumière spectrale. Elle s'arrêta, prenant une profonde inspiration. La fatigue, à la fois physique et mentale, la rattrapait, et elle savait qu'elle devait se reposer, même si le sommeil semblait impossible.
Elle s'assit sur un lit de mousse, ses pensées tourbillonnant dans son esprit. Une seule chose était claire pour elle : elle ne pouvait pas fuir éternellement. La bête en elle ne disparaîtrait pas, et tôt ou tard, elle devrait l'affronter, apprendre à vivre avec, ou la détruire. Mais comment ? Comment combattre quelque chose qui faisait désormais partie intégrante d'elle ?
Alors qu'Isabelle sombrait dans un sommeil agité, ses derniers mots résonnèrent dans l'air nocturne, portés par la brise légère.
"Je ne suis pas un monstre... je ne suis pas un monstre..."
Ces mots, bien que chuchotés, portaient en eux une promesse, une détermination. Elle se battrait, elle survivrait. Mais une autre question, encore plus terrifiante, résonnait dans son esprit : pourrait-elle un jour redevenir la femme qu'elle était, ou était-elle destinée à être une créature de la nuit pour toujours ?
La réponse, pour l'instant, demeurait cachée, quelque part dans l'obscurité qui l'entourait.
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