Kiya vit recluse avec d'autres enfants persĂ©cutĂ©s pour leur peau bleue et ses vertus. Dans ce futur dystopique, ces ĂȘtres Ă part doivent renoncer Ă la libertĂ© au prix de leur sĂ©curitĂ©. Les femmes ont pris le pouvoir dans un monde oĂč la nature a Ă©tĂ© meurtrie, oĂč la sociĂ©tĂ© s'est hiĂ©rarchisĂ©e. MalgrĂ© les horreurs qu'elle a vĂ©cues en perdant sa famille, Kiya continue de rĂȘver. Elle rĂȘve de dĂ©couvrir le monde extĂ©rieur qu'elle s'imagine Ă travers les rĂ©cits de ses tuteurs. Elle rĂȘve d'une vie libre et paisible avec Kumiko, sa petite sĆur d'adoption. Mais au-delĂ des murs, la fillette prĂ©fĂšre risquer sa vie pour protĂ©ger cette derniĂšre. Quitte Ă ne laisser derriĂšre elle qu'un simple message, tĂ©moignage d'espoir et d'amour de sa courte existence sur Terre...
Kiya. C'est le nom que m'a donnĂ© ma mĂšre. Ăa fait des mois que je ne l'ai pas vue. J'espĂšre
qu'elle va bien. Que notre affaire est prospĂšre. Le pĂšre Borbora dit qu'au-delĂ de ces murs, le
danger guette toujours les familles des enfants bleus. Une enfant bleue, c'est ce que je suis. Chaque
partie de mon corps vaut beaucoup d'argent Ă ce qu'on dit. Il paraĂźt que mes entrailles peuvent
guérir du cancer. Mes ovules assurent à 100 % d'avoir un bébé sans défaut, chose trÚs prisée dans
une Ă©poque comme celle-ci oĂč beaucoup d'enfants naissent avec des problĂšmes. Quant aux garçons,
ils auraient dans leur pantalon un membre infaillible que beaucoup d'hommes désireraient
s'approprier. Certains disent que les Alpha - c'est-Ă -dire la caste des riches - sont friands de ma
peau. J'ai appris qu'une fois mise en poudre, elle garantit aux femmes de vieillir plus lentement.
Chaque morceau de ma petite carcasse vaudrait donc entre 525 et 65000 euros. Un cheveu, un os,
une goutte de mon sang se vendent cher. Je suis un produit d'excellence.
Les murs sont faits pour nous protéger. Dehors on nous traque. On nous pourchasse. On
nous découpe. Les Frustrés - cette caste regroupant ceux qu'on appelait autrefois classe moyenne
et pauvres - espĂšrent changer leur vie en s'appropriant ne serait-ce qu'un petit bout de notre chair.
Ils n'utiliseront jamais d'arme à feu sur nous. Ils sont soigneux, un membre endommagé perd de sa
valeur sur le marchĂ©. Il ne doit ĂȘtre souillĂ© en aucun cas. Alors ils utilisent plutĂŽt des couteaux, des
haches, des ciseaux, et parfois mĂȘme des Ă©conomes pour rĂ©colter notre peau. Je le sais, je les ai vus
faire.
Aujourd'hui Ă la cantine, SĆur An Binh nous sert un yaourt et une orange papillon. En
voyant ce petit fruit tout doux, j'Ă©clate en sanglots. Entre mes larmes, je remarque les regards
inquiets de Nils et Kohana, mes camarades métisses à peau de saphir. Ils ne peuvent pas
comprendre ce qui m'arrive...
Le PÚre Borbora accoure aussitÎt et me retire l'orange. AprÚs avoir caressé mon crùne nu en
me disant quelques mots gentils, je l'entends expliquer Ă SĆur An Binh qu'il ne faut jamais me
donner de fruits Ă peler. Lorsqu'il lui en dĂ©taille les raisons, elle se met Ă pleurer Ă son tour. La voilĂ
qui me sert contre elle. Elle est chaude. Ses yeux mi-clos laissent couler une petite cascade d'eau
saline. Elle ne cesse de s'excuser, mais je ne lui en veux pas. Elle ne pouvait pas savoir.
Chapitre 1 1 Aux fils et aux filles du futur
07/05/2021
Chapitre 2 2 Je laisse là ce message en espérant que le monde a changé.
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Chapitre 3 3 J'aurais aimĂ© fouler le mĂȘme sol que vous.
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Chapitre 4 4 J'aurais aimĂ© vous connaĂźtre, vivre d'aventures et de rĂȘves.
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Chapitre 5 5 Mais ma couleur ne m'y autorisera jamais.
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Chapitre 6 6 Je suis pourtant sĂ»re que nous avons le mĂȘme cĆur et les mĂȘmes rĂȘves.
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Chapitre 7 7 LĂ oĂč je me rends, je sais que j'y serai Ă ma place.
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Chapitre 8 8 Qui que vous soyez, vous qui lisez ce mot, je vous aime tel que vous ĂȘtes.
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