Eckaüs

Alors qu'il venait juste de rentrer dans la cour du palais de Narzimah, Magellan descend de son cheval. Il passe sa main droite sur son visage afin de faire partir les gouttes de pluie qui dégouline.

Les percussions régulières de la pluie créent une symphonie discrète, un murmure doux et apaisant qui s'entremêle avec le son des sabots de chevaux sur les pavés mouillés. Une odeur fraîche et terreuse s'élève, imprégnant l'air de la senteur caractéristique de la pluie sur la pierre chauffée par le soleil. Un jeune écuyer s'approche de lui puis, après de brève salutation, ce dernier prend les rênes du cheval et l'emmène à l'écurie. D'ordinaire, la cour du palais de Narzimah était bondée mais, certainement à cause de la pluie, cette dernière était quasiment vide. On pouvait juste y voir quelque marchand et noble passait par si et là.

"Je me doutais que tu viendrais Magellan, prononce une voix grave derrière le dos de Magellan qui, en entendant son nom, se retourne pour apercevoir un vieil homme en toge blanche. Cette dernière ne comporte aucun plis comme si c'était la première fois qu'elle était portée. Il avait les cheveux gris et des cernes sous les yeux trahissant une certaine fatigue due à son âge. Malgré la pluie, le vieil homme portait des sandales noir. Reconnaissant son interlocuteur, Magellan lui lance un sourire tout en commençant à avancer vers les immenses escaliers menant au palais de Narzimah. Adaptant un rythme lent, il laisse le vieil homme arriver à son niveau.

"Et je me doutais que tu serais là pour accueillir Mytranh" prononce Magellan tout en commençant à emprunter l'escalier vers le Palais.

"Un jour ces escaliers auront raison de moi" prononce Mytranh qui semblait déjà essouflé par la dizaine de marche qu'il venait de grimper.

Tout en rigolant, Magellan attrape ses cheveux humides et refait sa queue de cheval. Après avoir échangé quelques banalités avec Mytranh, la Porte Dorée du palais apparaît devant eux. Cette dernière est gardée par 3 gardes en armure blanche. A la vue de Magellan, ces derniers se décalent légèrement afin de les laisser passer. Une fois arrivé dans le Hall, Magellan marque un temps d'arrêt. Il savait que Mytranh prendrait un chemin différent, sa destination étant différente de la sienne.

" Je suppose que tu viens voir le Roi" Prononce Mytranh en sortant un petit parchemin de sa toge. "Tu as dû entendre les rumeurs sur les montagnes de Pandore..." Tout en finissant sa phrase, le vieil homme tendit le parchemin à Magellan d'une main tremblante. "Je serais bien resté discuter un peu avec toi, mais je suis attendue à la Tour d'Ivoire. Lis ce parchemin quand tu seras seul et j'insiste sur ce point."

Ne comprenant pas ou Mytranh voulait en venir, Magellan prit le parchemin. Ses doigts effleurent la texture rugueuse du morceau de papier. Les bords étaient légèrement élimés, suggérant qu'il avait dû voyager sur une longue distance. Une fine empreinte de cire rouge scelle le document, un symbole mystérieux qui éveillait la curiosité de Magellan.

Il range le parchemin dans sa besace marron qu'il avait autour de sa taille tout en se promettant de prendre le temps d'en lire le contenu. Magellan ressentait un poids supplémentaire sur ses épaules, une nouvelle responsabilités inattendue. Il se mit alors à scruter le regard de Mytranh mais comprit aussitôt qu'il n'aurait pas plus de réponse. Ne s'attardant pas plus dans le hall, le parchemin soigneusement rangé dans sa besace, Magellan s'avance vers le couloir des Héros, qui était le chemin le plus rapide pour rejoindre la salle du trône. Les peintures murales du couloir dépeignant la Guerre Sanglante semblaient prendre vie sous la lueur vacillante des torches. Les visages héroïques et les batailles épiques qui ont façonné le passé d'Eckaüs le fascinent et, pour un instant, il se perd dans les détails de ces récits picturaux. Magellan n'avait pas connu cette sombre époque mais ce qu'il avait pu en entendre, ce fut un événement qui plongea Eckaüs dans le chaos. Ce fut d'ailleurs la seule fois ou les 3 continents s'étaient joints afin de faire front commun contre l'ennemi.

Aujourd'hui, les gens préfèrent oublier, les chants deviennent des contines pour enfants, le nom des héros des légendes urbaines. Seule deux choses pouvait rappeler cette époque noir, la première était bien entendue les peintures dans le Palais de Narzimah et les deuxième, les ruines déchue des Terres Maudites de Warlord. Tout en admirant pour la centième fois les représentations de cette époque révolue, Magellan se dirige vers la salle du trône. 2 Gardes étaient adossées contre le mur non loin de la porte. A la vue de Magellan, ils lui firent signe de passer. D'une main hésitante, Magellan pour la porte en bois massif orné d'or et pénètres dans la salle.

La salle du trône de Narzimah était connue pour ses immenses fenêtres qui laissaient passer avec intensité la lumière du jour, faisant ainsi baigner la salle dans une atmosphère apaisante. Ce fut donc une obscurité inhabituelle qui accueillit Magellan. Les immenses rideaux de velours noir étaient tirés, filtrant ainsi à peine la lumière extérieure, créant au passage des ombres dansantes sur le sol en marbre. Les murmures étouffés des courtisans ainsi que ceux des gardes conféraient à la pièce une atmosphère lugubre et étrange. Magellan pouvait sentir une certaine tension dans l'air, comme si la salle elle-même retenait son souffle devant une révélation imminente. A mesure que Magellan s'enfonce dans la pénombre, il perçoit une légère odeur d'encens, probablement utilisée pour masquer quelque chose. Ses oreilles captent des murmures indistincts dont il ne peut discerner les conversations. Chacun de ses pas résonne comme un écho dans le vaste espace.

"C'est pour cela que vous devez vous y rendre votre altesse ..."

Magellan avait reconnu cette voix. Il prend une profonde inspiration et s'avance vers cette dernière. "Je ne savais pas que vous seriez là Strongord" Prononce Magellan, une légère once de mépris dans sa voix.

Strongord,la silhouette imposante, arbore une barbe blanche soigneusement taillée qui contraste avec ses yeux perçants d'un noir profond qui affichait une certaine malice qui énervait Magellan. Sa peau marquée par les années, témoigne de la vie qu'il a menée, tandis que sa stature musclée laisse transparaître la force acquise au fil des années d'entraînement. Vêtue d'une tunique marron richement ornée de motifs mystiques, il porte avec assurance un manteau sombre qui ondule légèrement à chacun de ses pas. Une amulette en argent, étrangement gravée, pend autour de son cou, scintillant discrètement à la lueur des torches.

Il se tourne vers Magellan, affichant un petit sourire narquois puis fait un pas de côté, s'écartant de Nerz qui, comme depuis la mort de sa femme, avait le regard dans le vide. Des cernes creusés par un manque de sommeil étaient visibles sous ses yeux. Son visage était aussi pâle qu'un cadavre.

"Je devais régler quelques "affaires" avec le Roi", répond Strongord en passant sa main droite dans sa barbe blanche parfaitement taillée.

Magellan leva les yeux vers le plafond. Malgré la réputation du vieux sorcier, Magellan savait que ce dernier avait toujours quelque chose derrière la tête. Il aimait recevoir les faveurs du Roi pour ses expériences douteuses. Quelques paroles bien ficelés et le Roi fermé les yeux sur les agissements de la Tour d'Ivoire.

"J'imagine... "Grommelle Magellan, ne cachant pas son dégouts pour le sorcier. "Mais je dois également m'entretenir avec le Roi."

"De toute façon, j'en avais finis" répond le vieux sorcier en lançant un regard de défi à Magellan .

Strongord salua le Roi tout en lui chuchotant une chose que Magellan ne put entendre. Cependant, ce dernier aperçut une bague à la main du sorcier. Cette dernière arborait le même symbole que le parchemin que Mytranh lui avait donné quelques instants plus tôt. Il ressentit alors une pointe de suspicion mêlée à une curiosité inquiète. Ses yeux scrutaient l'objet mystique avec une intensité accrue, tandis que de nombreuses interrogations naissaient sur son esprit, notamment le lien qui unissait le vieux sorcier avec les secrets qui entouraient les Montagnes de Pandore. Magellan regarda Strongord se diriger vers la sortie tout en se demandant ce que ce dernier pouvait bien trafiquer. Ce n'est qu'une fois qu'il entendit les portes de la salle du trône se fermer qu'il se tourna vers Nerz. Ce dernier avait toujours le regard perdu dans le vide. Comme s'il n'était plus qu'une coquille vide. Ce spectacle déplaisait à Magellan. Lui et Nerz se connaissaient depuis leurs 4 ans et depuis ses 22 années, c'était bien la première fois qu'il le voyait dans cet état. Il avait connue Ariendill, la femme de Nerz. Ce fut, sans aucun doute, la plus belle femme du Royaume.

"Magellan, tu dois... Tu dois me comprendre..."Prononce Nerz d'une voix hésitante.

Laissant ses pensées de côté, Magellan observe son ami, ne comprenant pas le sens de ses paroles. Autour d'eux, un silence de plomb régnait.

"Nerz "répond Magellan en s'approchant de ce dernier. "Je comprends la tristesse et la détresse qui t'anime mais..."

"Peux tu seulement comprendre ce que je ressens" murmure Nerz en posant ses yeux verts sur Magellan.

Magellan détourna le regard. Nerz avait raison, il ne savait pas ce qu'il traversait. Mais il restait le Roi de Narzimah et depuis la mort de sa femme il avait arrêter d'assurer ses fonctions. Depuis, La Fleur de Crystal qui dirigeait Zollo, l'Empire des Hommes s'était mis en tête de conquérir le Pays de Da. Ils avaient déjà commencé à réduire en esclavage de nombreux peuples dont celui des Asuras. C'était à Narzimah d'aider cette région reculée.

"Tu as raison Nerz" continua Magellan en prenant soin de réfléchir à chaque mot qu'il allait utiliser. "Je ne comprends pas ce que tu traverses. Mais Narzimah à besoin de toi. Le Pays de Da à besoin de toi. La Fleur de Crystal étant de plus en plus son territoire. Si Narzimah ne réagit pas, nous allons perdre de nombreuses alliance dont celle avec les Nains. Tu dois...

"Je dois la ramener" dit Nerz dont les yeux verts, d'ordinaire empreints de chagrin, s'illuminent à présent d'une lueur mêlée de désespoir et d'espoir.." Il peut me la redonner".

Magellan recula alors de Nerz stupéfait de sa réaction. Il savait de qui Nerz parlait. Ce "Il" était, ce que les habitants de Narzimah avaient appelé "Génie". Une entité inconnue qui avait élu domicile dans les Montagnes de Pandore situé dans les Terres Maudites de Warlord. Depuis les plus hautes tours du château de Narzimah, ces montagnes se dressaient majestueusement à l'horizon. Un halo d'énergie éthérée dansait autour de ces montagnes, alimentant les rumeurs de pouvoirs magiques et de ce "Génie" qui résidait au cœur de cet endroit maudit. Les vents qui soufflaient à travers les vallées semblaient murmurer des secrets anciens, ajoutant encore plus de mystère à ces terres oubliées. D'après de nombreux témoignage, ce Génie avait la capacité de réaliser n'importe qu'elle vœux. Bien entendu, les gens ne parlaient pas de la contrepartie.

"Tu... Tu as l'intention de te rendre à Pandore" bafouille Magellan dont la surprise se lisait clairement sur son visage. Un voile d'inquiétude se dessinait également, reflétant les incertitudes qui accompagnait cette décision audacieuse. Magellan venait tout juste de réaliser l'ampleur des événements qui se déroulaient. "Nerz, on ne sait même pas ce que sait! Rappelle toi les histoires des Anciens. Les vœux qu'un Génie te donne ne sont jamais gratuits. Le prix à payer peut-être énorme...peut-être énorme. Je ne sais pas ce que Strongord t'as dit mais..."

"En mon absence, je te laisserais diriger Narzimah" tranche Nerz d'un ton sec.

Ses yeux brillaient toujours de cette lueur particulière. On pouvait y voir une détermination indomptable mêlait à une pointe de douleur profonde ainsi qu'une lueur d'espoir fragile. Les prunelles de Nerz devenaient des fenêtres révélatrices de ses émotions complexes. Depuis la mort d'Ariendill, c'était la première fois fois qu'il voyait cette lueur dans les yeux de son ami.

Alors que Nerz parlait de ses intentions, des éclats de rire résonnèrent dans l'esprit de Magellan. Des images d'Ariendill émergèrent de ses souvenirs, baignant la scène dans une lumière douce et chaleureuse. Il revoyait le visage de la jeune femme dans les jardins de Narzimah ou elle dansait, pieds nus dans l'herbe humide jusqu'à épuisement. Chaque rire résonnait comme une mélodie enchanteresse dans l'air. Elle finissait toujours par se coucher sur le dos, les cheveux éparpillés comme une cascade d'ébène, et regardait les nuages dériver avec une innocence enfantine.

Tandis que Magellan se replongea dans ses souvenirs, les images de la beauté radieuse d'Ariendill éclairent l'obscurité de la salle du trône. Ariendill avait laissé un grand vide dans le cœur de tous, ses rires résonnent encore dans chaque coin du Royaume.

Magellan pousse un long soupir, essuyant au passage la sueur de son front avec sa main droite. Les gouttes de sueur perlaient sur sa peau, témoignant de l'angoisse qui semblait le ronger petit à petit. Son cœur battait la chamade, et chaque battement semblait résonner dans sa poitrine. De l'autre côté de la pièce, Nerz restait plongé dans sa propre détresse, les yeux éteints, l'âme en lambeaux.

"De toute façon je ne pourrais pas t'empêcher d'y aller" finit par lâcher Magellan en se tournant vers Nerz, son regard trahissant sa profonde inquiétude. "J'espère juste que tu sais ce que tu es en train de faire."

Magellan se dirige vers la porte de la salle du trône, mais son pas est hésitant, comme si à cet instant présent le sort d'Eckaüs pesait sur ses épaules. Il se tourne une dernière fois vers Nerz, cherchant désespérément une lueur d'espoir dans les yeux de son ami. La pièce semblait se refermer sur eux, comme un étau étouffant.

"Ne le laissez pas sortir" dit Magellan aux gardes qui gardaient la porte de la salle du trône.

Les gardes hochent légèrement la tête.

Magellan savait que cela ne servirait à rien mais s' il y avait une infime chance que Nerz reste dans l'enceinte de Narzimah...

Tout en retournant dans la ville, de nombreuses questions sans réponses tournaient dans la tête de Magellan. Particulièrement le mystère autour du parchemin de Mytranh et pourquoi Songord avait une bague qui comportait le même symbole que le parchemin . Autour de lui, les ruelles étroites semblaient se refermer sur lui, comme pour l'étouffer. Il sait que le destin de Narzimah est désormais entre ses mains. C'était une responsabilité qu'il n'avait jamais cherchée.

Alors qu'il s'apprêtait à se diriger vers ses appartements, il sentit une présence derrière lui. Il tourne légèrement la tête pour apercevoir derrière lui une femme en robe noir, sa capuche cachant une partie de son visage. Il reconnaît cependant Mawe, l'une des trois Oracles de Narzimah, à ses mèches blondes et son rouge à lèvre noir.

Sans un mot, cette dernière se tourne et se met à avancer. Sans réfléchir, Magellan la suit. Les Oracles n'étaient pas des personnes très bavardes en public. Comme il s'en doutait, Mawe le conduisit au Dôme de la vérité. Le Dôme était le lieu où se réunissait les adeptes de la Vérité, une religion basée sur la Création. Selon, eux, Eckaüs aurait été créé par les 13 Angels, une race supérieure. Même si Magellan n'était pas d'accord avec la Vérité, il respectait le culte. Après tout, c'était l'un des seuls cultes à avoir réussi à créer leur propre magie. C'était une magie spirituelle qui provient de l'essence même d'Eckaüs. En entrant dans le Dôme, Magellan est enveloppé par l'atmosphère mystique et solennelle de l'endroit. Les murs en pierre résonnent des murmures des adeptes, créant une ambiance à la fois réconfortante et intrigante. Magellan ne fut pas étonné de voir le nombre d'adeptes présents. La Vérité avait aujourd'hui une place importante à Narzimah. Mawe traverse la salle tandis que les disciples présents la saluent et guide Magellan vers une petite salle ou elle l'invite à entrer. Alors qu'il pénètre dans la pièce, il sent une énergie particulière qui émane de la pièce, comme si les murs eux-mêmes renferment des secrets millénaires à dévoiler. Après avoir ouvert la porte en bois, Mawe invite Magellan à entrer. Une voix rauque brisa le silence à l'entrée de Magellan : "On n'attendait plus que toi"

Dans la salle, l'atmosphère était solennelle et empreinte de mystère.Elle abritait cinq personnes que Magellan identifia directement, Sagrid et Josnna, les deux autres Oracles. Et dans le fond de la salle, adossé contre un mur, Magellan aperçut Jonathan Hertfield, Benjamin Sograte et Sergeld Dust. Magellan les reconnaissait bien car ils faisaient tous partie de l'Ordre du Triomphe. Cet Ordre avait été fondé pendant la Guerre de Sang, dans le but d'élaborer des stratégies défensives et offensives pour vaincre le redoutable Roi Sanglant. Magellan se souvenait encore du rôle crucial que chaque famille avait joué à l'époque. La famille Magellan avait unifié les continents d'Eckaüs, la Famille Hertfield avait fourni le financement nécessaire ainsi que les ressources pour les armes, la Famille Sograte avait élaboré les stratégies militaires, et la famille Dust avait pris place sur le front, combattant avec honneur et courage. Après la victoire, il avait été convenu que l'Ordre du Triomphe ne se réunit qu'en cas de menace grave pesant sur la sécurité et la stabilité d'Eckaüs.

En voyant les représentants des trois autres familles, Magellan pressent la gravité de la situation bien qu'il n'en saisisse pas encore tous les détails.

Magellan s'approche des trois autres membres de l'Ordre et leur serre brièvement la main mais son geste était empreint d'une légère hésitation laissant transparaître une inquiétude profonde. Ces derniers avaient également le regard sombre malgré leurs retrouvailles.

Rapidement, les représentants de l'Ordre du Triomphe prirent place autour de la grande table ronde qui occupait le centre de la pièce. Les Oracles, en retrait, observaient la scène attentivement.

Sergeld, ajustant ses petites lunettes rondes sur son nez, prit la parole en premier. "On va devoir parler de nombreuses choses. Commençons par le sujet le plus facile". Il marque une pause, semblant choisir ses mots avec précaution. "Depuis l'arrivée au pouvoir de l'Ordre du Crystal, Zollo étend de plus en plus son territoire".

"Effectivement, c'est préoccupant", intervint Benjamin. "D'aprés ce que nous savons, il aurait réduit en esclavage de nombreux peuples, y compris les Asuras que nous avions juré de protéger. Narzimah se doit de réagir".

Magellan observait la discussion se dérouler comme un spectateur. Il pouvait sentir sa main droite trembler légèrement, signe de son malaise face à la situation.

Benjamin se tourne vers lui et demande : "Tu as eu une entrevue avec le Roi, n'est-ce pas?"

Magellan leva à peine les yeux pour le regarder. "Oui", répondit-il en poussant un long soupir. "Nerz s'est mis en tête de se rendre à Pandore. Il pense que l'entité qui s'y trouve pourrait lui rendre sa femme. En son absence, il m'a donné les rênes de Narzimah.

Les Trois hommes restèrent bouche bée à cette révélation, le temps dans la pièce semblait s'être figé.

Jonathan, reprenant la parole après un moment de silence, remit son écharpe rouge autour de son cou. "Même si je reconnais que tu es le mieux placé pour régner en l'absence du Roi, pourquoi le Roi laisserait le Royaume maintenant. Je veux dire, la situation est déjà assez compliquée et..."

"Nerz souffre", coupe Magellan, ses mots emplis d'une tristesse partagée. "Il a besoin de faire son deuil et peut-être que ce génie lui permettrait de le faire... Je ne sais pas..."

"Cette entité ne me plaît pas... "dit Benjamin en se levant de sa chaise. "Les sorciers ne semblent rien savoir d'elle..."

"N'oubliez pas la prophétie" prononce calmement Jonathan en se tournant vers les trois Oracles.

Voyant qu'on attendait une réponse, les trois Oracles, Mawe en tête, avancèrent vers la table, leurs visages exprimant une étrangeté insondable. Personne ne pouvait lire dans leurs yeux inexpressifs.

Mawe prit la parole d'une voix presque vide, comme si elle récitait une vérité ancienne. "Il est dit ainsi, lorsqu'un Roi, dans sa folie détruirait Eckaüs Sept Héros se lèveront. L'un dirigera le monde avec fermeté et tendresse, l'un mettra son épée au service de la vie, l'un sera le créateur, l'un jouera avec les ténèbres, l'un dansera avec la magie et l'autre connaîtra les secrets du monde. Ainsi les Anciens ont parlé"

"Dans ce cas là, il nous suffit de trouver ces Sept Héros", prononce avec détermination Benjamin. "Jusqu'à maintenant, les prophéties nous ont toujours guidées..."

"Celui qui aurait dû dirigé le monde était Nerz", intervint sombrement Josna comme un corbeau noir qui annoncerait un malheur. "Sa destinée était écrite..."

" Mais dans les flammes de nos visions", ajoute Sagrid d'une voix grave, "Une chose nous est parvenue. Un élément qui vient d'apparaître"

" Nous avons vu la chute de Narzimah", conclut Mawe avec préoccupation . "D'après les anciens, Narzimah aurait mené la bataille"

"Vous voulez dire que les anciens se sont trompés?" Demande Sergeld qui, en voyant le visage sombre de Mawe comprit aussitôt qu'il était entré sur un terrain peu recommandé. "Je veux dire, depuis La Guerre de Sang, le destin de Narzimah devait être tracé. Mais si vous avez vu la chute de la cité ça veut dire que..."

"Un événement que nous ne contrôlons pas va se produire...", coupe Mawe. "Pendant que nous profitions de la paix, une obscurité s'est installée, nous aveuglant au passage."

" Pandore?" Demande Magellan en se levant à son tour, partageant au passage les préoccupations des Oracles.

Sagrid, l'Oracle aux connaissances étendues s'approcha d'une petite étagère et saisit un vieux parchemins couvert de poussière qu'elle déposa sur la table. Les bougies qui illuminent la pièce vacillèrent lorsque le parchemin fut déroulé.

" Pour mettre la main sur Eckaüs, Le Roi Sanglant fit appelle à une entité obscure qui répond au nom de Pandora. Comme Dante fut éliminé rapidement, nous pensions que l'entité avait disparu avec lui." Prononce Sagrid en montrant les dessins sur le vieux parchemins. "Si l'entité est Pandora, alors nous avons été trompés. Il se peut donc que l'ennemie soit de retour."

"Vous voulez dire que Dante serait encore en vie?!" dit Sergeld, sa voix emplit de choc. "Il a pourtant été enterré avec ses disciples au centre de Pandore et..."

"Vous pensez que Dante n'aurait été qu'un pantin?" Demande Magellan qui comprenait ou les Oracles voulaient en venir.

" C'est une possibilité que nous ne pouvons pas écarter", déclare Mawe en levant un sourcil. Elle vient poser sa main droite sur le parchemin et caresser du bout des doigts le dessin d'une montagne. "Le fait que Nerz soit attiré par elle pourrait tout expliquer. Le problème est que Nerz est déjà en route pour Pandore à l'heure à laquelle nous parlons."

" Attendait une minute", intervint Sograte. " Si Pandora est l'élément perturbateur, contre qui devions nous nous battre? Qui était le Roi fou dans l'équation?"

Les trois Oracles se regardèrent comme si la réponse ne devait pas être divulguée.

"Il nous faut des réponses maintenant", dit Benjamin qui semblait commencer à s'impatienter.

" Le Roi fou devait être..." Prononce Mawe avec hésitation. "Le Roi Fou devait être le fils de Nerz..."

" Adrianne était..." Dit Magellan surpris par cette révélation.

" Enceinte", répond Josna, l'air sombre. "Adrianne n'aurait pas dû mourir..."

" Pourquoi ne pas l'avoir dit avant?" Demande Benjamin. "Il fallait réunir L'Ordre à ce moment là"

" Les Oracles n'ont pas le droit d'interférer avec le présent" finit par répondre Sagrid

Alors que Magellan s'apprêtait à répondre, des cris se font entendre en provenance du dôme. Les quatres hommes se regardèrent, ne comprenant pas ce qui était en train de se passer. Une vague de perplexité et de préoccupation s'empara des membres de l'Ordre du Triomphe. Leurs visages étaient marqués par l'inquiétude, et la discussion précédente sur Pandora et la prophétie semblait soudainement bien lointaine. Magellan, Benjamin, Jonathan et Sergeld, sur un commun accord, se précipitèrent vers la porte pour voir ce qui était en train de se passer. Magellan eut juste le temps de poser la main sur la poignée que les cris venaient de s'estomper. D'une main tremblante, Magellan ouvre la porte en grand.

" Il c'est passé quoi ici..." Murmure Benjamin les yeux horrifiés par la scène qui se déroulait sous ses yeux.

Magellan, d'un pas lent, s'avance dans la partie centrale du Dôme, tout en évitant les nombreuses flaques de sang éparpillés sur le sol.

"Qui serait capable de faire une chose aussi horrible..." Dit avec horreur Magellan en regardant la sculpture ensanglantée au centre de la pièce.

L'horreur et l'incompréhension se lisaient sur les visages des membres de l'Ordre du Triomphe alors qu'ils pénétraient à leur tour dans le Dôme. La nature de la tragédie qui venait de frapper était inconnue mais les flaques de sang sur le sol venait amplifier l'atmosphère macabre qui régnait en ce lieu. Benjamin exprima tout haut ce que tous pensaient, laissant échapper un murmure horrifié face à la sculpture humaine grotesque qui trônait au centre de la pièce. Les Oracles, Mawe en tête, ne purent réprimer leurs cris de stupeur en découvrant l'horrible tableau. Les yeux arrachés des adeptes semblaient pleurer une peine indicible. Tous les adeptes étaient à présent cousus les uns aux autres via leurs intestins. Alors que tous tentaient de comprendre ce qui avait pu se passer, des cris terrifiés retentirent de l'extérieur.

Magellan, sans aucune hésitation, se précipita vers la sortie, espérant trouver des réponses à cette tragédie qui se déroulait sous leurs yeux.

En ouvrant la porte, il se fait bousculer par un homme âgé qui courait comme si les troupes de Dante étaient après lui. Un grondement se fit entendre, faisant trembler le sol. En levant les yeux,compris que la Tour des Mages, La Tour d'Ivoire, semblait être au coeur du problème. Un trou noir s'était formé au-dessus d'elle. Magellan n'eut pas le temps d'avancer qu'un craquement sec se fit entendre. Magellan remarqua avec horreur les immenses fissures qui apparaissent dans le sol devant la Tour.

"Magellan", prononce une voix à sa droite.

En tournant briévement le regard, Magellan aperçut une jeune femme vêtue d'une cape noir et d'un arc. Sur son dos, un carquois rempli de nombreuses flèches.

" Arianne!" s'exclame Magellan en s'approchant de sa jeune sœur. "Qu'est ce qui se passe?"

En guise de réponse, Arianne pointe de son index la Tour d'Ivoire. "Il se passe quelque chose là-bas", commence la jeune femme en aidant une vieil femme à se relever. "Depuis ce matin la Tour est fermée et certaines personnes disent avoir entendu des cris à l'intérieur".

Bien décidé à avoir le fin mot de l'histoire, Magellan, suivit par Arianne, se dirige vers la Tour. La plus grosse brèche au sol s'étendait maintenant jusqu'au Faubourg de la cité. On pouvait voir des rassemblement où les gens hurlaient à la fin du monde et priait les Anciens de les épargner.

" La prophétie à commencer", dit Arianne en se rapprochant de la porte de la Tour.

"Je crois que ces événements ne sont pas liés", dit calmement Magellan en joignant ses mains devant lui. Une aura argentée est apparue tandis qu'il écartait les mains pour faire apparaître une épée dorée dont le pommeau représente un griffon. De son côté, Arianne prit une flèche dans son carquois qu'elle bande à son arc, prête à se défendre si les choses devaient dégénérer.

Magellan pose sa main droite sur la poignée de la porte tout en regardant sa sœur pour s'assurer qu'elle était prête. Arianne, prête à se défendre, banda son arc, une flèche pointée en direction de la porte de la Tour. Mais avant que Magellan ne puisse ouvrir la porte, une créature bleue difforme surgit et se jeta sur lui. Dans un geste instinctif, Arianne décocha une flèche mortelle qui abattit la créature aux pieds de Magellan.

"Qu'est ce qui..." Magellan n'eut pas le temps de finir sa phrase que trois autres créatures sortirent de la Tour. D'un maniement habile de son épée et d'éclats argentés, Magellan découpe les créatures en deux. Alors qu'une autre sort par la porte d'entrée, Arianne, toujours prête à réagir, vise la créature et lui décoche une flèche fatale. Soudain, un énorme craquement se fit de nouveau entendre. La brèche dans le sol émit une aura bleu menaçante. Puis, de nombreuses créatures bleues difformes commencèrent à émerger de la fissure, se jetant sur tout ce qui se trouvait à leurs portée.

Magellan observa ce spectacle, sans savoir comment réagir. L'aura de son épée magique se mit à vaciller jusqu'à disparaître complètement. Autour de lui, les gardes de la cité se défendent tant bien que mal à l'aide de nombreux sortilèges, puis soudain plus rien. C'était comme si la Magie venait de disparaître. Rapidement, les gardes de la cité se firent submerger et la cité sombra peu à peu dans le chaos. Les cris de terreur se firent entendre partout, et la désolation régnait. Une larme coula le long de la joue de Magellan qui, à ce moment-là, se sentait impuissant.

C'est Arianne qui le tira de ses pensées en lui agrippant le bras "Il faut y aller!! Magellan il faut partir!!". Arianne se mit à courir, décochant des flèches sur toutes les créatures qui essayer de l'attaquer. Un nouveau craquement se fit entendre, mais celui-là venait de la Tour. En se retournant, Magellan vit l'immense édifice s'écrouler sur lui même tandis que du Trou Noir, de nouvelles créatures ailé en sortait. Puis, aussi soudain que son apparition, le Trou Noir se referma. Toutes les créatures disparurent. Autour d'eux, les corps sans vie de plusieurs milliers de personnes visées.

Un cri déchirant se fit entendre en provenance du Dôme. C'était un cri de douleur, de désespoir et de haine. D'un pas lent, Magellan se dirige vers ce dernier et en arrivant sur les lieux aperçut Mawe agenouillés devant les corps des deux autres Oracles.

A côté, les cadavres meurtris de Benjamin, Jonathan et Sergeld gisaient. Une profonde tristesse s'empara de Magellan alors qu'il observait ces pertes tragiques.

"Je croyais que Narzimah ne devait pas être de nouveau détruit..." murmura Adrianne dont le visage perdit brusquement de sa couleur. Sans explication, elle se précipita vers les ruines de la Tour d'Ivoire. Magellan la suivit, la pressant de lui fournir des réponses mais elle garda le silence. Elle grimpa sur un pan de la Tour partiellement intact, prenant ainsi de la hauteur.

"Magellan... Ce n'est pas fini..." articula Arianne, les yeux remplis de terreur.

Magellan la rejoint rapidement, tombant à genoux. Ils fixèrent l'horizon, et l'angoisse se lisait dans leurs regards. On loin, les montagnes de Pandore brillaient d'une aura noir et verte. Un nuage verdâtre semblait se diriger lentement vers Narzimah, flottant à la surface de l'eau.

"Nerz..." prononce Magellan, "Qu'a tu fait..."