Elisa se souvenait encore du bruit du vent contre les vitres ce soir-là, une soirée banale comme les autres. Ses parents étaient sortis pour dîner chez des amis, lui laissant la maison à elle seule. Installée dans le vieux fauteuil en cuir du salon, elle lisait un livre qu'elle adorait depuis des années, un roman qui la transportait loin de sa petite ville tranquille. Les pages tournées avec avidité étaient son échappatoire au quotidien, mais elle n'avait aucune idée que sa vie allait basculer dans les heures qui suivaient.
Un sourire doux ornait son visage alors qu'elle entendait l'écho des paroles de son père, Marc, qui lui disait souvent qu'elle ressemblait à sa mère dans sa passion pour les histoires. Elisa vivait une existence paisible, simple, entourée par l'amour de ses parents et le soutien indéfectible de Théo, son meilleur ami. Théo, étudiant en droit, était un garçon joyeux et maladroit, toujours prêt à lui remonter le moral. "Si tu finissais enfin ton roman, tu deviendrais célèbre, je te le promets !" lui lançait-il souvent, en riant, en tentant de la convaincre de montrer ses écrits à quelqu'un d'autre qu'à lui.
Mais cette nuit-là, tout a changé.
Le téléphone fixe de la maison avait retenti brusquement, brisant le calme. Elisa avait sursauté, laissant tomber son livre sur le tapis. Elle avait hésité avant de décrocher, comme si un instinct profond lui murmurait que ce qui suivrait n'apporterait rien de bon.
- Allô ? répondit-elle d'une voix douce, légèrement tremblante.
La voix à l'autre bout du fil était neutre, presque professionnelle, mais elle portait une gravité qui glaça immédiatement le sang d'Elisa.
- Mademoiselle Elisa Dupont ? Je suis désolé de vous annoncer cela, mais vos parents ont été impliqués dans un accident de la route.
- Quoi ? Qu'est-ce que vous voulez dire par impliqués ? Ils vont bien ?
Le silence de quelques secondes fut insoutenable, et la voix reprit avec une froideur mesurée.
- Nous vous conseillons de venir immédiatement à l'hôpital Saint-Clément.
Le combiné glissa presque de ses mains, et son souffle devint court. Elle se précipita pour attraper son manteau, ses clés, et sortir dans la nuit froide sans même réfléchir.
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Quand elle arriva à l'hôpital, tout était flou autour d'elle. Les couloirs semblaient s'étirer à l'infini, les néons blancs lui donnaient la nausée, et ses jambes tremblaient sous son propre poids. Une infirmière la guida vers une pièce fermée, où un médecin en blouse blanche l'attendait.
- Mademoiselle Dupont ? Je suis le docteur Marchal. Je suis navré de devoir vous annoncer que vos parents sont décédés sur le coup. L'accident a été... violent.
Elisa cligna des yeux, comme si les mots n'avaient pas encore pénétré sa conscience.
- Non... Non, ce n'est pas possible, murmura-t-elle. Ils allaient chez des amis, ils font toujours attention...
Le médecin posa une main compatissante sur son épaule.
- Je sais que c'est difficile à accepter, mais... leur voiture a percuté un poids lourd sur la nationale. Ils n'ont pas souffert, je vous le promets.
Ces paroles ne faisaient rien pour apaiser la douleur qui explosait dans sa poitrine. Elle s'effondra sur une chaise, incapable de pleurer ou de crier. Tout ce qu'elle ressentait était un vide écrasant.
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Les jours qui suivirent furent un tourbillon de formalités administratives, d'appels de proches et d'une douleur insupportable. Théo fut présent à chaque instant, essayant tant bien que mal de lui apporter un peu de réconfort.