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L'oubli impardonnable — Tome 2: Le Celio

L'oubli impardonnable - Tome 2: Le Celio

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5.0
avis
496
Vues
30
Chapitres

Vingt-trois ans aprĂšs sa disparition, Alistair Savierily retrouve enfin AmĂ©lia, sa femme qui n'est autre que la dĂ©tenue 732. En captivitĂ© pendant de nombreuses annĂ©es, AmĂ©lia, traumatisĂ©e, a l'esprit qui vacille entre la soumission psychologique installĂ©e par le Rassemblement et sa soif de vengeance envers cette cruelle organisation. Cependant, la bienveillance de son Ă©poux lui rappelle une humanitĂ©, profondĂ©ment enfouie, qui remonte peu Ă  peu Ă  la surface. Finalement, ce retour semble prĂ©sager de bons augures. Ou pas... À PROPOS DE L'AUTEURE FĂ©rue de culture, d'histoire et de littĂ©rature, avec un goĂ»t prononcĂ© pour le fantastique, AbigaĂ«l Martraix accorde une grande importance Ă  l'explication des Ă©motions. Pour elle, il n'y a pas que le Bien et le Mal, il y a avant tout des histoires. Ce roman, destinĂ© au grand public, est le second tome de la trilogie L'oubli impardonnable. Il fait suite au premier volet, Le pĂ©tale de glace.

Chapitre 1 No.1

Aux amours qui mĂ©ritent d'ĂȘtre vĂ©cus

À Francia

1

La solitude est une douleur profondĂ©ment ancrĂ©e dans le cƓur. Un poison opportuniste qui profite d'un fugace instant de chagrin pour s'installer. Au fil du temps, le plus discrĂštement possible, il s'insinue dans les recoins lointains de l'Ăąme. Il s'Ă©coule en de multiples filaments, noircissant la lumiĂšre en nous. Il l'Ă©touffe. La repousse dans ses tranchĂ©es. Jusqu'Ă  ce qu'elle s'Ă©teigne lentement. Nous laissant dans une lente et douloureuse agonie.

À chaque mise Ă  l'Ă©cart des autres, le poison s'Ă©tire. À chaque « je suis occupĂ©, on se tient au courant », il s'Ă©tire. Pourtant, comment en vouloir Ă  son entourage ? Bien sĂ»r, on peut ĂȘtre trop fatiguĂ© et avoir besoin de repos. Bien sĂ»r, on peut connaĂźtre des retards Ă  cause du travail, de la circulation, des enfants qui finissent l'Ă©cole plus tard que prĂ©vu. Bien sĂ»r, nous ne sommes pas les seuls amis que les autres ont. Bien sĂ»r, tout ne tourne pas autour de nous.

Alors on accepte. On comprend. On pardonne aisément. Et on attend. On attend de se faire inviter lorsqu'ils seront disponibles. Mais personne ne prend contact. Personne n'écrit. Personne n'appelle. Personne ne passe.

Compte-t-on vraiment pour les gens alors ? Compte-t-on vraiment pour les membres de son entourage ? Si personne ne vient, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison. Quel défaut particuliÚrement désagréable a-t-on ? Quel cÎté de notre personnalité est antipathique au point que personne ne nous sollicite ?

Rien qu'un café. Rien qu'une balade. Rien que quinze minutes...

On se retrouve assis lĂ , Ă  observer ce qui nous entoure. En silence.

Et la mĂȘme question revient en boucle : pourquoi personne ne veut me voir ? Qu'est-ce qui cloche chez moi ? Qu'ai-je fait pour ĂȘtre rejetĂ©e Ă  ce point ?

Les jours passent. Les jours deviennent semaines. Et les semaines deviennent mois.

Toujours personne. Toujours seule...

Ils m'ont oubliée. Ils ne veulent pas me voir. Ils auraient pu trouver un moment s'ils le voulaient vraiment ! Ils auraient pu se déplacer pour venir me voir ! Ils auraient pu... Ils ne veulent pas. C'est pour ça qu'ils me laissent là. C'est pour ça qu'ils me laissent seule. Tous. Tous autant qu'ils sont !

Ma famille.

Mes amis.

Mes collĂšgues.

Est-ce que ce sera ainsi jusqu'Ă  la fin ? Resterai-je seule jusqu'Ă  la fin de ma vie ?

Si euxne viennent pas, alors qui viendra ?

Je ne peux pas sortir. Je n'ai pas la force de bouger. Je n'ai pas la force de lever la tĂȘte. Mes yeux me brĂ»lent. Mes paupiĂšres sont lourdes. Je dois les fermer pour ne plus avoir mal Ă  cet endroit. Je ne peux pas sourire. Mes zygomatiques sont trop lourds.

Avant je souriais. C'Ă©tait simple. Naturel. J'aimais beaucoup ça. Je souriais aux gens. Je souriais aux blagues. J'en faisais moi-mĂȘme. J'aimais rire. Et faire rire. Je savais remonter le moral. Je savais trouver les mots pour apaiser les peines.

Tout cela me semble si difficile désormais. Si loin dans ma mémoire. Je n'arrive plus à dater mon arrivée ici.

Eux non plus ne viennent pas me voir. Je ne reçois pas de visites. Seulement des plateaux de nourriture. Rien de fastueux, simplement de quoi faire fonctionner la machine du corps humain. La seule fenĂȘtre de la piĂšce Ă©tait l'unique façon pour moi d'avoir un accĂšs visuel sur le monde. La vue Ă©tait trĂšs Ă©trange. Une large Ă©tendue d'eau noire, sans aucune rive. Au loin, il me semblait apercevoir une haute falaise sombre et humide, mais je ne voyais pas ce qu'il y avait au-dessus. LĂ , au milieu (si on peut appeler cela ainsi), se dressait un minuscule Ăźlot de mousse, oĂč trĂŽnait un Ă©norme chĂȘne. Un Ă©troit chemin de verdure s'avançait dans sa direction, mais se noyait rapidement dans les eaux sombres.

Le vent ne soufflait jamais. Le feuillage restait immobile. Aucune vague ne se formait. Un lourd silence régnait. Il ne serait pas étonnant que ce ne soit que le fruit d'une imagination lugubre.

NON ! Stop ! Cela suffit de broyer du noir. Il y a forcĂ©ment des gens qui pensent Ă  moi. Je dois forcĂ©ment manquer Ă  quelqu'un. Un tant soit peu. J'ai eu une vie avant ici. J'ai vĂ©cu avant d'ĂȘtre ici. J'ai rencontrĂ© des gens. J'ai parlĂ© avec des gens. J'ai eu des fous rires. Je suis sortie. Je n'Ă©tais pas recluse dans une grotte

Quelqu'un viendra me voir. On va venir me voir, oui. Oui, et on rira. On me racontera les derniÚres imbécilités du monde. Les derniÚres lois idiotes qui sont passées. Les derniers politiciens relùchés alors qu'ils sont les plus gros arnaqueurs du pays. Les derniers crimes commis au nom de l'idiotie. Et puis on me racontera la vie de gens dont je me fiche royalement. De gens que je ne connais pas. Et qui se foutent bien de mon existence. Et de celles qui les vénÚrent. On me racontera les derniÚres incivilités des vieilles personnes qui estiment qu'elles ont le privilÚge de tout en raison de leur ùge avancé.

Putain mais quelle merde !

Finalement, je ne suis pas si mal que ça ici. À l'abri de toute cette folie.

Je me souviens des actualitĂ©s. Les animaux abandonnĂ©s en grand nombre. Les enfants qui vivent l'enfer Ă  la maison. Les nombreux suicides des mineurs. Les femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint. Le silence des femmes battues. Le silence des enfants battus. La pression sociale sur la rĂ©ussite professionnelle et financiĂšre. La pression machiste sur les jeunes hommes, les adolescents, et mĂȘme les petits garçons. La stigmatisation de ce que doit faire et ĂȘtre une petite fille. Les gens qui pensent que la protection de l'environnement est une mode qui existe pour emmerder les populations respectables qui ont passĂ© leur vie Ă  travailler, et « c'Ă©tait comme ça quand ils Ă©taient jeunes alors il n'y a aucune raison pour que cela change puisque ça fonctionne comme ils l'ont toujours connu».

Bande d'abrutis !

Je me souviens de ce que deviennent les gens qui osent se soulever, dĂ©noncer, et se battre. Ils connaissent tous le mĂȘme sort. Des disparitions en masse se faisaient trop remarquĂ©es. Alors les gouvernements, les grosses richesses, et les lobbyistes se sont contentĂ©s de les matraquer. De les mutiler. De les agresser. De les enfermer.

Et tous ces enfoirĂ©s restent Ă  leur place bien confortable sans rien craindre de la justice. De la vraiejustice. Celle qui punit ceux qui entravent le bon fonctionnement des sociĂ©tĂ©s. Ceux qui font passer leurs intĂ©rĂȘts financiers avant le bien-ĂȘtre du monde. Ceux qui prĂ©fĂšrent laisser les gens Ă  la rue plutĂŽt de donner les moyens aux patrons d'embaucher, ou de crĂ©er leur entreprise. Ceux qui se rendent aux sommets politiques sur l'urgence climatique en avion privĂ©, en hĂ©licoptĂšre privĂ©, en jet privĂ©, ou dans leur voiture de sport. Ceux qui s'amusent Ă  attiser la haine. Qui dĂ©tournent les regards et les pensĂ©es vers des populations diffĂ©rentes de la leur.

Il y a peu, les Australiens ont été évacués d'urgence. PrÚs de vingt-quatre millions d'habitants qui quittent leur pays de force. Ces hommes, ces femmes, ces enfants qu'on arrache à leur foyer, car le cataclysme ultime arrive. Deux cent mille personnes ont refusé de partir. Deux cent mille personnes ont été englouties par les eaux des tsunamis, avec leur pays. De l'Australie, il ne reste que son peuple, leurs souvenirs. Et des images numériques. Les humains refusaient de les recueillir. Ils avaient déjà bien assez à s'occuper dans leur pays pour aider tout un peuple qui n'en a plus. Je me souviens des manifestations pour forcer les dirigeants à changer de décision. Mais rien n'y faisait. Alors, les Fées des Montagnes sont intervenues, et les ont accueillis. La vie en montagne ne convenait pas à tous, alors des émissaires sont partis pour demander à d'autres peuples féeriques de leur donner un foyer. Heureusement, les fées de la Nature du monde entier ont répondu favorablement. Ainsi, le peuple australien se sépara aux quatre coins du monde.

La magie des fĂ©es Ă©tait aussi belle que gĂ©nĂ©reuse. C'Ă©tait dans la nature de la plupart d'entre elles. Bien sĂ»r, chacune avait son caractĂšre, sa personnalitĂ©. Certaines Ă©taient mĂ©fiantes, craignant que l'aviditĂ© des humains ne se manifeste de façon exacerbĂ©e au sein de leur communautĂ©. L'envie de s'approprier leur magie. D'assouvir les fĂ©es. Il y eut de nombreux complots. Et de rares tentatives de prise de pouvoir. S'attaquer aux fĂ©es Ă©tait une trĂšs mauvaise idĂ©e, dĂ©montrant la preuve d'une capacitĂ© de rĂ©flexion trĂšs limitĂ©e. En effet, lorsqu'un peuple de fĂ©es est en danger, ce sont les fĂ©es des Neiges qui interviennent. Elles sont l'armĂ©e officielle des fĂ©es. Mi-fĂ©es, mi-elfes, leur pouvoir est unique. Elles possĂšdent la puissance tellurique fĂ©erique, et les talents de combat elfiques. Une combinaison fatale. Certaines lĂ©gendes racontent mĂȘme qu'elles rivalisent avec les divins. Bien sĂ»r, ce ne sont que des lĂ©gendes.

Je me souviens d'en avoir rencontré. Oui, j'ai déjà rencontré des fées des Neiges. Cependant, je n'arrive plus à me souvenir quand. Ni ce qui a bien pu se passer lors de cette rencontre. C'est navrant.

C'est terrifiant.

Je ne me rappelle plus.

Et je ne sais pas comment cela a pu se produire...

Ni comment Il a pu m'oublier... Je représente donc si peu...

Tu m'as oubliée.

Et moi aussi.

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Romance

5.0

Prologue : Dans la pĂ©nombre de la vieille demeure Smith, le silence pesant semblait s'Ă©tendre, presque palpable. La grande table du dĂźner brillait encore des Ă©clats des couverts en argent et des verres de cristal, tĂ©moins d'une soirĂ©e ponctuĂ©e de murmures et de regards en coin. Au centre de ce tableau familial, Edward Smith, patriarche et chef de la lignĂ©e, trĂŽnait en silence, le regard sombre fixĂ© sur les visages de ses fils et petits-enfants. L'annonce de la visite inattendue de la famille Anthony avait laissĂ© un goĂ»t amer dans l'air. Cette famille dĂ©chue, autrefois proche alliĂ©e, venait rĂ©clamer l'application d'un accord de mariage ancien, comme une dette oubliĂ©e, qu'Edward espĂ©rait ne jamais voir resurgir. En observant ses petites-filles, Stellah et Stacey, qui tentaient de dĂ©fendre leur avenir, il ne pouvait s'empĂȘcher de ressentir un mĂ©lange de frustration et de dĂ©sarroi. Leur rĂ©volte Ă©tait prĂ©visible, lĂ©gitime mĂȘme, mais l'accord ancestral Ă©tait inĂ©luctable. C'est alors que la tension monta d'un cran, lorsque Richard, son fils cadet, dĂ©signa froidement Sandra, la plus jeune petite-fille, pour honorer ce mariage imposĂ©. Sandra, la fille d'Andrew, celle que tous avaient dĂ©nigrĂ©e en silence, celle dont l'existence dans la famille n'Ă©tait que tolĂ©rĂ©e. Son retour aprĂšs dix-huit ans d'absence n'avait fait qu'amplifier le mĂ©pris Ă  son Ă©gard, comme si elle reprĂ©sentait Ă  elle seule les erreurs et les hontes de la lignĂ©e. Les regards se tournĂšrent vers Sandra. Cette derniĂšre, d'un calme glacial, Ă©couta les injures et le mĂ©pris qui fusaient de toute part. Les reproches, les mots cruels de ses grands-parents et oncles pleuvaient, tentant de la rĂ©duire Ă  l'ombre qu'ils s'Ă©taient Ă©vertuĂ©s Ă  voir en elle. Mais au milieu de cette tempĂȘte, elle se leva, silencieuse, et marcha lentement vers eux. Son visage impassible cachait une dĂ©termination que nul n'avait anticipĂ©e. - Je vais Ă©pouser Levy Anthony, dĂ©clara-t-elle d'une voix implacable, coupant court Ă  toutes les protestations. L'effet fut immĂ©diat : la piĂšce entiĂšre plongea dans un silence choquĂ©. Et dans ce calme soudain, Sandra posa ses conditions, son regard dĂ©fiant la famille entiĂšre. Elle avait acceptĂ©, oui, mais elle n'Ă©tait pas sans armes. Les mots froids de Sandra firent frĂ©mir l'assemblĂ©e, rappelant Ă  chacun l'ultimatum inscrit dans l'accord ancestral : si une des petites-filles refusait de s'unir aux Anthony, la fortune des Smith s'Ă©vanouirait dans des Ɠuvres de charitĂ©, anĂ©antissant la vie de privilĂšges Ă  laquelle ils Ă©taient accrochĂ©s. Ce soir-lĂ , la maison des Smith fut tĂ©moin d'une scĂšne qui changerait le cours de son hĂ©ritage, oĂč un simple accord allait sceller les destins et rĂ©vĂ©ler l'inflexible volontĂ© d'une jeune femme longtemps rejetĂ©e, mais qui allait, contre toute attente, renverser les rĂšgles de cette famille.

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