Les Règles du Sang Un roman de ATECOSSI M. New York, 1984. Dans les rues sombres de Brooklyn, la guerre entre familles mafieuses fait rage. Luca Moretti, héritier d'un empire criminel aussi redouté qu'admiré, tente de maintenir l'équilibre fragile entre loyauté familiale et désir d'un avenir différent. Visionnaire, discret, et épris de justice à sa manière, il est pourtant prisonnier du nom qu'il porte. Quand il rencontre Elena Torres, brillante avocate et sœur d'un inspecteur farouchement anti-mafia, tout vacille. Elle est tout ce qu'il n'a jamais eu : une chance d'aimer autrement, de rêver au-delà du sang versé. Mais Elena ignore qui il est vraiment. Et quand la vérité menace d'éclater, leurs deux mondes se percutent de plein fouet. Pris entre les attentes de son clan, les menaces d'un parrain rival assoiffé de vengeance, et la justice qui se rapproche, Luca devra choisir : l'amour ou l'honneur. Car dans cet univers où tout est régi par le silence, la famille et la violence, le cœur n'a pas toujours le dernier mot.
Chapitre 1
New York, hiver 1984
Le vent glacial s'engouffrait dans les ruelles sombres de Brooklyn, faisant claquer les enseignes rouillées contre les murs des vieux bâtiments de briques. Luca Moretti remonta le col de son long manteau noir et traversa la rue déserte. Ses pas résonnaient sur l'asphalte humide, rythmé par le lointain grondement de la ville qui ne dormait jamais.
Ce soir, il se rendait au Baretto, un bar discret, réservé aux initiés. Les Moretti y tenaient parfois leurs réunions, loin des regards indiscrets. Luca n'aimait pas ces rencontres ; elles étaient toujours prétextes à parler de sang, d'argent, de territoires volés ou défendus. Mais il n'avait pas le choix. Porter le nom des Moretti, c'était porter une promesse. Et une malédiction.
À l'intérieur du bar, la chaleur lui sauta au visage. La fumée de cigarette formait un voile épais sous les néons jaunis. À une table du fond, son oncle Carlo l'attendait, le sourire vissé au visage comme un masque.
- T'es en retard, ragazzo.
Luca haussa les épaules et s'assit face à lui.
- Le métro, répondit-il sèchement.
Carlo éclata de rire, exposant des dents tachées par les cigares.
- Toujours aussi drôle... Bon, écoute. Marco Rizzo veut récupérer le quartier de Red Hook. Il dit que c'était à lui avant la guerre. Il pense qu'on a pris ce qui ne nous appartenait pas.
Luca serra les mâchoires. Red Hook était stratégique : les entrepôts, les docks, tout passait par là. Le perdre, c'était perdre bien plus que du terrain. C'était perdre la face.
- Qu'est-ce qu'on fait ? demanda-t-il.
Carlo s'adossa à la banquette, balayant la salle du regard.
- Ce qu'on a toujours fait. On protège ce qui est à nous. Et si quelqu'un ose penser autrement... On lui rappelle les règles.
Les règles. Luca les connaissait mieux que quiconque : Ne jamais trahir la famille. Ne jamais défier un ordre. Et ne jamais, jamais aimer en dehors du cercle.
Mais ces règles commençaient à l'étouffer.
Il se leva, prétextant un besoin d'air, et sortit du bar. À l'angle de la rue, il s'appuya contre un lampadaire et ferma les yeux quelques secondes.
Il rêvait parfois d'une vie simple. D'une maison loin d'ici. D'une existence sans peur de mourir au coin d'une rue pour une dette mal payée.
Mais dans cet univers, les rêves n'étaient que des distractions dangereuses.
Un bruit discret lui fit rouvrir les yeux.
Sur le trottoir d'en face, une jeune femme en manteau rouge se battait contre le vent pour ramasser des papiers échappés d'une sacoche.
Son visage, même à cette distance, captiva Luca.
Il s'approcha sans réfléchir.
- Vous voulez de l'aide ? demanda-t-il en se penchant pour attraper une feuille.
Elle releva la tête, surprise. Ses yeux sombres étaient vifs, intelligents.
- Merci... C'est stupide, je sais, dit-elle en riant doucement. Mon patron va me tuer si je perds ce dossier.
Son sourire réchauffa quelque chose en Luca qu'il croyait mort depuis longtemps.
- C'est pas stupide. C'est la ville qui est contre nous, répondit-il en lui tendant les documents.
Elle rit encore, un peu plus franchement cette fois.
- Elena. Elena Torres.
- Luca, répondit-il, omettant volontairement son nom de famille.
Leurs mains se frôlèrent brièvement. Une étincelle étrange traversa Luca, presque douloureuse.
Il aurait dû partir, retourner à ses affaires, oublier cette rencontre. Mais il resta là, figé par une force qu'il ne comprenait pas.
- Vous êtes du coin ? demanda-t-elle.
- On peut dire ça. Et vous ?
- Je travaille pas loin d'ici. Cabinet d'avocats.
Elle montra du menton un bâtiment gris au bout de la rue.
Un cabinet d'avocats. Ironie amère pour un homme comme lui.
- Vous défendez les criminels ? plaisanta-t-il.
- Parfois. Mais je préfère défendre ceux qu'on oublie, dit-elle avec une sincérité désarmante.
Luca esquissa un sourire. Il n'avait pas le droit de rester là, de parler avec elle, de se laisser captiver ainsi. Chaque minute passée à ses côtés risquait d'attirer des ennuis. Mais il n'arrivait pas à partir.
- Vous voulez boire un café ? proposa-t-il.
Elena hésita une seconde, puis acquiesça.
- Pourquoi pas ? Après tout, vous m'avez sauvé mes papiers...
Ils marchèrent côte à côte vers le petit café à l'angle de la rue.
Pour Luca, c'était peut-être le début de quelque chose de beau.
Pour le reste du monde, c'était sûrement le début d'une tragédie.
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