Chapitre 1
Le train grinça sur les rails dans un dernier soupir avant de s'arrêter. Une valise à la main, Sophie descendit sur le quai avec une assurance feinte. Camille et Lucas, cramponnés à son autre main, jetèrent des regards curieux autour d'eux. Une petite foule s'éparpillait, mais personne ne semblait prêter attention à leur arrivée. Pas de caméras, pas de murmures indiscrets, juste le bruit du moteur du train qui s'éloignait. Elle inspira profondément. Elle était de retour.
- Maman, c'est ici qu'on va vivre maintenant ? demanda Lucas en regardant les pavés poussiéreux de la gare.
- Oui, mon cœur. C'est ici, répondit-elle, un sourire discret sur les lèvres.
Mais elle savait qu'un sourire ne suffirait pas. Six ans. Six longues années qu'elle avait fui cette ville et les regards de pitié qui l'avaient traquée comme des vautours. Tout le monde savait ce qui s'était passé avec Maxime Duval. Tout le monde avait lu les titres scandaleux et s'était repu de la chute de la « belle Sophie ». Mais aujourd'hui, elle revenait en tant que femme différente. Plus forte, plus fière. Et surtout, jamais seule.
Un homme se fraya un chemin jusqu'à eux, bras ouverts, sourire éclatant.
- Sophie ! Oh là là, ça fait combien de temps ? Six ans ? Tu n'as pas changé d'un poil.
Elle ne reconnut pas immédiatement la voix, mais l'enthousiasme la cueillit par surprise.
- Bastien ? Oh mon Dieu, Bastien, c'est toi !
Le rire fusait, nerveux mais sincère. C'était une bouffée d'air dans ce retour chargé d'appréhensions.
- Qui d'autre ? Toujours là à attendre les trains qui ramènent des gens plus intéressants que moi. Alors, qu'est-ce que tu fais ici ? T'as enfin décidé de revenir parmi nous ?
- Oui. J'ai décidé qu'il était temps, répondit-elle simplement.
Il jeta un coup d'œil aux enfants.
- Et eux, c'est... ?
- Camille et Lucas, mes enfants.
- Deux d'un coup ? Pas mal, Sophie. Pas mal du tout.
Lucas fronça les sourcils, vexé.
- On n'est pas des coups. On est des jumeaux !
- Bien dit, petit bonhomme ! Bastien éclata de rire. Tu sais quoi, je sens qu'on va bien s'entendre, toi et moi.
La glace était brisée. Bastien les aida à charger les valises dans une voiture qui semblait avoir connu des jours meilleurs, et ils prirent la route.
- Alors, raconte. C'est quoi l'histoire ? Tu reviens pour rester ou juste pour le folklore ?
Sophie haussa les épaules, évitant le regard trop insistant qu'il lançait dans le rétroviseur.
- Pour rester.
- Intéressant. Et le père des petits, il est dans l'équation ?
Le silence s'installa. Camille et Lucas, habitués à ce genre de questions, gardèrent la tête baissée. Sophie inspira doucement.
- Non. Pas dans l'équation.
Bastien comprit qu'il valait mieux ne pas insister et changea de sujet en un clin d'œil.
- Eh bien, prépare-toi, ma vieille. Les Martins sont de retour et ça va jaser !
Il ne plaisantait pas. À peine arrivée chez ses parents, Sophie fut accueillie par un torrent d'émotions. Sa mère pleurait en les serrant contre elle, son père, plus réservé, les observait avec des yeux pleins de fierté.
- Tu es rentrée, dit-il simplement. C'est tout ce qui compte.
Mais la sérénité du moment fut de courte durée. À peine installée dans sa chambre d'enfance – que sa mère avait méticuleusement préservée – Sophie alluma son téléphone. Une notification attira son attention : *« Sophie Martin, l'ex-femme du milliardaire Maxime Duval, fait un retour discret dans sa ville natale avec ses jumeaux. Une revanche discrète ou une retraite anticipée ? »*
Elle sentit la colère monter. Même ici, dans ce refuge qu'elle avait espéré intact, les rumeurs la suivaient. Elle posa son téléphone, inspira profondément et se força à redescendre.