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Si vous saviez !

Si vous saviez !

lair1951

5.0
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1
Chapitres

J'ai vécu mon enfance dans un charmant village comme on en trouve des milliers en France, en Belgique ou ailleurs. J'en ai gardé le souvenir de vieilles personnes aussi originales qu'attachantes, l'odeur des champs de blé et des moissons. Je revois, comme si c'était hier, les chevaux ou les bœufs qui traînent la charrue, la herse en bois ou la charretée de foin au sommet de laquelle se chamaillent les garnements du coin. Ces souvenirs me sont chers et ceux d'entre vous qui ont connu le travail de la terre découvriront avec nostalgie les descriptions et les ambiances que je distille dans cet ouvrage. Les premiers textes me touchent particulièrement, car j'y décris – avec les yeux d'un enfant de 3 ans – des lieux et des événements qui m'ont marqué à tout jamais. Plus de soixante ans ont passé, et je n'ai pas oublié… Je vous invite à découvrir les secrets de mon enfance, les émois de ma jeunesse et les tourments de mon adolescence avec, pour toile de fond, ce décor inestimable et immuable qu'est la campagne… ma campagne !

Chapitre 1 Si vous saviez...!

LA VIEILLE DAME SOUS SON MANTEAU BLANC

La campagne est une vieille dame coquette et digne. Elle pleure en silence sous le regard menaçant de mars, elle charrie ses sanglots en rigoles disciplinées dans les replis de ses sobres atours, mais elle se console bien vite et succombe au charme des roulades qu'un pinson amoureux lance dans les cerisiers blancs. Elle illumine alors d'émeraude les feuillages renaissants et dispose avec talent une palette harmonieuse de teintes réjouies sous le ciel rassuré.

Ensuite, elle se taille un séduisant chemisier dans un tapis de coquelicots ; subtile rivière de rubis et de jade entremêlés de marguerites immaculées. Ce pastel bigarré exalte sa fraîcheur adolescente et sa rayonnante féminité.

Pour compléter son élégance, elle se tisse un jupon soyeux aux reflets des champs de lin que des vagues miroitantes chargées d'azur et de nacre parent de mouvantes étincelles. Puis, couronnement suprême, l'or des champs de blé s'écoule en cascades éblouissantes jusqu'au creux de ses reins ; chevelure angélique aux doux frémissements, qu'un souffle divin caresse et rassure avec déférence et volupté.

Elle est comblée, fière et paisible. Elle respire à peine, par crainte de se froisser. Mais les saisons suivent la mode… elles ne font que passer.

Les blés sont moissonnés, ils gisent sur les champs. On retourne les javelles sous un soleil de plomb. Un frou-frou cadencé accompagne le geste des paysans. Les femmes suivent, plus voûtées qu'un vieux pont, un large mouchoir rouge à pois blancs noué dans les cheveux. D'une poignée de fétus, elles tressent un lien solide, et naissent entre leurs mains agiles des gerbes régulières qu'elles dressent par groupe de quatre, telles des huttes lilliputiennes.

Puis, le flot des gerbes coule ses longs cils dorés à travers les ridelles des grands chars à bœufs qui s'en vont, cahotants, rejoindre les hangars et les greniers.

Mais bientôt, revient le temps des couleurs ternes et des guenilles. Dame campagne se dénude lentement. Elle offre son vrai visage et son corps imparfait aux griffes de l'automne. Les récoltes engrangées, la campagne se retrouve toute chauve, impudiquement nue. Çà et là, son corps meurtri exhibe des taches de rousseur… C'est que les feuillages, eux aussi, prennent la couleur du temps.

Las de nous gratifier de son éclat, le soleil se couche alors sur les dernières meules de foin perchées sur leur support de rames entrelacées.

Le vaisseau de l'automne a jeté l'ancre dans un port noyé d’embruns. La rosée du matin sécrète des perles cristallines ; la nature semble sortir d'un bain. Dans l'ombre altérée, des chevaux s'ébrouent et la herse traîne ses dents d'acier sur le ventre des champs dont la peau se ride, gerce et mollit.

La brise de novembre s'époumone dans les cimes qui s'effeuillent ; longs soupirs languissants que suivent de longs nuages noirs. La nature est en deuil et se résigne. Veuve d'un règne éphémère dont le soleil l'avait faite reine, elle en assume les déplaisirs et les renouveaux. Elle se drape d'un rideau de brume, triste présent du vent du nord ; elle se voile d'amertume, ferme les yeux, puis s'endort…

Les anges ont eu pitié. Ils ont survolé la pauvresse, battu des ailes avec ardeur et retenu leur souffle afin que leur duvet ne s'envole trop loin. Sous l'œil attentif de l'unique étoile occupée à veiller la campagne, ils ont vêtu la vieille dame d'un épais manteau blanc.

Ce matin-là, quand le soleil naissant a rosi les ténèbres, il a découvert une vierge sereine et s'est pudiquement voilé pour ne pas la troubler.

Bonhomme hiver est un artiste épris de beau, voilà tout ! Estimant sa toile terne et ses couleurs passées, à grands coups de pinceau, un beau jour, il blanchit entièrement son tableau. Puis, patiemment, avec délicatesse, sa magie recrée le sacre du printemps : ciel pommelé constellé de chants d'oiseaux, tapis de malachite, reverdissement des prés, bosquets joyeux couronnés d'aigue-marine, draperies teintées d'ocre et de sépia…

La nature remise sa perruque laiteuse et se pare à nouveau d'habits légers que la brise encore fraîche effleure mollement.

(Ce recueil de 102 pages est disponible via ma messagerie azimuts2@yahoo.fr)

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