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Le Casse Routiers II

Le Casse Routiers II

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Chapitres

« En l'absence de preuves tangibles sur la participation de ce grand-père à une cavale qui vient de se solder par la mort d'un supposé Roumain à mille kilomètres du secteur qui nous concerne, je refuse de gaspiller l'argent du contribuable en élucubrations hasardeuses... À part le lynchage de cet ancien routier établi comme clochard dans le centre historique de Prague, je ne vois pas quels liens on peut établir entre le meurtre des Alpes autrichiennes et l'attentat au gaz asphyxiant qui causa la mort d'un chauffeur routier sur une route du Jura... » Biographie de l'auteur Après douze ans en PQR, localier, puis secrétaire de rédaction à L'Union (Reims), Patrice Nathier s'affronte comme pigiste au monde particulier de la presse magazine spécialisée à Paris. Ses débuts en littérature ont été consacrés en 2011 par un premier roman Le Casse Routiers, Amazon, FNAC. Avec Le Casse Routiers II, il entre dans la dimension fantastique du roman policier.

Chapitre 1 No.1

Avertissement

Ce livre est une pure fiction. Tous les personnages ont été inventés et replacés dans un contexte contemporain pour donner du corps et de la consistance au récit.

La commune de Rodans sur Rougnon n’a jamais existé sur une carte routière, encore moins sur une carte d’état-major. Les contextes historique, sociologique et culturel sont inspirés de la réalité contemporaine.

Les tableaux évoqués sont tirés de rencontres au cours desquelles les personnages du roman se sont révélés par leur humanité, leurs défauts, leur naïveté ou leur caractère indolent, voire vicieux. Paix à leur souvenir.

La seconde partie, entièrement conçue et imaginée à Prague, est également pure imagination. Seuls les noms des rues ou des quartiers sont inspirés de la vie réelle.

Le tout ne prétend être rien d’autre qu’un dérivatif à une nuit d’insomnie, la grisaille d’un après-midi d’hiver ou la torpeur d’un après-midi caniculaire à l’ombre d’un saule ou d’un parasol.

Certains passages évoquent néanmoins des périodes de l’histoire contemporaine que personne ne souhaite voir émerger à la surface du réel.

Première partie

Chapitre 1

Un hiver calamiteux

Le brigadier-chef Jacques Ronchière grelottait dans son bureau mal chauffé. Il gelait à pierre fendre depuis trois semaines. Et la rigueur de cet hiver qui s’annonçait exceptionnellement long contribuait, avec le renfort de l’humidité ambiante, à accélérer la dégradation des vieux bâtiments administratifs installés dans le centre de la localité. Deux conduites d’eau avaient déjà éclaté la semaine dernière, dans l’immeuble vétuste qui abritait les bureaux de la police nationale de Rodans sur Rougnon.

Le bâtiment, qui élevait ses quatre étages au-dessus de la place centrale du petit bourg, appartenait à une génération de bâtiments publics jetée aux oubliettes depuis l’arrivée de nouvelles techniques de construction. Il était l’héritage local des options architecturales lourdingues qui avaient si profondément marqué les années soixante de l’administration française.

Cette époque durant laquelle on testait des méthodes de construction alors réputées pour réduire la durée des chantiers et donc a priori leurs coûts, avait dans le même temps institutionnalisé l’usage des fameuses dalles en béton précontraint comme la référence obligée de la plus grande partie des projets immobiliers publics.

Derrière ces initiatives, on trouvait bien sûr l’État, mais aussi ses antennes financières, le Crédit Foncier, la Caisse d’Épargne, le Crédit Agricole ou le Crédit Immobilier et leurs partenaires et sous-traitants locaux

Nombre d’édifices publics comme les bureaux de la Poste, les caisses locales de sécurité sociale, ou les anciennes Bourses du Travail, pressés de quitter leurs anciens locaux d’avant-guerre définitivement déclassés au regard des normes actuelles de sécurité, avaient été en grande partie réalisés selon ce modèle. Les projets de rénovation des commissariats et des casernes de gendarmerie conduits sur le même principe en avaient aussi essuyé les plâtres.

Ces méthodes alors jugées révolutionnaires, en raison du bon rapport coût/rapidité de mise en œuvre qu’elles offraient, consistaient essentiellement à sceller de larges dalles de béton précontraint sur des socles de parpaings renforcés de multiples armatures de tiges de fer torsadé, dont la résistance aux agressions du temps reposait traditionnellement sur le couple classique du béton et de l’acier.

Mais ces immeubles dont la rigidité cachait mal la fragilité avaient aussi souvent été édifiés à la hâte sur des terrains à bas prix dont la stabilité n’était pas toujours garantie.

Beaucoup de ces grands ensembles bétonnés, dont les projets avaient été validés sur des critères de coûts et d’urgence pour accueillir deux générations de mal-logés et faire face à l’exode rural qui s’accélérait, vieillissaient plutôt mal.

Au fil des années, leurs murs s’étaient lézardés, révélant des défauts de conception ou d’autres vices cachés.

Cette période économique entre chien et loup, qui avait pourtant été perçue comme une des trois glorieuses par des économistes sans doute en mal de copie, avait jeté les bases conceptuelles et techniques de la renaissance et du développement tous azimuts de la filière hexagonale du BTP.

Les principes reposaient sur la construction d’ensembles locatifs d’abord conçus pour absorber les débordements démographiques d’une France sortant des années d’après-guerre. La conception générale des immeubles mesurait l’influence exercée sur le parc immobilier public et social, des rencontres entre les grands bâtisseurs et les hommes politiques de l’époque.

L’architecte Charles-Édouard Jeanneret-Gris, plus connu sous le nom deLe Corbusier avait alors donné ses lettres de noblesse à ce qui ressemblait souvent à des orgues de béton, comme un des moyens de rompre avec les années de plomb qui avaient été si profondément marquées par le style lourd et très pompeux de l’époque Mussolinienne.

Le général de Gaulle y avait apporté sa caution politique, les organes financiers et fonciers de l’État avaient de leur côté fourni les moyens de leur financement avec l’appui du Crédit Agricole et de la Banque de France

Ces techniques de construction alors adoptées comme avant-gardistes, à grand renfort d’appui médiatique par la télévision d’État, avaient été recopiées à l’infini, pour offrir aux jeunes ménages fuyant les taudis ou la rudesse des campagnes, les éléments basiques du confort urbain. À savoir de nouveaux logements spacieux, desservis par ascenseur, une salle de bain avec baignoire et douche, un vaste salon donnant sur un balcon spacieux, et, ô confort suprême, des vide-ordures débouchant directement dans la cuisine. Un espace que les cafards et autres parasites à multiples pattes des zones humides s’empressèrent de coloniser.

Les réfractaires aux rigueurs de la vie rurale et les familles nombreuses fuyant la vétusté des logements populaires du centre-ville pouvaient s’y entasser entre ciel et terre, à la condition d’avoir des revenus, un faible quotient familial rapporté au nombre d’enfants élevés, avec l’enthousiasme de nouveaux conquérants. Les autres pouvaient compter sur l’efficacité relative des réseaux d’influence d’hommes politiques ou délégués syndicaux des entreprises d’État.

Ils étaient alors très loin de s’imaginer que ces marques modernes du confort urbain deviendraient, vingt ou trente ans plus tard, les symboles de la nouvelle désespérance sociale.

Ils ignoraient, dans le bonheur des premières installations, que les ascenseurs mal entretenus s’abîment vite, que les canettes de bière dévalant les quatre étages d’un vide-ordures en tôle reclassent le vacarme du métro aérien au rang de petite musique de nuit, et que les cafards qui se multipliaient à l’infini dans les réduits à poubelles savaient remonter le long des parois graisseuses pour se répandre la nuit dans les cuisines et les pièces sanitaires.

Le tout vieillissait mal, dans un univers de grisaille au fond duquel le brigadier-chef Ronchière se morfondait d’ennui. Il en ressentait régulièrement les effets depuis son arrivée dans le village, dès les premiers jours de l’automne. Mais son calvaire atteignait invariablement son point culminant au retour de l’hiver et de la neige.

Autant cette région de la Drôme provençale pouvait-elle rayonner de beauté et de chaleur durant l’été, autant elle perdait ses charmes et ses couleurs au point de suer l’ennui, dès l’arrivée de la période charnière si redoutée par les médecins et les psychiatres, qui sépare la fin de l’automne des premières offensives de l’hiver.

Jacques Ronchière avait échoué un jour d’été à Rodans sur Rougnon, à la suite d’un de ces nombreux coups de tête qui avaient rythmé les principales étapes de sa vie professionnelle itinérante.

Cela faisait désormais un peu plus de deux ans qu’il avait posé ses valises dans ce petit chef-lieu de canton, perdu aux confins de la Drôme provençale et des Alpes de Haute Provence. Il avait été le seul à briguer ce poste en zone rurale depuis longtemps vacant car ne présentant pas de très grandes possibilités d’avancement. Le brigadier-chef espérait mettre ainsi fin à des dizaines d’années d’errance et de mutations qui ne furent pas toutes subies, entre les multiples déclinaisons géographiques de la force publique nationale.

Il s’était décidé sur un coup de tête, à l’issue d’un matin de profonde déprime, alors qu’il ressassait une fois de plus les raisons profondes pour lesquelles il avait, un an avant, définitivement fait une croix sur les possibilités de carrière à long terme que lui offraient les DOM-TOM.

Il avait traîné ses groles partout, au gré de ses caprices mais aussi de sa curiosité, à la faveur des programmes de mutation des personnels gérés par le ministère de l’Intérieur.

Il en avait en fait bien profité pour visiter en profondeur, et aux frais de la princesse, les plus belles régions de l’Hexagone, mais également ses extensions exotiques dans les îles du Pacifique, dernier et précieux héritage de l’ère coloniale.

Ces mutations successives lui avaient permis d’élargir le périmètre de sa curiosité aux horizons oniriques des plus beaux départements et territoires d’outre-mer.

Il s’était même pris de passion durant quelque temps pour certaines perles comme Wallis et Futuna ou encore l’île de La Réunion. Il en gardait aujourd’hui encore, enfouie dans sa mémoire sentimentale et olfactive la nostalgie des lagunes de sable et des forêts de palétuviers suant de soleil.

Mais ces séjours aux antipodes, plaisants les premières années, quand il était encore assez jeune pour profiter de tous les avantages en nature offerts aux fonctionnaires de l’État, étaient aussi de plus en plus fréquemment marqués par des périodes d’intense déprime.

Ces moments d’incertitude surgissaient parfois, au fur et à mesure que les années s’accumulaient, avec la prise de conscience brutale de la solitude dans laquelle il vivait, et une évidence : les îles se définissaient aussi par l’exiguïté de leur périmètre géographique, et hors des exceptions notoires, par un horizon désespérément stable et plat.

Passées les premières émotions, comme la découverte des forêts exubérantes dans lesquelles résonnent les cris des perroquets, les effets de l’exotisme perdaient vite du relief. Cette évidence lui faisait parfois regretter le sud de l’Hexagone où il avait vu le jour trente-cinq ans avant, où la variété infinie de ces paysages colorés qui s’étagent des plages de la Méditerranée aux confins montagneux de l’Ardèche

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