L'intrépide de la Salle

Bam, Bam, Bam. En nage, Serena frappe le sac de boxe à un rythme effréné. La semaine a été intense au travail. Le dossier Rossi, qui vaut son pesant d'or et qui requiert de fait un travail ardu et acharné, a fait atteindre à Serena le seuil de ses limites. Alors, afin de se décharger et de pouvoir commencer une journée de travail dans les meilleures conditions, quoi de mieux que de la commencer par une bonne séance à la salle de boxe ?

Elle a toujours aimé ce sport. Sa mère l'y a inscrite à l'âge de 8 ans afin de canaliser cette énergie débordante que cette jeune mère célibataire n'arrivait pas à contrôler. Cela a été une révélation. Serena a tout de suite accroché et n'a plus jamais arrêté. Cela a eu un effet positif dans tous les aspects de sa vie. Ses résultats scolaires se sont améliorés, sa confiance en elle boostée, et de fait ses interactions avec les autres enfants bien meilleures. Elle, qui était une petite fille si renfermée et solitaire...

L'alarme de sa montre connectée vibre. L'heure est venue de filer se préparer. Une bonne douche lui fera le plus grand bien.

Serena ramasse ses affaires et se dirige vers la porte des vestiaires. Alors qu'elle tendait la main pour l'ouvrir, cette dernière s'ouvre à la volée, risquant par la même occasion de l'envoyer faire un vol plané.

"Non mais ça ne va pas ?!" s'écrie Serena, à peine remise de son choc.

Le nouveau venu, un grand brun solidement bâti, la toise de haut en bas, le sourcil relevé, avec ce regard que l'on prend lorsque l'on juge une marchandise. Serena le regarda bouche bée, frappée par sa présence imposante. Il dégageait une aura de confiance et de charisme qui captivait l'attention de tous ceux qui croisaient son regard. Ses traits étaient d'une symétrie parfaite, comme sculptés par un artiste habile. Des lèvres charnues, un nez droit et fin, et des yeux d'un vert profond qui semblaient pénétrer son âme. Encadrant son regard envoûtant, une paire de sourcils tellement définis et expressifs que la plupart des fashionistas en tomberaient raides de jalousie.

"Un problème ?" réplique-t-il d'un air arrogant. "Regardez où vous allez la prochaine fois !"

"Non mais j'hallucine," pense Serena. "Pour qui se prend-t-il, celui-là, avec son air de propriétaire de la salle, comme si tout lui appartenait ?" Mais elle a à peine le temps de reprendre sa respiration pour lui répondre que l'inconnu se dirige vers la porte d'entrée de la salle et file.

Joe, le propriétaire de la salle, se dirige vers elle.

"Ça va, Sé ?" lui dit-il en lui claquant une grosse bise sur la joue.

"Ouep, Joe, ça va, mais tu devrais peut-être faire le tri dans les nouveaux arrivants, non ? Y a déjà assez de testostérone dans la salle, pas besoin d'un deuxième champion avec la grosse tête," lui dit-elle avec un clin d'œil.

Joe, cet ancien champion de boxe qui avait dû arrêter sa carrière suite à une blessure, avait créé cette salle par amour du sport. Ce qui permettait à ce grand amoureux de la vie et des gens de continuer de voir du monde et de partager sa passion. Sûr de lui et connaissant sa valeur, il était un tant soit peu orgueilleux. Serena adorait le taquiner. Il avait été le premier professeur et entraîneur de Serena, et de fil en aiguille leur relation était devenue fusionnelle, jusqu'au point où Serena le considérait comme un deuxième père.

Pour cette petite fille de 8 ans qui avait grandi sans père, avoir un Joe dans sa vie lui avait été une bénédiction. La mère de Serena, Maria, n'avait pu que se réjouir de l'influence positive que Joe avait eue sur sa petite fille.

Mère célibataire, elle avait fait de son mieux pour que sa petite fille chérie ne manque de rien. Lorsque Maria avait 23 ans, elle avait commencé une relation amoureuse avec son patron, Dan, âgé de 26 ans. Fils d'une grande famille très aisée de la région, ils s'aimaient. Malheureusement, le destin n'est pas toujours des plus favorables.

Le jour où elle a appris qu'elle était enceinte, elle avait appelé Dan pour lui annoncer la nouvelle. Fou de joie, il avait annoncé à Maria qu'il arrivait de suite. Grand amoureux des motos, il avait enfourché sa bécane. Lui, toujours si prudent sur son deux-roues, n'avait pu éviter cette voiture qui avait brûlé un feu. Son père ne s'en était pas sorti.

Maria avait accouru à l'hôpital et c'est James, le grand frère de Dan, qui lui avait appris la triste nouvelle et avait remis ce jour-là à Maria la bague de fiançailles que son père venait d'acheter pour elle.

Oncle James avait par la suite toujours subvenu aux besoins de Maria et de sa fille, par mémoire pour son petit frère qu'il aimait tant. Et voir grandir Serena, qui ressemblait tellement à son père avec ses grands yeux bleus en amande et cette chevelure noir ébène, lui avait quelque peu mis du baume sur son cœur.

Serena ne portait pas le nom de son père, celui-ci n'ayant pu la reconnaître. Elle avait donc le nom de sa mère, Belluna, mais sa mère et elle faisaient partie de la famille Carter, cette illustre famille riche comme Crésus et dont seul le nom faisait s'ouvrir toutes les portes. Pourtant, peu de gens étaient au courant de son lien de parenté, sa mère ayant essayé au maximum de la protéger des convoitises et de la méchanceté que peut apporter la richesse.

James avait voulu faire le nécessaire pour que Serena porte le nom de Carter mais après que Maria lui ait expliqué son point de vue, il avait convenu que cela serait en effet préférable pour Serena de porter le nom de sa mère.

Serena avait pourtant touché un héritage de son père, qui avait été placé dans un trust et dont elle pourrait bénéficier à l'âge de 30 ans. En attendant, son oncle avait alloué à sa mère une rente en plus de son travail dans l'entreprise, où elle avait gravi les échelons jusqu'à devenir directrice Marketing de la boîte. Sa mère était respectée au sein de la société Carter, même si au début beaucoup avaient jasé de voir cette femme célibataire enceinte, dont on ne connaissait pas le père de l'enfant, la relation de ses parents étant restée secrète aux yeux des gens. Certains avaient même prétendu que l'enfant était de James.

En effet, Maria travaillait à la base dans une succursale de l'entreprise à Oakland, où Dan était directeur. À la mort de celui-ci, James avait demandé à Maria de déménager à San Francisco, afin d'être plus proche d'eux. Bien que fort attachée à Oakland, Maria avait accepté, n'ayant pas de famille, elle se rendait bien compte de la chance d'avoir auprès d'elle la famille de Dan. Être mère célibataire n'était pas simple et pouvoir compter sur le soutien d'une famille si puissante était une chance inespérée. Les voyant proches, les gens de l'entreprise avaient donc supposé et lancé des rumeurs comme quoi James et Maria étaient amants... Les rumeurs s'étaient tues à force de voir Maria si proche également de Tante Meg, la femme de James.

Joe claqua ses deux doigts devant le visage de Serena, la ramenant au présent.

« À force de rêvasser, tu vas finir par arriver en retard au travail », la taquina-t-il.

Serena lui claqua un baiser sur la joue et fila au vestiaire prendre sa douche.

Une demi-heure plus tard, elle ressortit fin prête. Vêtue d'un ensemble tailleur jupe bleu marine qui mettait en valeur ses grands yeux bleus, elle était à couper le souffle. Ses talons hauts vertigineux accentuaient son allure élégante et sophistiquée. Personne n'aurait pu deviner que Serena était aussi acharnée sur un ring.

Son apparence était véritablement frappante, captivant tous ceux qui croisaient son regard. Avec ses traits méditerranéens hérités de sa mère italienne et ses longs cheveux noirs encadrant son visage en forme de cœur, elle incarnait une beauté intemporelle et envoûtante. Ses yeux bleus perçants, hérités de son père, semblaient capables de percer les défenses les plus solides, tandis que ses lèvres pulpeuses ajoutaient une touche de sensualité à son charme ravageur.

Pourtant, malgré son apparence digne des podiums de défilés, elle avait choisi un chemin moins conventionnel en pratiquant la boxe. Sa taille fine et ses jambes fuselées pouvaient tromper sur sa véritable force et sa détermination sur le ring. Elle était une combattante redoutable, capable de rivaliser avec les meilleurs, même si son allure élégante pouvait laisser présager le contraire.

Cette dualité entre sa beauté enchanteresse et sa force intrinsèque ajoutait à son charme mystérieux. Elle était bien plus qu'une simple femme aux traits séduisants ; elle était une force de la nature, prête à conquérir tous les défis qui se présentaient à elle.

Elle fit signe de loin à Joe, puis sortit sur le parking pour récupérer sa voiture. Le trajet jusqu'à l'entreprise Carter, où elle travaillait en tant qu'adjointe de son cousin Alec Carter, fut rapide. Elle y travaillait depuis cinq ans, depuis l'obtention de son diplôme en finances. Sous les ordres directs d'Alec, elle avait acquis une grande confiance en gérant ses tâches lors de ses déplacements fréquents. Ayant commencé au bas de l'échelle, elle avait gravi les échelons au fil de son expérience. Cette progression était une tradition dans la famille Carter, visant à assurer une connaissance approfondie de tous les rouages de l'entreprise.

Elle gara sa voiture à sa place réservée et remarqua une flamboyante Aston Martin noire sur les places visiteurs. Cela devait être Cameron Rossi en personne. Une réunion était programmée ce matin pour étudier le dossier de partenariat entre les deux entreprises, un contrat de plusieurs millions de dollars qui permettrait au groupe Carter de s'étendre à l'international. Bien que l'entreprise Carter jouisse déjà d'une certaine notoriété et d'une rentabilité appréciable, l'association avec la Rossi Corporation leur permettrait de doubler, voire tripler leur chiffre d'affaires. Pour cette raison, Alec et Serena ne comptaient plus leurs heures ces dernières semaines.

Serena descendit de la voiture et se dirigea vers l'ascenseur, activant l'accès direct au dernier étage avec son pass spécial. Les portes s'ouvrirent sur le hall d'accueil où trônait le bureau d'Hélène, leur secrétaire à Alec et elle.

« Bonjour, jolie jeune dame », salua Serena.

Hélène était une femme d'une cinquantaine d'années, dont les cheveux gris lui allaient à ravir. D'une constitution fine, cette femme incarnait la grâce et la douceur. Maman et grand-mère comblée, elle était au service de l'entreprise depuis des années, ayant déjà travaillé sous les ordres de son oncle James. Elle était l'une des rares personnes de l'entreprise au courant du lien de parenté de Serena avec la famille Carter, sa fille étant même l'épouse d'Alec. Sophia, une ravissante blonde, qui avait fait fondre le cœur de son cousin voici 5 ans maintenant.

« Bonjour, jolie cœur », lui répondit Hélène. « Ils sont dans le bureau d'Alec. Monsieur Rossi est déjà là, il est arrivé en avance. »

Serena se dirigea donc vers le bureau de son cousin, tandis qu'Hélène lui glissait en passant un clin d'œil complice :

« Sacré beau garçon, ce Monsieur Rossi. »

Serena leva les yeux au ciel avec un sourire.

« Mais que dirait John s'il t'entendait ? » ajouta-t-elle, taquine.

Hélène répondit en rigolant :

« Ce n'est pas parce que l'on est au régime que l'on ne peut pas regarder le menu. »

Serena éclata de rire devant la réponse d'Hélène, connaissant l'amour qui l'unissait à son mari John. Elle toqua à la porte de son cousin et entra dans le bureau. Et là, elle se figea : devant elle se trouvait le bel inconnu de ce matin !