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Les Immortelles

Les Immortelles

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Chapitres

Une espèce extraterrestre est découverte sur une lune de Saturne, nommée Titan. Plus incroyable encore : cette espèce abrite un gène tout à fait spécial qui pourrait devenir le gène de l’immortalité pour l’être humain… Une mission vers Titan est lancée aussitôt. Pertina Amicula la dirige, mais partir suppose de laisser sur Terre ce qu’on a de plus cher… À moins que cette mission ne donne des ambitions stellaires à sa fille, une fois adulte, qui ne désire qu’une chose : la retrouver. Thiam Amicula se lance donc dans une mission qui entretient un double fol espoir : celui de retrouver sa mère Pertina et de proposer à l’humanité une solution pour échapper à la mort. À PROPOS DE L'AUTEUR La science-fiction occupe une place de choix dans les références et les inspirations de Thomas Bonicel. Selon lui, elle aide l’humain à questionner ses rapports avec autrui, avec le corps politique, avec sa propre condition.

Chapitre 1 No.1

À Maman, Papa, mon frère. À mes grands-parents.

À ceux que j’aime et à qui j’essaie de l’exprimer comme je peux.

Note d’intention

L’objectif avec l’histoire de Thiam et de sa mère, Pertina, est de proposer un discours autour de la mort que nous personnifions dans ce livre : que ferions-nous si nous le pouvions ? Que ferions-nous si nous pouvions vaincre la Mort ? Chaque personnage représente une sensibilité par rapport à cette question. Certains la trouvent naturelle, d’autres exécrable. Dans tous les cas, avec la mission de Pertina, puis celle de Thiam, tous seront confrontés à cette réalité : il est a priori possible de la vaincre. Chacun agira comme il estime devoir agir…

Les quelques vers présents dans cet ouvrage sont largement inspirés de ceux de Madame Alice Richard, qui m’a aimablement autorisé à les reprendre

I

Le déchirement

Grande-Bretagne, États-Unis d’Europe, 2098

Jamais elle n’oublierait.

Ces larmes, le visage de sa mère tiraillé entre l’excitation et la détresse, tout cela demeurerait gravé au fond d’elle à jamais, comme la marque d’une blessure dont on ne parvient jamais réellement à récupérer. Cette brisure marqua pour Thiam la fin d’un cycle. Bien sûr, elle ne le regretterait que plus tard. Dans son adolescence, où le silence et l’absence deviendraient aussi assourdissants qu’envahissants. Dans sa vie de jeune adulte, où elle ne devrait compter que sur elle-même. Seule perdue aux commandes de son propre univers, elle n’attendrait plus rien de personne. Elle ne se fierait plus à qui que ce soit. Car jamais sa mère n’avait pu la quitter, pas ainsi, c’était impossible.

Pourtant, à la veille de son neuvième anniversaire, à un âge auquel on commence à mémoriser chaque détail marquant, chaque image traumatisante, sa mère partit.

Elle partit si loin que jamais plus elle ne pourrait la voir, lui caresser les cheveux, sentir son parfum rassurant lorsqu’elle venait la soulager d’un cauchemar malvenu. Alors Thiam pleura cette nuit-là comme jamais elle n’avait pleuré. Plus jamais elle ne verserait la moindre larme. À partir de cet instant, de cet événement, de ce séisme, Thiam deviendrait la personne qu’elle allait rester toute sa vie, insensible à ce qui l’entoure, comme désireuse de s’effacer, de se soustraire à ce monde qui ne valait plus la peine d’être défendu.

Ce matin-là, Thiam entendit en premier lieu la sonnerie de la maison dans laquelle elle vivait seule avec sa mère. Elle se fit la réflexion car jamais cette sonnerie n’avait semblé fonctionner. C’était en effet la première fois que ces quelques accords parvenaient à ses oreilles.

« Maman, maman, c’est quoi ?

— Rien, ma fille. Retourne te coucher, rétorqua sèchement Pertina Amicula. »

Thiam découvrit donc ce petit timbre aigu qui annonçait la visite de voleurs, de tueurs, de criminels. De ceux qui emporteraient sa maman pour ne jamais la lui rendre. Bien sûr, elle ne le savait pas encore et l’excitation parcourait son corps de la tête au pied. Qui pouvait bien venir les voir ? Des amis ? Depuis longtemps, Thiam ressentait qu’elle et sa mère demeuraient seules. Toutes seules.

Mais ainsi étaient-elles heureuses. Pour rien au monde, Thiam n’échangerait aujourd’hui les premières années de sa vie.

Alors elle resta en haut de l’escalier, l’oreille tendue, le cœur battant si fort qu’elle pouvait le sentir dans son cou et contre ses tempes. Elle observait l’entrée à travers les barreaux des escaliers, espiègle et impatiente.

« Entrez donc, je vous en prie », signifia élégamment Pertina aux trois visiteurs.

Avec grâce, les trois intrus pénétrèrent dans la maison, et ôtèrent chacun leur chapeau.

« Cette pluie est tenace », se plaignit une grande dame, chignon sur la tête, les traits tirés, la posture altière. Il en a toujours été ainsi avec cette partie du pays, cela étant. Ne parle-t-on pas d’un temps britannique ? plaisanta-t-elle.

—Certes, Madame la Présidente, certes, répondit Pertina en hâte, gênée mais feignant un sourire. Messieurs les directeurs, n’hésitez pas à accompagner Madame la Présidente et à venir dans le salon, ajouta-t-elle, joignant à ses paroles un geste de la main, qui se dirigeait précisément vers le canapé du salon.

Le salon, modeste mais spacieux, se distinguait par une décoration sobre, en adéquation avec le tempérament de sa propriétaire. Le sérieux et l’ordre qui y régnaient ne dépareillaient pas non plus avec le caractère de Pertina.

« Comment allez-vous, Pertina ? » s’exclama Phoenix Revéz, Directeur des programmes de l’Agence Spatiale Européenne.

L’homme, assez âgé, petit et disgracieux, dégageait l’impression de dominer son sujet, même s’il ne laissait pas transparaître la même assurance que ses partenaires. À l’étroit dans son petit costume frappé du sceau de l’ESA, marquant son appartenance à l’European Space Agency, ou Agence Spatiale Européenne, il transpirait déjà discrètement. Lui-même étonné de la surprise de son hôte, il précisa :

—À l’ESA, nous n’allons tout de même pas faire comme ces satanés Américains et leur fichue NASA en parlant affaires d’entrée. Comment allez-vous, Pertina ? insista-t-il.

—Je me porte pour le mieux, merci M. Revéz. Surtout depuis notre récente découverte. Tout va pour le mieux, oui, et ma vie n’a jamais paru si sensée, répondit-elle après quelque hésitation.

Thiam n’entendit que l’absence de son nom.

« Pertina… Hum… Madame Amicula, je veux dire. Oui, en effet, je n’ai pas la chance de vous connaître aussi bien que mes compères, pardonnez ma familiarité initiale… Madame Amicula…

—Appelez-moi Pertina, coupa sèchement l’hôte des lieux, alors que le troisième invité avait pris la parole.

—Ah, soit, Madame. Bien. Pertina… Au nom de toute la communauté scientifique, et en particulier le monde de la biologie, j’aimerais vous témoigner ma plus grande admiration pour ce que vous êtes sur le point d’entreprendre. Enfin, bien sûr, nous espérons tous une issue favorable à cette entrevue. Madame la Présidente m’a fait part de votre caractère aventureux et de votre inégalable volonté d’explorer notre univers au-delà des frontières de notre planète mère. » L’homme transpirait quelque peu.

« Je vous remercie, Monsieur… Comment dois-je vous appeler ?

—Monsieur Aavik Mlavic, Madame, directeur du Grand Centre de la Biologie. En effet, au nom des États-Unis d’Europe et après tous les efforts consentis par notre chère Présidente pour la recherche et le développement spatial, je dois avouer que c’est avec une excitation sans commune mesure que je m’adresse à vous ce matin. Accepter une telle entreprise, en être la commandante… Voilà une grande dame, sourit-il. »

Pertina, elle, n’avait cure d’aucune forme de flatterie. La Présidente des États-Unis d’Europe, de son côté, ne masquait pas sa fatigue, qui pourtant n’entamait pas sa bonhomie naturelle. Elle enchaîna :

« Pertina. Votre engagement nous oblige. La responsabilité du gouvernement et celle de toutes les agences sous son autorité directe, ou indirecte, sont d’agir en toute transparence avec vous. »

La présidente marqua une pause. Thiam peinait à comprendre la situation. Cependant, elle ressentait une immense fierté pour sa mère, puisque les personnes qui venaient la voir étaient si distinguées, et pourtant si admiratives. Sa mère devait être si courageuse d’avoir accepté la proposition de ces gens d’importance.

« Pertina. » Les yeux de la Présidente étaient désormais si perçants qu’ils donnaient l’impression désagréable d’être passé aux rayons X.

« Merci. Vous n’êtes pas sans savoir que notre récente découverte a différentes implications, aussi bien scientifiques, géopolitiques, que philosophiques. Certains évoquent même la théologie afin d’expliquer et faire face aux répercussions qu’elle pourrait engendrer. Fort heureusement, pour le moment, seules les personnes habilitées et les autorités compétentes sauront vous dire ce qui se passe. Cela ne durera pas. Le réseau Supernet, comme à l’accoutumée, jouera son rôle et divulguera des informations sensibles au commun des mortels. Je veux dire aux citoyens, et pas seulement Européens…

Nous avons toutes les raisons de penser que la mine d’or dont nous disposons se dévoilera bientôt à nos principaux rivaux. Oui, nos concurrents Centre-Africains et Chinois ont leurs sources, et probablement leurs taupes à l’ESA. Nous ne pouvons pas leur en vouloir. Quant à elle, bien qu’affaiblie, la NASA saura nous chercher des noises. Comptez sur les Américains pour mettre leur nez ailleurs que dans leurs affaires. Ces fouines pourraient bien renaître de leurs cendres avec un tel enjeu.

Notre découverte est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. À titre personnel et au nom des territoires enfin unis qui m’ont accordé leur confiance, je ne veux pas jouer les âmes charitables. Cette révélation est européenne et le restera. Nos adversaires, comme vous l’aurez aisément constaté tout au long du siècle qui bientôt s’achèvera, n’hésiteront pas à nous piller s’ils le peuvent. La stabilité géopolitique actuelle n’est qu’une façade, une illusion. Nous sommes bien en guerre, et le butin que nous venons de trouver, nous serons les premiers à y goûter. »

Ce discours belliqueux éveilla en Pertina une véritable fierté nationale, et raviva encore son admiration envers la Présidente. Il y avait si longtemps qu’elle attendait une femme à la tête du pays que la voir en face, combative et vigoureuse, lui donnait des frissons. M. Mlavic, lui, semblait plus réservé, et nul doute que la portée guerrière de ce discours contrastait avec l’idéal qu’il se faisait de la recherche scientifique.

Quelque peu gêné, il détourna son regard à travers la pièce, et remarqua le scintillement des yeux d’une petite fille qui attendait en haut des escaliers, comblée d’excitation. Il ne dit mot. La Présidente, elle, poursuivit :

« Au risque de vous paraître brutale, je voudrais vous faire part de mon désir d’accélérer considérablement les préparatifs déjà engagés en vue d’une mission vers la bordure de Saturne. Dans moins d’un an, je vous veux la tête dans les étoiles. »

Le glas avait sonné. Thiam, avec une candeur compréhensible pour son âge, se trouvait dans cet état particulier pour un enfant, où elle croyait avoir compris quelque chose d’important, tout en sachant que les grandes personnes avaient une longueur d’avance. Sa mère aussi avait une longueur d’avance. Phoenix Revéz, comme pour reprendre la main sur son sujet de prédilection, continua sur un ton plus calme :

« Ainsi que vous l’aurez compris, l’ambition commune de l’ESA et du gouvernement est débordante. Elle pourrait même devenir dévorante si nous n’engageons pas les bonnes personnes. Cependant, je crois que nous avons les bonnes personnes. J’aimerais vous fournir le contexte de votre mission, Madame, ainsi que vous préciser les quelques informations qui vous auront échappé… Vous n’avez toujours pas idée de la portée de notre découverte, bien qu’elle vous paraisse d’ores et déjà exceptionnelle. »

Il marqua une pause et ses yeux s’attardèrent sur le sourire que Pertina venait d’esquisser. Il poursuivit :

« Nos récents investissements – par ailleurs je ne vous remercierai jamais assez, Madame la Présidente – nous permettent en effet d’envisager un départ imminent vers la bordure de Saturne. Plus précisément, et comme vous le savez déjà, c’est son satellite Titan qui concentre nos plus vifs intérêts. En effet, cette petite – tout est relatif – bille glacée à la surface lisse est déjà l’objet de nos recherches depuis plus de vingt ans. Voilà qu’hier, dans la soirée, la mission Eternal 3 apporta des réponses à des questions que nous osions à peine nous poser. Comme vous le savez, cette mission avait pour but la traque d’une vie extraterrestre sur le satellite. Nous avions toutes les raisons de penser que la glace épaisse de Titan abritait en fait un gigantesque océan. Après des années de forage, nous en avons désormais le cœur net, il y a bien un océan sur, ou pourrions-nous dire, sous Titan. »

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