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Erreur Fatale

Erreur Fatale

Addison Ryan

4.9
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Elena vient de prendre la décision la plus importante de toute sa vie ! Celle qui va tout bouleverser, tout compliquer, mais qui s'annonce comme un grand bonheur, paraît-il. Malheureusement, le sort semble s'acharner contre elle et met sur sa route un élément perturbateur de taille : Matthew, la trentaine, major du corps des Marines. Il n'était pas prêt à se retrouver embarqué dans l'aventure qui commence à leur insu, mais il n'a pas le choix. Elena n'en démord pas, elle veut assumer l'erreur qui s'est glissée dans l'équation. Avec, ou sans cet homme sexy qui lui rappellerait presque à quel point c'est beau, de tomber amoureuse...

Chapitre 1 Mai

— Et celui-là, tu en penses quoi ?

J'arrache le classeur des mains de mon cousin et regarde l'encadré qu'il désigne du doigt :

Homme de trente-huit ans, brun, faible pilosité. QI de 135, chercheur en biologie marine, aime les chatons et passer son dimanche avec sa maman.

J'explose de rire sous le regard amusé de Lewis. Il se moque de moi et je dois dire que la situation est des plus comiques. Si j'avais su que ce serait aussi amusant – autant que cela m'effraie –, je me serais lancée depuis longtemps. Je continue de parcourir les profils, indécise.

L'exercice n'est pas simple, c'est même carrément l'horreur ! Le choix que je m'apprête à faire risque de déterminer mon avenir, ce n'est pas rien ! Je ne peux pas me décider comme si je choisissais une marque de lessive. Et d'ailleurs, je m'y refuse.

— Alors, ça se précise ? me demande la nouvelle arrivante. Je sais que ce n'est pas évident, prenez votre temps. Si vous le souhaitez, remettons ça à plusieurs jours !

— Je peux emporter les dossiers avec moi ?

— Malheureusement non. Nous avons un protocole très strict. Mais si vous voulez, passez dans la salle d'attente pour continuer vos recherches. Nous discuterons de la suite une fois votre choix arrêté.

Elle me sourit mais je devine bien que je l'ennuie. Elle doit avoir d'autres entretiens tandis que je lui tiens le crachoir. Très bien, nous allons disparaître.

Je demande à Lewis de me suivre, glissant le gros classeur sous mon bras.

Dans la salle d'attente, je m'assieds dans un canapé en cuir à côté de lui et observe les clients qui doivent, tout comme moi, déposer leurs espoirs entre les mains des employés du centre. Certains semblent anxieux, d'autres au contraire affichent un large sourire, sans doute parce qu'ils sont sur le point de réaliser leur rêve. Un rêve que je partage...

— Y'a pas un seul beau gosse musclé dans ce truc ? m'interroge Lewis.

— Je ne pense pas que les beaux gosses aient besoin et encore moins envie de faire cette démarche !

Un raclement de gorge me force à lever les yeux. Deux personnes de notre âge – sans doute un couple – nous dévisagent avec insistance. La jeune femme a les yeux rouges et celui qui l'accompagne nous fusillerait sur place s'il le pouvait. Qu'ai-je dit de spécial à part la vérité ?

Ils sont bientôt rejoints par un autre homme et je les oublie vite. Malgré mon envie de trouver le bon spécimen aujourd'hui, ma tête est ailleurs, des années en arrière. Je reste un instant le regard perdu vers le mur en face de moi.

— Tu penses à lui ? demande mon cousin en posant sa main sur la mienne.

J'acquiesce et me replonge dans la lecture du dossier. Au bout de quelques minutes, je suis enfin certaine d'avoir trouvé ce que je recherche.

Confiante, je secoue la manche de mon compagnon pour lui montrer de quoi – ou plutôt de qui – il retourne.

— Qu’en penses-tu ? m'enquiers-je.

— Tu es complètement fêlée ! Mais c'est pour ça que je t'adore, cousine.

Je savais qu'il serait la bonne personne, qu'il me soutiendrait dans ma démarche, sans jugement. Et avec lui à mes côtés, je n'ai plus peur de me lancer dans cette aventure. Je ne peux plus faire marche arrière. Je vais bientôt devenir mère...

***

La semaine suivante, Lewis m'accompagne à nouveau à la clinique spécialisée. Los Angeles offre de grandes possibilités d'épanouissement maternel, c'est pourquoi je n'ai pas hésité. J'y ai passé une liste impressionnante de tests au cours des derniers mois et j'en arrive enfin à la dernière étape : l'insémination. Après avoir vérifié scrupuleusement ma température au cours des derniers jours, il a été mis en évidence que j'en suis à la période propice au protocole, c'est-à-dire la veille de l'ovulation. On m'a laissée dans une salle stérile, les jambes écartées sur une table d'auscultation. Lewis est à côté de moi en train de lorgner sur les instruments de torture pendant que le médecin est parti recueillir le sperme du donneur – choisi sur catalogue.

— C'est impressionnant. Sans blague, je n'aurais pas pu être gynéco ! Ils doivent voir des horreurs ! J'espère que tu as épilé ta zone sacrée !

— Pourquoi ? Ce n'est pas comme si quelqu'un allait y jeter un œil... À part le gynéco je veux dire.

— Bah il serait peut-être temps... Ça doit faire un moment que tu n'as pas eu de visite dans la région... Ça m'étonne même qu'on n'ait pas entendu le mec pester contre la poussière.

Je ris à sa blague même si je sais qu'il a raison. Ces trois dernières années, je n'ai laissé aucun homme m'approcher de trop près. Au point que je m'apprête à enfanter avec du sperme congelé. Si ça marche, évidemment. À mon âge, les statistiques ne sont pas très optimistes...

C'est ce moment que choisit le gynéco pour revenir dans la pièce.

— Allez, on y est !

Il met ses gants et m'adresse un sourire, probablement pour installer un climat de confiance. Peine perdue, je tremble comme une feuille d'automne. Le stress est à son comble et j'ai envie de pleurer. La faute à tous ces traitements hormonaux !

— Votre mari peut vous tenir la main, suggère le spécialiste.

Amusée par la confusion, je ne dis rien et tends le bras vers Lewis.

— Je reste, ne t'inquiète pas.

— Vous allez ressentir une légère pression, mais vous n'aurez pas mal, promet le médecin.

Malgré cela, je me raidis. J'ai toujours été un peu trouillarde et ne supporte pas la douleur. J'appréhende.

Pourtant, je suis surprise de ne rien ressentir. Il avait raison. Si le procédé est désagréable, il est indolore.

— Restez dans cette position quelques minutes et vous pourrez vous rhabiller.

Il éloigne le chariot contenant les instruments et retourne s'asseoir à son bureau.

— Je vous refais une ordonnance d'acide folique ainsi qu'une prise de sang à faire dans quinze jours si vous n'avez pas vos règles.

— Merci docteur. Est-ce que... je dois prendre certaines précautions ?

Il sourit, sans doute parce que ma question est idiote. Ou qu'on la lui a posée un million de fois...

— Absolument aucune. Ne changez pas votre rythme de vie, continuez comme si de rien n'était.

— N'en profite quand même pas pour commencer le kung-fu ! me conseille Lewis. Je t'ai à l'œil !

Quelques minutes plus tard, je remets mes vêtements et récupère mes affaires.

— Prenez un nouveau rendez-vous avec la réception d'ici trois semaines, au cas où ça n'aurait pas fonctionné. Sinon vous pourrez annuler.

Il vaut mieux convenir d'une nouvelle entrevue, il a raison. Je sens que je ne vais pas quitter la clinique de sitôt, alors autant prévoir...

— Merci beaucoup, docteur. À bientôt.

Je quitte le cabinet et emprunte le couloir menant à la réception du service pendant que mon cousin décide de sortir du bâtiment pour aller fumer une cigarette.

— Tu me rejoins en bas ?

J'opine et lui adresse un sourire pour le rassurer. Je ne suis pas en sucre et il y a bien longtemps que je n'ai plus besoin de baby-sitter. Mais sa présence me fait un bien fou.

Au comptoir du secrétariat, je retrouve accoudée la jeune femme que j'avais aperçue dans la salle d'attente quelques jours plus tôt. Elle semble au bord de la crise de nerfs.

— Non, il me faut un rendez-vous dans deux semaines ! Je viens d'avoir mes règles, donc c'est assez urgent, là ! Ça fait cinq ans que je viens régulièrement, je pense que j'ai largement contribué à votre salaire pour avoir droit à un peu de considération !

Eh bien, elle n'y va pas par quatre chemins ! Mais je la comprends, j'ai attendu plus d'un an avant de pouvoir obtenir un premier rendez-vous, ça a de quoi mettre un peu à cran. Alors si elle attend un enfant depuis cinq ans, je n'ose imaginer son état de détresse.

— Un instant, madame, lui demande l'une des secrétaires. Je vais voir avec le Dr Pierce.

Elle disparaît, laissant la jeune femme dans un état de stress manifeste. Je la regarde pianoter sur le bois du comptoir et sa bottine frapper le sol carrelé.

J'approche doucement car je ne souhaite pas la surprendre, et encore moins qu'elle croie que je veux lui prendre sa place.

La secrétaire réapparaît quelques secondes plus tard, l'air gêné.

— Je suis navrée, madame Bergham, le Dr Pierce est en consultation, il viendra vous voir en salle d'attente dans quelques minutes.

Elle ouvre la bouche mais finit par la refermer. Je m'avance vers la réceptionniste qui a repris le téléphone. Elle me voit et me fait signe qu'elle en a encore pour un instant.

J'en profite pour prendre mon téléphone dans mon sac ? J'ouvre l'application « Agenda » et constate que je suis invitée à dîner ce soir. Merde, j'avais complètement oublié !

— Madame Hutson, je suis à vous ! s'exclame alors la secrétaire. Tout s'est bien passé ?

— Oui merci. Le Dr Johnson voudrait que je reprenne rendez-vous d’ici trois semaines. Au cas où l'insémination d'aujourd'hui ne fonctionne pas…

— Très bien, je vérifie son agenda… Un instant, s'il vous plaît… (Elle appuie sur le bouton près de son micro) Clinique L.A. Pacific, Fanny à votre écoute… Bonjour madame, non vous êtes en communication avec le service spécialisé dans la fertilité…

Je la laisse faire son boulot mais je sens la jeune femme d'à côté me lorgner avec insistance. Qu'est-ce qu'elle me veut, celle-là ? Ça me met franchement mal à l'aise, j'essaie de ne pas glisser mes yeux jusqu'à elle mais c'est très difficile. Et bien sûr, Lewis n'est jamais là quand j'ai besoin de lui ! Il la remettrait à sa place en deux temps trois mouvements !

— Excusez-moi… souffle finalement l'autre patiente. C'est indiscret de vous demander comment est le Dr Johnson ?

— Je… Je vous demande pardon ?

— Je suis vraiment désolée pour cette question, mais j'ai l'impression que mon médecin me balade. Je suis trop curieuse, sans doute !

— Je comprends… Eh bien… il est très professionnel, autant que je puisse en juger.

— Ça fait longtemps que vous le consultez ?

— Un peu plus d’un an.

— Moi ça va faire cinq ans que je viens ici pratiquement tous les mois… Le Dr Pierce est overbooké, nous avons enfin un donneur et il fait la sourde oreille ! Ça m'agace !

À ce stade, ce n’est plus de la détresse. Elle est carrément à côté de la plaque. Une part de moi aurait envie de l'aider mais je ne la connais pas, alors…

— Demandez un autre avis, dans ce cas. Le Dr Johnson est assez flexible depuis que je le consulte.

— Vous avez raison, merci beaucoup !

Elle se détourne aussi sec et fait un signe à la réceptionniste qui a enfin reposé son casque.

— J'ai changé d'avis, je veux le Dr Johnson !

— Madame Bergham, s'il vous plaît… Je termine avec cette dame et nous verrons ce que je peux faire, d'accord ?

Elle acquiesce et croise les bras sur sa poitrine qui menace de faire éclater son chemisier. Soit elle a séjourné à l'étage du dessus récemment – là où les stars et autres capricieux se font refaire tout et n'importe quoi –, soit son traitement hormonal commence à faire effet.

— Je vous propose le sept juin à quatorze heures, madame Hutson. Est-ce bon pour vous ?

Je parcours mon écran jusqu'à trouver la date celle qui m'intéresse.

— C'est d'accord, merci.

— Je vous le note ou c'est bon pour vous ?

Je décline son offre, la remercie et range mes affaires. Au moment où je m'apprête à partir, la dénommée Madame Bergham pose sa main sur mon bras.

— Merci d'avoir supporté ma petite crise sans broncher et désolée de vous avoir importunée. Bonne chance pour ce bébé !

Je lui souris machinalement et m'enfuis en direction des ascenseurs. J'ai parfois du mal à communiquer avec les gens, et quand des inconnus se montrent un peu familiers avec moi, je ne suis pas loin de prendre peur, sans doute par méfiance. En entamant la descente vers le hall de la clinique, j'endosse ma veste en simili cuir tout en soufflant bruyamment. J'ai franchi un sacré cap aujourd'hui et je m'en rends compte seulement maintenant. J'ai grandi ces trois dernières années et je serais presque fière de moi. Heureusement que mon cousin – qui est un peu comme mon frère – m'accompagne dans cette démarche. Sans lui, j'aurais déguerpi du cabinet. Non. En fait, je n'aurais même jamais pris rendez-vous pour entreprendre cette initiative.

À l'extérieur du bâtiment, Lewis est en conversation téléphonique. Il fait les cent pas entre la poubelle et le cendrier. Vu son degré d'énervement, je penche pour son ex-femme.

— Je sais que le juge n'a pas encore envoyé l'ordonnance du jugement, dit-il, un soupçon de colère dans la voix, mais laisse-moi les voir, s'il te plaît. Rien qu'une heure.

Il passe une main dans ses cheveux. Je remarque à son tremblement qu'il n'est pas loin de perdre patience. Cette femme ne lui épargne rien depuis leur séparation et cela m'écorche de le voir se rendre malade. Mais avec deux enfants en jeu, je comprends qu'il soit prêt à toutes les concessions, même si ça me fait enrager de le voir jouer les carpettes.

— 'Fait chier ! s'exclame-t-il en raccrochant soudain.

Je m'approche et lui attrape le bras pour lui apporter ce que je peux de réconfort. Je laisse ma tête glisser sur son épaule, attendant qu’il bouge.

— Allez viens, lui intimé-je, rentrons. Ce soir je vais dîner chez Nicole et George, j'ai besoin d'une grande dose de bonne humeur avant de les affronter.

Une fois dans sa voiture, nous avons tous les deux oublié nos préoccupations. Il règle le volume de la musique à fond et commence à chanter en imitant les pires « artistes » de la planète, ce qui me fait mourir de rire. Il est incomparable quand il s'agit de faire le pitre. Mais je sais que derrière ses conneries, il cache une immense souffrance.

***

À dix-neuf heures tapantes, je me gare dans l'allée devant la résidence des Hutson séniors. Ils habitent Bel-Air, l'un des quartiers chics de Los Angeles. Leur villa de Stradella Road bordée d'un parc luxuriant bénéficie même d'une jolie vue sur l'île de Santa Catalina. Un vrai petit paradis dont ils sont fiers et qu'ils ont entretenu toute leur vie. George est le PDG d'une grosse entreprise textile de la région. Il n'envisage d'ailleurs pas de prendre sa retraite avant de longues années, appréciant de pouvoir travailler tant qu'il a la maîtrise de ses capacités cognitives. Sa femme Nicole n'a – d'après ma connaissance – jamais exercé de profession. Elle a élevé trois enfants dans cette immense maison et reçoit occasionnellement la progéniture de ses rejetons.

Je sonne à l'entrée. Nicole ne tarde pas à m'ouvrir la porte et m'accueille en me serrant dans ses bras puis en m'embrassant les deux joues.

— Elena ! Je suis contente de te voir. Comment vas-tu ?

Je me débarrasse de ma veste dans le hall et la suis dans la salle de séjour ouverte sur la terrasse aux jolies dalles marbrées et le jardin. Je n'ai pas l'impression que son mari soit rentré. Je réponds à ses questions routinières tout en l'écoutant se plaindre du temps qui s'est considérablement radouci.

— Les plantes n'y comprennent plus rien avec ces variations brutales de température… Je te sers quelque chose en attendant George ? Un Gin tonic comme d'habitude ?

Alors que je m'apprête à accepter, je me ravise. Même s'il n'est pas possible que je sois déjà enceinte, je préfère ne prendre aucun risque. Autant mettre toutes les chances de mon côté, non ?

— Si tu as de l'eau pétillante c'est parfait, lui dis-je. Sinon un jus de fruits.

— Tu es sûre ?

J'acquiesce et la regarde se servir à son tour. Elle prend ensuite place sur une chaise en teck près de moi. Je trempe mes lèvres dans le jus d'ananas.

Une fois par mois, je rends visite à mes beaux-parents, plus par politesse que par envie. Je me suis toujours entendue avec eux mais je les supportais surtout pour mon mari. Depuis que Nick nous a quittés il y a trois ans, j'ai maintenu un petit contact qui commence à me peser au fil du temps. J'espère que le nouveau tournant que je souhaite donner à ma vie m'aidera à prendre mes distances. Ils sont affectueux mais étouffants. Nicole et George étaient ma famille avant la tragique disparition de mon époux. Je ne nie pas qu'ils ont été d'un sacré réconfort lors de son décès. Or maintenant que j'ai remonté la pente et laissé le passé de côté, j'ai besoin de les écarter de mon quotidien. C'est sans doute égoïste de ma part, mais la douleur se rappelle à mon bon souvenir et je comprends que cette décision est légitime. Nick n'aurait pas voulu que je me morfonde sur mon sort. Tourner la page devient plus que nécessaire.

Durant le dîner, je prends des nouvelles des sœurs de mon défunt mari et de leurs familles histoire de passer le temps. Le mois prochain, qui sait si je ne leur annoncerai pas à mon tour que je fonderai la mienne ?

Je me raisonne en me remémorant que les chances sont minces. Vingt pour cent, ce n'est pas très engageant. Je verrai bien. Pour le moment, je me concentre sur la soirée et je ne m'éterniserai pas.

***

De retour chez moi, je traîne les pieds jusqu'au salon et retire mes bottines en me vautrant dans le canapé. La télé est restée allumée. Lewis s'est peut-être endormi. J'éteins l'écran et grimpe jusqu'à ma chambre au premier étage.

Je loue une petite maison en bordure de plage dans le quartier de Malibu. Loin des clichés des séries télévisées, c'est une petite bicoque sans prétention que nous avons trouvée par hasard Lewis et moi peu de temps après nos déboires. L'idée de s'installer ensemble pour se soutenir a cheminé dans nos têtes naturellement, sans vraiment nous consulter. Nous avions besoin de soutien et nous avons trouvé en l'autre ce qui maintenait un équilibre à peu près convenable. Jusque-là, on s'accroche et nous avançons petit à petit.

Quand je passe devant la chambre de mon cousin, je crois percevoir quelques bruits étouffés. Je ne suis pas de nature curieuse en général, surtout lorsqu'il reçoit de la visite, aussi m'empressé-je de rejoindre ma propre chambre, à l'autre bout du couloir.

Aucun doute que sa conversation avec sa connasse d'ex-copine a dû le perturber. Il ne ramène pas grand-monde à la maison, sauf justement quand il en a gros sur le cœur. Cela fait plus d'un mois qu'il n'a pas vu ses filles. À sa place, je serais sans doute dans tous mes états moi aussi.

Pourtant, leur histoire a commencé comme dans les contes de fées. Je les pensais prêts à tout surmonter, capables de déplacer des montagnes. Cynthia n'était cependant pas la femme que nous pensions. Après la naissance de leurs jumelles, elle a montré son vrai visage : celui d'une femme manipulatrice, vénale, que le chantage n'effraie pas même s'il frôle l'illégalité. Malheureusement, son avocat a réussi à lui obtenir une pension conséquente et l'autorité parentale exclusive des filles. Lewis n'aura un droit de visite qu'un week-end sur deux mais sous bonne garde. Ridicule ! J'ignore quel époux il était, mais en tant que père, c'est le meilleur !

À une heure du matin, sa tigresse quitte les lieux en prenant bien soin de claquer ses talons sur le parquet. Mais je ne dors toujours pas, trop occupée à regarder les photos de Nick encore présentes sur mon téléphone. Malgré sa formation militaire stricte, il avait beaucoup d'humour et n'hésitait devant rien pour me faire rire. Cet aspect de sa personnalité me manque énormément, car je sais qu'il serait prêt à tout pour me remonter le moral s'il le pouvait. En m'inventant une chanson débile peut-être, ou en se déguisant et en dansant devant moi avec un déhanché très exagéré.

Je l'aimais à un point où je ne sais plus si je pourrai aimer à nouveau. Voilà pourquoi je décide de faire un enfant toute seule. Tenter cette expérience de la maternité avec un autre que lui me paraît aberrant. Il a été mon mari, mon complice, mon pilier pendant des années avant d'être emporté. Et malgré le temps qui est passé, je le pleure encore. Je le cherche chaque nuit à côté de moi, j'essaie de me souvenir de sa voix, de son odeur…

La gorge nouée par l'émotion, je me redresse dans mon lit et atteins l'interrupteur de ma lampe de chevet. Après avoir essuyé mes larmes, je laisse mon téléphone sur le bois de la table de nuit, vidée. Ce sentiment d'abandon ne me quitte plus, même lorsque je suis entourée.

Un petit grattement à la porte me sort de mes réflexions.

— Oui ? fais-je doucement, prête à croire que j'ai des hallucinations.

Le battant s'entrebâille, Lewis passe la tête en souriant.

— Ça va ? J'ai vu la lumière sous la porte…

J'acquiesce en remontant la couette sur mes bras. Il fait bon à cette période de l'année mais je suis parcourue de frissons. Peu désireuse de m'étendre sur mes états d'âme, je préfère changer de sujet.

— Alors ? C'était comment ?

— Pas mal, révèle-t-il avec un sourire triomphant. Jolie, agile, une bouche parfaite…

Je me racle la gorge.

— Inutile de me donner plus de détails, j'ai compris, gloussé-je en l'invitant à s'installer à mes côtés.

Il me tend une bouteille d'eau et un bol dans lequel il a mis des céréales. De toutes les couleurs, elles sont censées imiter le goût des fruits. Moi je ne sens que celui des bonbons chimiques mais je me laisse quand même tenter.

— Lana et Lisa me manquent… m'avoue-t-il en posant sa tête sur mon épaule.

— Nick me manque, renchéris-je.

— La vie, c'est vraiment de la merde, conclut-il en avalant une poignée de confiseries.

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