- Restez tranquille, sinon je ne pourrais pas vous administrer vos soins correctement.
La femme en face de Natalia se calme suite à ses propos, mais pas pour bien longtemps.
- ¿Desde cuándo una niña me va a decir que hacer? (Depuis quand une gamine va me dire ce que je suis censée faire ?)
- la nueva generación... una extranjera sobre todo (la nouvelle génération... une étrangère en plus de cela)
Le mépris est clair dans la voix de la copine. La femme à ses côtés rigole pensant que Natalia ne pourrait comprendre ce qu'elle dise.
- la extranjera te entiende muy bien, por si quieres saberlo. (l'étrangère vous comprend très bien, si vous voulez tout savoir.)
Les deux femmes semblent choquées de la voir leur répondre en espagnol. Natalia avait l'habitude de ce genre de réaction. Elle était en mission depuis 3 mois dans tout le Mexique avec son ONG.
- Je peux te remplacer quand tu veux Natalia, lui lance Loyd de l'autre côté de la salle allouée à leur groupe. Tu pourras ainsi aller déjeuner.
- Ce n'est pas nécessaire. Je viens de finir avec ces deux charmantes dames. Elle se tourne vers elles, soudainement bien silencieuses, un sourire effronté au visage. Puedes ir a menos que prefieras seguir hablando de mí. (Vous pouvez y aller, sauf si vous préférez continuer à parler de moi.)
Elles se lèvent et quittent la salle sans demander le reste. Loyd rigole franchement dès leur départ. Il n'est pas mécontent de les voir s'en aller, surtout la queue entre les jambes après leurs propos.
- Tu arrives de mieux en mieux à les rembarrer ma poulette, dit-il en lui lançant un clin d'œil séducteur.
- Arrêtés. Il lève les mains en l'air comme signe de sa défaite avant de finir son bandage sur son patient. Je vais chez la mamie dans la rue à côté.
- D'accord, fais attention à toi. Demande à quelqu'un d'autre de t'accompagner. Ce n'est pas une ville des plus sûres.
- Oui papa, lui répondit-elle avant de s'en aller.
Elle ne suit pas son conseil et récupère de quoi prendre les mesures vitales de base, avant de laisser sa blouse dans un casier. Elle n'a pas besoin d'être en groupe pour aller voir la grand-mère, qu'elle avait aperçue en distribuant des tracts ce matin au sujet de leur implantation à proximité. Elle lui avait parlé, elle avait vu son état. Elle aurait dû mal à se déplacer toute seule. C'est pourquoi elle s'était proposée pour venir en personne l'aider.
Elle arrive rapidement à l'immeuble en question. La dame habite au rez-de-chaussée. Elle ne se rappelle pas forcément son nom, mais le portail s'ouvre avant qu'elle n'ait le temps de réfléchir. Elle pénètre dans le sas, une des portes dans le couloir est ouverte et elle reconnaît la tête de sa future patiente. Elle a dû également la reconnaître et l' ouvrir.
Elle salue l'octogénaire poliment avant de s'asseoir pour lui prendre ses constantes. Elles discutent ensemble, le temps passe tellement vite. Natalia a l'impression d'être en face de sa grand-mère. L'origine mexicaine de sa grand-mère n'est pas forcément le genre de chose auquel elle peut s'identifier. Sa famille ne semble pas porter dans son cœur ce pays. Il n'en parlait jamais à la maison. La seule fois où elle a appris ce côté de sa famille, c'était quand plus jeune elle avait fait un arbre généalogique. Le nom de jeune fille de sa grand-mère avait été le déclencheur. Après tout le monde lui demandait comment cela se faisait qu'elle ne ressemblait pas à une Latina. Elle était blonde avant, maintenant brune après coloration. Ses cheveux étaient plats et son teint ne trahissait en aucun cas son origine. Natalia n'était même pas son premier prénom, seulement le troisième. Caroline, Virginie étaient ses premiers prénoms. En recherche de son identité culturelle, de ses racines, elle avait décidé de ne se faire plus qu'appeler Natalia en arrivant à l'université. Aujourd'hui la plupart des gens avec qui elle travaillait ne l'appelait que comme cela.
Sa discussion avec la vieille est interrompue par de bruyants coups à la porte. Natalia se demande ce qu'il pouvait bien se passer. Les mains de sa patiente tremblent dans les siennes et son regard trahit une grande crainte. Les coups s'intensifient et elles entendent des hommes vociférer de l'autre côté. Natalia se lève et va voir ce qu'il se passe. Elle ouvre la porte doucement pour tomber sur 3 hommes, des caïds surement au vu de leur dégaine.
- Pas trop tôt la veille, j'aurais dû casser ta porte si tu n'avais pas ouvert. Je suppose que tu n'aurais pas eu assez d'argent pour la remettre à sa place. Surtout avec la tonne d'argent que ton fils nous doit.
La personne qui parle est un homme tatoué derrière les deux autres. Il semble être le chef de cette petite équipe.
- Que puis-je faire pour vous messieurs ?
Le chef regarde de haut en bas Natalia, lui adressant un regard appréciateur.
- Un vrai petit bonbon.
- Je ne sais pas qui vous recherchez mais il n'y a aucun homme dans cette maison. Uniquement une vieille dame. Elle a besoin de repos.
- En plus courageuse...
Il s'approche de Natalia, avant de la prendre par la hanche. Leurs torses se heurtent violemment. Mais elle ne détourne pas le regard.
- Quittez cet appartement ou j'appelle la police.
- Tu peux appeler qui tu veux ma jolie. Personne ne viendra m'empêcher de récupérer ce que je suis venu chercher.
Il s'éloigne de Natalia et se rapproche de la veille femme, qui baisse les yeux complètement apeurée.
- Ton fils a encore fui avec mon fric. Avec notre fric. Tu vas nous rembourser ?
- Je ne sais pas combien il vous a pris. Mais je n'ai pas grand-chose. Je ne sais même pas où il est passé... Il est parti sans rien me dire...
- Dehors, crie Natalia, munie de son téléphone. C'est mon dernier avertissement.
- Tu aurais dû rester bien tranquille et silencieuse. Je pense que tu n'as aucune idée de qui nous sommes.
- Ne faites pas cela ou ils vous tueront, l'avertit la veille femme à son tour, en panique totale.
- Écoute là c'est mieux pour toi. Surtout que je ne voudrais pas avoir à t'amocher.
- De nous deux, tu es sûrement celui qui finira à l'hosto. Espèce de pédale.
L'homme se raidit et son regard se fait assassin. Il s'approche d'elle à nouveau prêt à l'attraper. Natalia voit venir le coup et lui envoie un coup de pied en plein dans les couilles. Il se plie en deux et se tord de douleur. Les autres, plutôt silencieux auparavant, s'approchent de leur chef pour lui porter secours.
- Espèce de petite pute. Je vais t'attraper et tu me supplieras de te tuer.
- Essaie toujours, ajoute-t-elle, voyant qu'elle arrive à détourner l'attention des malfrats.
Elle quitte l'appartement, espérant qu'ils se lancent à sa poursuite.
- Putain lâchez-moi. Attrapez-la...
Pari tenu. Natalia entend les pas de course derrière elle des deux copains du premier malfrat. Elle entend par la suite ce dernier crier dans la rue. Natalia court comme si sa vie en dépendait. Elle n'est pas bête au point de ne pas avoir vu les tatouages et les flingues du groupe. Ils font partie de gangs. Elle doit revenir à l'immeuble où se trouve sa délégation. C'est sa meilleure chance. Ils ont des policiers stationnés là-bas, censés les protéger.
Il y a plus de piétons se promenant dans l'avenue que quand elle a pris le chemin pour venir. Elle crie à l'aide, au secours pour essayer d'alerter les gens. Mais personne ne semble en mesure ou ne tente de l'aider. Elle court souvent donc elle a un peu de cardio, mais elle sait aussi qu'ils vont la rattraper si elle ne trouve pas rapidement une solution. A ce moment-là, elle ne donne pas cher de sa survie.
- Aidez-moi.... Au secours... Ils essaient de me tuer...