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Les Echos du Futur

Les Echos du Futur

LS Ressarg

4.8
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Chapitres

Ash recula dans l'obscurité de sa chambre car, là en bas, devant la maison des Waechter, elle vit une ombre... Une ombre qui l'avait suivie toute la journée et qui empruntait déjà le sentier au bout de l'impasse de la Chouette Violette pour disparaître dans l'épaisse forêt enneigée. Ash hésitait. En son for intérieur tout lui disait qu'il fallait absolument suivre cette ombre. Quelque chose d'important allait se produire... Une chose était sûre ; Ashley Thaller voulait en faire partie ! Et vous ? Oserez-vous l'aventure ? Embarquez aux côtés d'Ash, Mathieu et Allison pour un périple hors du commun mais surtout hors du temps.

Capítulo 1 PROLOGUE

Un éclair immense déchira le ciel rouge. La foudre révéla la silhouette suspendue à la corniche du chemin de ronde et fit scintiller ses yeux verts. Un vert comparable à celui d’une émeraude. Le tonnerre gronda. L'homme, accroché au parapet, attendit patiemment le passage de la sentinelle avant d'escalader le rempart et, avec une pirouette élégante, il atterrit de l'autre côté sans un bruit. À pas de loup, il rattrapa la sentinelle et la saisit par l'épaule.

— Assalmé, souffla le maraudeur.

Le garde tomba aussitôt dans un sommeil profond. D'un seul bras, l'homme aux yeux émeraude réussit à retenir le poids mort tandis que son autre main se rapprocha de sa bouche et parla dans le bracelet-transmetteur à son poignet.

— La voie est libre ! murmura-t-il dedans.

Au moment où il lâcha la sentinelle inconsciente, deux autres silhouettes apparurent sur le chemin de ronde et s'emparèrent du corps mou avant même qu’il ne touche le sol. Ils le traînèrent jusque dans la tourelle à l'abri des regards.

La foudre tomba de nouveau.

Et bien plus près cette fois.

Son cœur bondit dans sa poitrine, le faisant reculer d'un pas.

— Archer, l'appela-t-on à mi-voix.

Archer… ce nom sonnait toujours curieusement à son oreille. Il n'était pas le sien mais celui que le monde entier avait adopté : l'Archer, le Guerrier de la Légende. Un homme sans nom, sans passé. Un hors-la-loi, un renégat, un pestiféré, un fou… la liste était longue.

Il se tourna vers l'homme paré d'une longue cape noire de métamorphose. L'Enchanteur. Un des hommes les plus recherché du continent. Sous la capuche, Archer ne distinguait que de longs cheveux ébène et un œil violet aux trois profondes entailles cicatrisées.

— C'est maintenant ou jamais ! le pressa le magicien.

Archer hocha la tête et, avec l'Enchanteur, prit les devants du petit groupe. Une dizaine de Sorciers Guerriers dont certains étaient expérimentés et d'autres venant à peine de terminer leur apprentissage.

Ils s'engagèrent dans un dédale de corridors et d'escaliers en pierre sombre où le vent résonnait tel un écho venu d'outre-tombe.

La pénombre régnait dans le château.

Les ombres semblaient vivantes.

Heureusement, un Sorcier Guerrier voyait clairement dans l'obscurité.

Ils s'arrêtèrent sur ordre d'Archer. Son ouïe était si affûtée qu'il était capable d'entendre le pas des veilleurs même au travers des épais murs de pierre.

Le Guerrier esquissa un sourire furtif à l'attention de son vieil ami l'Enchanteur car au creux de sa paume luisait déjà la lueur violette d'un sort. L'homme encapé de noir sortit de leur cachette et se dirigea vers les gardes.

Une exclamation de surprise s'en suivit, puis la légère détonation du sortilège et, pendant une seconde, un faisceau mauve illumina le sourire arrogant de l'homme aux yeux émeraude.

Le petit groupe de sorciers dépassa, avec un certain amusement, les trois veilleurs figés comme des statues de marbres. Par pure provocation, Archer colla une pichenette dans le nez de l'un d'entre eux. Les yeux furibonds du garde, la seule chose qui bougeait encore chez lui, le foudroyèrent. Il fulminait. Le plus grand ennemi du royaume se tenait à deux centimètres de son visage et lui ne pouvait rien faire pour stopper cet infâme scélérat. Archer prit un malin plaisir à faire enrager les veilleurs immobiles.

L'instant d'après, un majordome se retrouva nez à nez avec eux. Le petit homme s'était effrayé si fort qu'Archer aurait juré voir sa perruque blanche et la mouche sur sa joue se décoller. Avant même qu'il ne réalise la situation et donne l'alerte, l'Enchanteur lui asséna le sort du sommeil. Pragmatique, Archer emprunta l'organisateur du serviteur.

Son index tapa sur l'écran où s'affichèrent alors les plans du château. Le groupe continua sans plus aucune mauvaise rencontre. Archer, aux aguets, se concentrait sur ses sens – ouïe, odorat, vue – pour s'assurer que l'endroit était bel et bien désert. Il s'était préparé à des pièges, des sortilèges, des soldats par centaines mais pas au calme pesant qui ne présageait rien de bon.

Ils se ruèrent le long d'un couloir étroit où, au bout, les attendait une porte en bois massif. Dans une grande expiration, Archer referma sa main sur la poignée en fer forgé.

Le verrou n'était pas tiré !

La porte émit un grincement inquiétant, auquel se superposa un raclement de gorge de l'Enchanteur s'apparentant à un grognement de canidé. Lui non plus la facilité ne lui disait rien qui vaille. La foudre frappa juste au moment où ils entrèrent. Sur leur droite, les grands vitraux devinrent encore plus terrifiants dans la lumière des éclairs. Depuis la mezzanine où ils se trouvaient, les Sorciers Guerriers restèrent bouche bée face à l’immensité de cette pièce à la taille impressionnante. Les yeux émeraude d'Archer balayèrent ce labyrinthe d’étagères dont il ne voyait pas le bout. Recouvrant presque entièrement le mur de gauche, une gigantesque tapisserie bleu roi représentait la carte du monde – cet unique continent – brodée aux fils d’or et d'argent.

Archer déglutit.

Lui, il avait connu le monde avant… Avant que les Ténèbres ne s'en emparent.

— Tout le monde se rappelle pourquoi nous sommes venus ? demanda l'Enchanteur en verrouillant la porte de l'intérieur.

À l'unisson, les autres acquiescèrent d'un signe de tête. Ils se précipitèrent en bas, dans cette salle haute de plafond où de longs drapés rouge sang pendaient. Au coup de tonnerre, ils se dispersèrent comme une envolée de moineaux au travers des rayonnages.

Chaque étagère disposait d'une lanterne stratégiquement fixée pour mieux éclairer ce capharnaüm sans nom ; fait de vieux grimoires, de parchemins d’incantations magiques, de fioles aux liquides de différentes consistances et couleurs, de bocaux remplis de poudres, d’herbes ou de créatures mortes. Autant d'ingrédients que sur un marché noir et bien plus de bibelots magiques que dans toutes les boutiques du monde réunies.

Archer retourna plusieurs rayons remplis de livres et manuscrits, y mettant encore plus de pagaille qu'auparavant. Il n'avait pas le temps de faire dans le détail et n'en avait nullement l'envie. Sur une autre étagère, le Guerrier vola plusieurs sachets d'ingrédients rarissimes qu'il glissa dans une poche de sa vieille veste kaki.

Puis, comme un gosse, il s'amusa à gesticuler devant un bocal rempli d’yeux avant de le balancer au jeunot derrière lui qui trouva répugnant de constater que les yeux le suivaient du regard.

Le sourire moqueur du Guerrier légendaire ne fut que de courte durée car, là, au bout de l'étagère, la lanterne fit scintiller quelque chose. Un objet qu'Archer reconnut tout de suite et lui fit mal à la gorge, l'obligeant à vérifier que l'immonde cicatrice sous sa mâchoire était bien refermée.

C'était une armure aussi rutilante que les rayons du soleil. Forgée dans l'or jaune et blanc de la Montagne Jaune, le métal était finement ouvragé de motifs végétaux. Une clef ancienne était gravée sur l'intérieur du canon de l'avant-bras droit.

L'armure d'un Gardien des Mondes.

Jadis, il y avait une épée au pommeau serti d'une pierre d'ambre dans le fourreau mais aujourd'hui celui-ci était vide. L'épée se trouvait désormais entre les mains de la plus perfide des créatures, la seule créature capable d'effrayer les plus dangereux monstres… Une créature si noire qu'elle transperça le dernier Gardien des Mondes de sa propre lame.

Et quand on parle du loup ! Archer venait justement de voir une forme noire se déplacer entre les rayonnages. Il se saisit de son arc et l'arma d'une flèche de sa confection. La célèbre flèche à la pointe sertie d'un bout d'émeraude. Si elle ne vous tuait pas, vous gardiez au moins un souvenir : un morceau de pierre précieuse sous la peau.

Sale nuisible ! vociféra-t-il intérieurement en bandant sa corde.

La pointe effilée toucha presque le nez de l’individu et, heureusement pour lui, au dernier moment, le Guerrier retint son coup.

— Ôte ça de mon visage !!! grinça l'Enchanteur entre ses dents.

— Vieille chouette… fut soulagé Archer, baissant sa garde. Tu l'as trouvé ?

L'Enchanteur lui répondit par la négative mais précisa qu'il n'avait pas encore regardé de ce côté-ci avant de disparaître entre deux étagères. Le Guerrier le suivit et lui donna les sachets dérobés tout à l'heure. Le sourcil au-dessus de l'œil violet du magicien se souleva.

— Belladone, aubépine, coriandre, sureau, quinquina, laurier.

— Sans doute les dernières, précisa Archer en raccrochant son arc. J'espère au moins que tu sais encore comment on s'en sert !

Pour cette remarque, il eut le droit à un regard noir.

Archer ne put s'empêcher de sourire devant son air courroucé. Si le magicien avait connu les expressions humaines, il l'aurait sans doute traité de « petit con » mais il ne supportait pas la vulgarité. Et lorsqu'il devait jurer c'était en langage Troll que peu de gens comprenaient. Ces deux-là passaient leur temps à se chercher querelle et au campement plus personne n'y prêtait attention, en dehors des apprentis qui comptaient les points et prenaient des paris.

Au fur et à mesure de leur avancée, les étagères furent remplacées par des vitrines aux structures dorées et planches miroirs, démultipliant à l'infini les objets qui se trouvaient à l'intérieur. Aucune d'entre elles n'était fermée. S'il avait voulu, Archer aurait pu s'enfuir avec la Pierre Philosophale ou le Saint Graal qui partageaient la même vitrine. En des temps plus heureux, la vie éternelle aurait peut-être pu l'intéresser…

— Tu es sûr qu'il est là-dedans ? s'inquiéta Archer figé devant le Hollandais Volant en se demandant quel sort avait permis de le transporter jusque-là.

— Absolument ! répondit l'autre.

Et tous les deux continuèrent leurs recherches. Le Guerrier imita l'Enchanteur lorsque celui-ci s'écarta au maximum de la boîte de Pandore en passant à côté. Quand on pense que des gens étaient prêts à tuer pour tous ces trucs ou à lancer des expéditions mortelles pour les retrouver – le chaudron volant de Baba Yaga, Excalibur, la boussole des mondes engloutis, le marteau de Thor, le dernier pacte souscrit par le Nain Tracassin, le trident de Poséidon – aujourd’hui, ils s'arracheraient les cheveux en sachant qu'ils étaient tous dans la même pièce, dans un château où seuls des fous comme eux oseraient s'aventurer.

Archer laissa échapper une exclamation impressionnée. Par quel miracle l'Ombre avait-elle réussi à faire main-basse sur autant d'objets dit introuvables ? Il se rassura un peu en sachant qu'au moins le Médaillon de Milaf ne faisait pas parti de cette collection.

Quelques mètres plus loin, l'Enchanteur s'était arrêté, penché au-dessus d'une vitrine basse, ses larges mains plaquées contre le verre. Incroyable. Archer n'en crut pas ses yeux et resta sans voix face au Premier Grimoire.

Le plus ancien de tous les écrits ; un ouvrage unique contenant les origines de la Magie ainsi que ses plus beaux enchantements comme les plus terribles.

L’héritage d'Elzéchiel Grimaud, Sorcier du Temps.

Un livre qui, après sa mort, passa de main en main, bonnes comme mauvaises. Rédigé par des Sorciers aux pouvoirs limités ou par les plus légendaires et, chacun leur tour, ils y avaient inscrit leurs savoirs. Là-dedans, quelque part, il y avait des pages écrites de la main même du grand Merlin.

L'Enchanteur le sortit délicatement de la vitrine. C'était sans doute le livre le plus épais qu'il lui ait jamais été donné de voir. Au milieu des pages irrégulières, brunies par le temps, que le magicien tournait, Archer l'arrêta brusquement. En en-tête, une écriture élégante et soignée écrivait en lettres capitales :

LE SORTILÈGE DU TEMPS

Les deux hommes se regardèrent et poussèrent en même temps un soupir de soulagement.

— Il est temps de rentrer.

Mais le bras d'Archer stoppa brutalement l'Enchanteur dans son élan.

— Trop tard… affirma-t-il en lançant un regard dépité à son vieil ami.

Le claquement d'un verrou venait de retentir dans ses tympans, suivit par le sinistre grincement de la porte. Au même instant, un frisson désagréable lui avait parcouru la colonne.

Vite-fait, Archer se cramponna à une étagère et se hissa dessus. Il déglutit. À l'autre bout de la pièce, la porte était entrebâillée. Dans l'ouverture quelque chose bougea, une sorte de nuée noire opaque s'en échappa et, de la pénombre, une forme se détacha. Le souffle court, Archer vit alors les lanternes s'éteindre les unes après les autres faisant place aux Ténèbres.

— Il est ici !

— Alors tentons l’impossible… rétorqua l'Enchanteur qui partit se cacher dans les méandres de ce labyrinthe de verre.

Archer voulut le suivre mais il perçut au loin le bruit distinctif que fait une lame effilée en traversant de la chair et après le son sourd que fait un corps inerte en s'écrasant par terre.

Avec l'agilité d'un primate, Archer sauta d'étagères en étagères. Sans un bruit, il atterrit au sol juste à côté d'un cadavre gisant dans une mare de sang. Celui d'un apprenti.

Il n'avait fait que quelques pas quand il tomba sur un autre corps sans vie. Et encore un autre et encore un autre. Ils n'avaient eu aucune chance contre la plus perfide des créatures, la seule créature capable d'effrayer les plus dangereux monstres, capable de faire trembler le Guerrier de la Légende. Quelqu'un ayant la capacité de se confondre avec l'obscurité… Le plus redoutable des assassins de l'Ombre.

Le Cavalier.

Archer sentit sa présence dans son dos. Il fit volte-face mais ne vit qu'une fine nuée noire entre deux bibelots qui s'entrechoquaient.

Archer…

L'homme aux yeux émeraude se prit la tête dans les mains.

La douleur était fulgurante.

Cette voix, lugubre, mi-humaine, mi-autre chose, lui vrilla les tympans. Elle fit écho dans la pièce mais aussi en lui. C'était comme si la voix venait de l'intérieur, comme si ces paroles avaient été introduites de force dans sa boîte crânienne.

Envahi par la terreur, Archer ne sentit qu'au dernier moment la vilaine odeur de bronze oxydé. Il ne comprit que trop tard, lorsque la déflagration de la potion explosive le souleva du sol. Archer s'écrasa contre une étagère, faisant ainsi tomber des centaines de fioles qui se brisèrent sur le sol. En plus d'être explosive, cette satanée potion était aussi nocive. Il tituba en essayant de se relever, la fumée lui piqua les yeux à l'en faire pleurer, elle lui brûla la gorge au point de le faire tousser. Il voyait flou et un terrible bourdonnement lui obstrué les oreilles. Malgré la pénombre et les gaz, Archer distingua une silhouette trapue, pas plus grande qu'un mètre soixante. La chose l'attrapa à la gorge et le plaqua violemment contre l'étagère dans laquelle il avait fini quelques secondes plus tôt.

Il n'y avait pas d'autre mot qu'hideux pour décrire un Garde Impérial. Surtout celui-là ! Molch, le borgne. De longs cheveux noirs, raides, filasse et crasseux tombaient devant son visage à la peau grisâtre et au nez écrasé. Malgré le masque de cuir et de métal protégeant son nez et sa bouche de la fumée, Archer devina son sourire sadique.

Ce gros lourdaud prenait du plaisir dans la souffrance des gens, alors voir l'homme le plus recherché du continent à sa merci devait le remplir de joie.

Archer lui asséna un violent coup de tête, puis lui balança ses deux pieds-joints dans le plastron de bronze. Débarrassé de cet affreux, il s'empara de son arc mais Archer n'avait pas encore eu le temps de l'armer que déjà une flèche fendait les airs et allait se planter dans l'épaule du Garde Impérial.

Les Sorciers Guerriers encore en vie cognèrent dur contre les trois autres gardes qui arrivaient.

Le Guerrier en profita pour enfiler son masque en cuir bouilli. Cela atténuerait les effets de la fumée. Alors que les sorciers se battaient contre les quadruplés de la Garde Impériale, la pénombre continuait de s'étendre dans la salle et Archer savait que le Cavalier se dirigeait droit vers l'Enchanteur. Aussi vif que l'éclair, en un rien de temps, il se retrouva à l'endroit où il avait vu son ami pour la dernière fois. Il essaya de ne pas cédait à la panique en voyant sur une vitre l'empreinte d'une large main ensanglantée.

Un éclair violet.

Une grosse masse noire passa au-dessus de sa tête et alla s'écraser dans une vitrine. Un râle contrarié et l'homme à la musculature proche de celle d’un ours se releva en faisant dégringoler des millions d'éclats de verre. Entaillé de partout, la plus grave blessure était celle à son épaule. Une quantité impressionnante de sang coulait le long de sa manche jusqu'à sa main. Archer rattrapa l'Enchanteur juste avant que celui-ci ne vacille.

— Je… je crois que je l'ai fait fuir… balbutia-t-il franchement sonné.

— Content de voir que tu as de bons réflexes. Partons avant qu'il ne réapparaisse.

— A… attends…

Sous sa cape de métamorphose, il tenait fermement entre ses doigts ensanglantés une sphère parfaite, sans défaut, étincelant d’un bleu turquoise digne des plus belles lagunes.

L'Enchanteur avait réussi le sortilège.

Les iris émeraude d'Archer brillèrent d'un tout autre éclat quand il laissa sortir une exclamation de joie. De façon brusque et soudaine, il embrassa le magicien sur le front. L'Enchanteur grimaça. Soudain une potion fumigène éclata près d'eux. Ils se protégèrent tant bien que mal des gaz et s'éloignèrent.

— Oh, Archer… l'appela la voix de l'ignoble Molch sur un ton faussement mielleux et chantant. Où es-tu ? Viens. J'ai un cadeau pour toi.

Cela n'annonçait rien de bon. Au travers des vitrines, Archer vit Molch et ses trois frères, ainsi qu'un de ses anciens apprentis – le dernier encore en vie – enchaîné, une épée tranchante sur chaque flanc et dans la nuque. Trois épées n'attendant qu'un geste de la part du Guerrier pour transpercer la chair.

— Empêche-les de me suivre… souffla soudain l'Enchanteur.

— Gunther ! hurla Archer à la grande silhouette qui disparaissait dans le noir.

Le corps du dernier Sorcier Guerrier tomba lourdement inanimé sur la pierre froide. De rage, Archer décocha une flèche. Le projectile traversa la cuisse de Molch de part en part. Il poussa un cri de douleur avant d'aboyer sur ses frères :

— Rattrapez l'Enchanteur !!! TUEZ L’ARCHER !!!

Sa seconde flèche était déjà partie. Avant qu'elle n'atteigne son but, il y eut un énorme fracas sourd et l'onde de choc qui traversa la pièce les projeta tous dans les airs. Par chance, deux des quadruplés amortirent la chute du Guerrier. Ils étaient assommés et les deux autres balourds avaient atterri plus loin. Aussi eut-il le temps de voir la lumière bleutée disparaître en emmenant l'Enchanteur avec elle.

Archer se précipita à toute vitesse vers le seul garde encore conscient. Molch le borgne tenait sa cuisse meurtrie quand le Guerrier planta son poignard entre les lanières de son buste de bronze bosselé. Son œil valide croisa le regard furieux d'Archer. Il tourna la lame entre les côtes du Garde Impérial, puis la retira d'un coup sec. Molch grogna et dut poser un genou à terre. De toute sa hauteur, le Guerrier le toisa du regard. Pour finir, il le neutralisa d'un vilain coup de pied en pleine figure.

— Ça, c'est pour tous ceux de mon espèce ! cracha Archer.

Et l'homme aux yeux émeraude décampa à vive allure. Il courut sans se retourner jusqu'à la salle de contrôle où il assomma les gardes en deux temps trois mouvements. Celui derrière le poste de commandes n'opposa quasiment aucune résistance quand Archer lui claqua la tête contre le panneau. Sur les écrans holographiques, il vit son portrait s'afficher en grand. Tout de suite après la tête mise à prix de son vieil ami l'Enchanteur apparut à son tour.

L'alerte était donnée !

Le Guerrier ne put s'empêcher de sourire à l'avis de recherche ; son ami était bien plus puissant que ce que les rumeurs du continent prétendaient et, ensemble, ils avaient survécu à tout… à la Fusion et à la guerre qui avait suivi, à la perte d'êtres chers, à l'exil. Archer espérait juste que rien n'ait mal tourné durant l'incantation du sort et que la mission réussirait.

Au loin, il put entendre les cliquetis des armures de la horde de soldats à ses trousses. En actionnant quelques leviers et boutons, Archer ouvrit les cellules des geôles. Au moins, une partie d'entre eux serait occupée à rattraper les prisonniers, même si son endurance de Sorcier Guerrier lui permettait de les distancer facilement. Il s'enfuit par la tourelle ouest. Mais des soldats avaient dû le voir emprunter ce chemin, ceux-là n'étaient plus qu'à quelques mètres derrière lui. Archer gravissait quatre-à-quatre les marches lorsqu'il ralentit, un petit sourire provocateur aux coins des lèvres. Son arc en main, il fit demi-tour et banda la corde. Dès qu'Archer aperçut le premier heaume, sa flèche fila droit dessus. Les soldats à l'armure bleu nuit dégringolèrent comme des dominos, dans un raffut de râles mêlés au fracas du métal.

— Ha ! s'esclaffa insolemment le Sorcier Guerrier.

Il continua sa course folle.

Bientôt, le vent passant sous les arcades lui gifla le visage. Un bruit sourd couvrit le grondement du tonnerre ; celui que faisaient les eaux agitées du lac en s'écrasant contre le mur d'enceinte. Sa porte de sortie. Pourtant à quelques pas de la liberté, Archer s'arrêta. Parcouru par un frisson indescriptible, il fut incapable de bouger un muscle de plus, car entre ses murs, il y avait quelque chose d'encore plus terrifiant que le Cavalier… et c'était l'Ombre.

Archer n'avait pas besoin de la voir pour sentir sa présence. Elle était là. À l'observer. Les yeux d'un vert si intense du Guerrier se tournèrent vers la pénombre. Un éclair transperça le ciel rouge. Rouge comme le sang. L'éclat de la foudre révéla la silhouette tapie dans les Ténèbres. L'Ombre était d’une beauté sans nom. Les traits de son visage étaient fins et délicats, sans la moindre imperfection mais son regard était vide.

Un regard bleu glace démunis d’expression.

Vingt ans plus tôt, l'Ombre était comme lui un enfant de la Magie, chargé de protéger les Mondes… pas de les détruire ! De tous ces enfants, Archer était le dernier à avoir survécu aux Ténèbres, et il ne lui ferait pas le plaisir – si elle était encore capable d'en ressentir – de renoncer aujourd'hui. Malgré sa peur, le Guerrier réussit à jeter un coup d'œil par-dessus les parpaings. Il y avait une forte probabilité pour qu'il se tue en sautant, qu'il se brise en mille morceaux sur les rochers mais en entendant les vagues se fracassaient contre la falaise, Archer trouva le courage de défier l'obscurité de son regard vert émeraude et lui dit :

— L'Enchanteur a réussi. Il les ramènera… Ils te ramèneront.

Tout de suite après, il s'élança et plongea dans le vide mais juste avant de disparaitre dans les profondeurs, au moment où un éclair frappait les eaux noires, Archer eut le temps de la voir à nouveau.

L'Ombre le regarda tomber.

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