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Terre 0.1 La Menace Barbare

Terre 0.1 La Menace Barbare

guillaume.bonthoux

4.9
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21
Chapitres

Le monde s'éveille de nouveau. La quête des hommes n'a jamais disparu Et la passion dans tes veines est prête à éclore. Naviguez sur la Terre 0, Là où les mondes finissent toujours par se croiser Pour le meilleur, le pire et la destinée.

Chapitre 1 -6 : Par une nuit de tempête

Prologue

-

Enfants De Nygönta

« Notre monde n’est pas nouveau… Il a juste recommencé de zéro, ou presque. »

 Les courants se déchainaient. Le socle de ce monde exprimait sa colère. Tant d'époques furent passées avant que les humains ne refoulent les étendues du globe et pourtant, malgré la surveillance des anges, ils s’organisaient déjà à anéantir leur deuxième chance. Cette fois, l’océan ne le supporterait pas. Dans sa rage, il avait englouti ses enfants. Il ne voulait pas qu’ils soient témoin d’un univers déclinant. Mais, il ne le savait pas encore, une partie de sa chair avait réussi à s’échapper, guidée par un instinct de survie.

 Hormis les Hantz, personne ne l’attendait. Personne ne savait que le cataclysme allait revenir. Personne ne savait qui elle était, pas même elle. Filant sous les eaux, prisonnière de sa poche symbiotique, elle voyait comme des flashs les images du passé, du présent, du futur. Lonka ou Pulcherra ? Qui était Deön ? Qui étaient Jennän, Jorïs ou Jewesha ? Qui était cet homme sombre pour lequel son cœur battait déjà ? Une terre prospère bientôt envahie, une île aux nuages dorés, une colonie de navires-monde, que ferait-elle à tous ces endroits ?

 Les réponses se trouvaient à la surface. Là-haut, elle croiserait des êtres pour l’aimer et des aventures pour rythmer le cours de son destin. Mais pour l’instant, accrochée au flanc d’une créature titanesque remuant les flots sur son passage, formant des vagues scélérates dans son sillage, elle devait fuir.

 Fuir ce qui lui avait donné un souffle et une âme.

***

 Comme si la foudre visait spécialement cet endroit, un nouvel éclair s’abattit sur le cortège des voyageurs. Ereintés, hagards, pétrifiés par les affres du ciel, rien ne les avait préparés à une tempête de cette intensité. Des rafales de vent à en arracher les chaumières, une lisière menaçant de s’effondrer à tout moment –certains arbres avaient déjà rendu l’âme, gisant sur le sol de tout leur long–, deux terravolutions* après leur départ, le clan des Augüs n’avait jamais assisté à pareil spectacle. De quoi spéculer sur une catastrophe imminente.

 À cause des tremblements de terre répétés et d’une soudaine sècheresse ils avaient dû quitter Bozo, leur village, en quête d’un avenir plus radieux. Les anciens leur avaient promis que, à des lieues innombrables vers l’est, la nation de Java serait leur havre de paix. Mais, toujours coincés dans les contrés du grand ouest, ils étaient encore si loin de leur objectif… trouveraient-ils un jour le fleuve qui indiquerait la voie vers l’est ? Trouveraient-ils un jour cette grande nation unissant les hommes et prête à les accueillir ?

 – Abri en vue ! Jennän, amène les enfants avec toi !

 Le doigt levé du Major Kirin Augüs pointait la direction que venait de lui indiquer son éclaireur. Ce dernier, debout, mais les bras recroquevillés sur sa poitrine pour se donner un peu de chaleur, arrivait depuis une ou deux lieues vers le nord.

 Jennän demanda à deux des hommes les plus forts du groupe de marcher en protégeant les enfants sous leur toge. Ils étaient quatre, ce qui facilitait la répartition, mais les adultes auraient plus d’un grain à moudre pour rassurer ces jeunes pousses. La petite troupe se dirigea vers l’objectif.

 Jennän, lui, se présenta devant l’éclaireur. Encore jeune et fringant, sa large carrure sur un corps élancé et son regard obstiné d’aventurier imposait déjà le respect auprès des anciens.

 – Où se trouvent Tamara et ses filles ?

 – Toujours avec le premier détachement, balbutia l’éclaireur entre deux reniflements. Ils n’ont pas vu le refuge que nous avions trouvé, mais leurs traces de pas se dirigent vers une crique un peu plus au nord encore.

 Jennän resta dubitatif. La faible luminosité offerte par les colosses blancs* à travers ce brouillard d’eau lui donnait un air sombre, voire macabre. Ses cheveux noirs et lisses fouettaient frénétiquement le vent, comme pour marquer un peu plus le mécontentement du jeune homme.

 Son attachement pour la jeune et belle Jewesha commençait à devenir une évidence pour beaucoup. Karo, le fils du Major avait épié sa sœur un soir de campement, pour la retrouver dans les bras de son ami Jennän au bord d’un étang. Dans le secret, il en avait parlé à ses parents, le Major Kirin et le gracieuse Tamara, qui régnaient en bon guides sur ce groupe de 300 pèlerins arrivés des contrées du sud-ouest. Heureusement pour Jennän, cet amour naissant était vu d’un bon œil, le garçon ayant prouvé maintes fois sa valeur auprès de sa communauté.

 – Je suis désolé Jennän, continua l’éclaireur en baissant un regard coupable. Je devais choisir entre partir sur leurs traces ou en informer le Major. J’ai pris ce qui me semblait le plus efficace pour s’organiser ensuite.

 Le Major posa une main sur l’épaule de Jennän, avant de s’adresser à l’éclaireur.

 – Merci beaucoup pour tes informations, nous allons pouvoir rassembler le groupe grâce à toi. Je vais envoyer un éclaireur d’ici pour rallier les marcheurs à l’arrière, tu peux rejoindre l’abri.

 L’éclaireur acquiesça de la tête et rejoignit le groupe des enfants et de leurs protecteurs, vite rejoints par d’autres pèlerins des environs qui avaient pu observer la scène.

 – Nous allons les retrouver Jennän, pour l’instant le plus important est de s’abriter au plus vite. Je t’ai demandé de t’occuper toi-même des enfants. Tu es encore jeune, tu peux leur parler. Alors rejoins-les s’il-te-plaît.

 Jennän acquiesça à son tour devant l’air grave du Major, mais ses traits de visage restaient crispés.

 Le fameux abri était un amas de rocher où s’était formée une caverne. Des blocs de pierre soutenaient un bloc de calcaire, le tout à l’intérieur d’une petite carrière dominant la mer agitée. Des déjections de bois s’entassaient un peu partout sur le chemin de sable. Pressé par la tempête, le troisième détachement dirigé par le Major Kirin Augüs ne tarda pas à rejoindre le second détachement. La cinquantaine d’individus qui le constituait tentait tant bien que mal de dresser un campement depuis une paire d’heures.

 Jennän n’eut pas besoin de rassurer les enfants de son cortège. En retrouvant les autres pèlerins de leur âge, la gaieté se lisait de nouveau dans leurs yeux. A plusieurs et entourés des adultes qui travaillaient à recréer un minimum de confort, les petits du groupe pouvaient de nouveau affronter les éléments. La réalité brute laissait doucement place au conte d’une nuit d’aventure.

 Grâce à de rares morceaux de bois pratiquement secs que l’on avait récupéré en chemin ou devant l’abri, des hommes et des femmes parvinrent à allumer des feux. Bientôt des rondes se formèrent autour des brasiers qui flamboyaient ici et là.

 Jennän parcourut d’un regard inquiet la foule de personnes qui s’entassaient dans cette grotte –qui, de toute évidence, ne pourrait pas contenir la totalité des migrants– . Bien que soulagé de retrouver des silhouettes connues, il avait du mal à rester en place. Des amis, des jeunes filles, des explorateurs chevronnés, beaucoup étaient venus le saluer, mais pas Jewesha.

 Le jeune homme se rendit auprès du Major Kirin Augüs. Il avait pris place à l’écart avec trois de ses plus proches conseillers, les explorateurs les plus expérimentés. Le Major ne pouvait cacher une mine inquiète devant l’absence de sa bien-aimée et de ses enfants. Il espérait toutefois que l’expérience de Tamara et de son fils, Karo, les aurait portés vers un autre refuge.

 – Major, je compte longer la côte vers le nord pour retrouver le premier détachement.

 – Jennän, qui te dit qu’ils se trouvent sur les bordures ? demanda le bras droit de Kirin, un homme illustre à la carrure de bête.

 – La dernière information que nous avons d’eux, c’est qu’ils sont descendus vers la plage.

 – Cela fait plus d’une heure maintenant, rétorqua d’une voix posée le Major. Nous sommes sur le point de trouver le chemin qui nous mènera à l’est, alors il n’est pas temps de prendre des risques irréfléchis. Fais confiance en la famille Augüs, ça fait quatre générations que nous sommes au contact de la nature, et ce n’est pas la première tempête que nous subissons.

 Le Major Kirin Augüs et ses camarades tentaient de rassurer Jennän et d’autres compères venus prendre conseil, mais le temps colérique sévissant à l’extérieur rappelait à qui le voulait que la menace était réelle. Alors que de plus en plus de personnes se réunissaient dans une grande ronde autour du chef, Jennän en profita pour s’équiper plus chaudement et partir.

***

 Les lumières émises par les feux allumés dans la caverne disparurent dans l’obscurité et ce fut rapidement un chemin de croix au milieu du sable, des rochers et des amoncèlements de bois qui se présenta à Jennän. Il pensait pouvoir se repérer à la lueur des étoiles, mais une coulée de nuages noirs rendait la visibilité quasi nulle à certains endroits. Le vent soufflait des incantations morbides dans ses oreilles, emportant avec lui poussières et débris qui fouettaient tout ce qu’ils rencontraient.

 Jennän marcha ainsi jusqu’à avoir parcouru une lieue selon ses estimations. Cela lui prit trois fois plus de temps et d’énergie pour y arriver. Au bout de plusieurs minutes, il ne voyait même plus la mer qui s’écumait à cinq mètres de lui. Il voulait résister à la douleur et au froid, il voulait trouver signe de vie dans ces limbes, alors Jennän hurla de toutes ses forces pour se faire entendre par-dessus les cris du vent.

 Mais rien.

 Le jeune homme commença à prendre conscience de son geste impulsif. Il s’était peut-être trompé de direction… peut-être avait-il trop marché, croisant ceux qu’il cherchait sans les voir. Ou peut-être devait-il aller encore plus loin ? Il ne retrouverait probablement pas le chemin de son abri avant le lever du jour et il ne pouvait pas rester sur place. Que f…

 Bim.

 Un coup puissant, comme une volée de rondin de bois, effleura le crâne de Jennän qui trébucha sous la surprise. Le jeune homme eu le souffle coupé. La zone touchée pulsait et saignait abondamment, mais, dans son agitation, Jennän ne pouvait mesurer l’ampleur des dégâts. Si ce coup invisible l’avait touché en pleine face, il serait probablement mort. Cette perspective renforça son angoisse. Il prit pleinement conscience du danger et de son geste insensé. Par instinct, il se releva péniblement avant de rebrousser chemin.

 Bim ! Il sentit un nouveau choc qui le projeta tête en avant, l’assommant à moitié. S’ensuivit une chute et de nombreuses collisions. Jennän n’avait plus conscience de ce qu’il se passait. En l’espace d’un instant, il sentit son cœur battre la chamade puis s’arrêter, son esprit fuser puis se perdre.

***

 Un parfum marin effleura les narines du voyageur et bientôt une lueur orangée traça des filaments à la lisière de ses paupières. Une sensation de chaud et de calme retrouvé. Était-ce l’endroit où partaient les anciens lorsque la vie devenait trop difficile ?

 Une puissante douleur au bas du dos mit fin à son bien-être et Jennän ouvrit les yeux. Il était bien vivant, et la vision de la mer autant que le souvenir de sa situation actuelle finirent par le rendre lucide. Allongé sur le côté, il n’osait pas bouger, ni baisser les yeux vers son corps meurtri. De plus, ce ciel étrange absorbait son attention. Des liserés multicolores ondulaient dans un ciel encore noir. Si la tempête s’était arrêtée, la nuit continuait de régner.

 À ce moment, tel un flash, elle apparut.

 Jennän avait pourtant posé son regard à cet endroit peu de temps avant et était sûr de n’avoir rien vu. Etait-ce la fatigue qui déformait sa vision ? Cette ombre si petite et si frêle était pourtant bien réelle, en train de s’avancer peureusement vers lui, les pieds encore dans l’eau. Ce n’était pas Jewesha, ni une fille de sa communauté. Etait-ce une apparition divine ? Ou alors, sortait-elle de la mer ?

 Dans un râle sourd, l'homme tenta de se redresser. Il sentit son corps craquer sous la pression de ses muscles. Ces signes de sa faiblesse l’invectivaient à rester allongé. Et la petite fille continuait d’avancer.

 Maintenant qu’elle n’était qu’à quelques pas de lui, il la distinguait entièrement. Elle paraissait tellement fragile. Jennän, sidéré, se dit alors qu’elle n’avait probablement pas mangé depuis une terravolution entière. Face à lui, une enfant se traînait aux portes de la mort. Totalement nue, elle était recouverte d’une substance répugnante, comme si l’eau de mer se solidifiait à son contact, devenant une vase aussi visqueuse que transparente. Était-ce alors son état de santé qui donnait à la prunelle de ses yeux livides cette teinte mauve ?

 – D’où viens-tu ? Tu as perdu ton groupe ?

 La voix claire et raisonnante de Jennän stoppa la marche de la petite fille. Elle resta posée devant lui, les yeux subitement écarquillés. Surpris par cet air affolé, l’explorateur se demanda si c’était la première fois qu’elle entendait quelqu’un parler. Mais ce n’était pas possible ! Un enfant abandonné à la naissance ne pouvait tout simplement pas survivre. Toutes les bizarreries autour de cette rencontre commençaient à faire tourner la tête de Jennän, alors qu’une sensation nouvelle lui soulevait le cœur.

 Du chuchotement au vrombissement, un son grave et lancinant se mit à raisonner à l’intérieur du jeune homme. Ce n’était pas qu’un mal crânien, mais bien tout le corps qui vibrait sous cet écho.

 Dans le ciel, les liserés de couleurs s’effacèrent et bientôt, même les astres éclairant ces contrées se fondèrent dans les ténèbres. Jennän apercevait encore la fille. Phosphorescente.

 Et, au loin, quelque chose de gigantesque approchait. Jennän le sentait, comme un tremblement, une onde bousculant l’air. L’écho se faisait de plus en plus pressant, comme obstiné à délivrer un message.

 Un point rouge apparut, puis un deuxième, puis… Jennän n’arrivait plus à les compter. Ils étaient des milliers, bougeant, synchrones, dans la même direction. Ce n’était ni les fantômes des anciens, ni des éléments naturels. Là, dans le noir qu’il avait créé en dévorant les dernières lueurs des étoiles, un monstre aux milles yeux rouges s’avançait vers la côte.

 Imposant. Titanesque. Divin.

 Jennän se rendit compte que son urine s’était déversée de manière incontrôlée, humidifiant même le bas de son ventre. Lui, jeune homme si fier, était paralysé, terrifié par ce qu’il voyait et ressentait. Ce monstre dont il ne percevait que les yeux était plus grand que les plus grandes montagnes qu’il avait vu dans sa vie. Effaré, il sentait d’autant plus que ces milles yeux rouges étaient tournés vers lui. Il en avait presque oublié la présence de la petite fille. Pourtant, elle était toujours là, figée, ignorant superbement la scène terrifiante qui se jouait derrière elle.

 Des regards graves. « s’il… ». Des regards imposants. « s’il-te… ». Des regards tristes. « S’il-te-plaît… fais… ».

 – QUOI ?! cria subitement Jennän, transporté par ces voix qu’il entendait.

 Était-ce possible ? Devenait-il fou ? Était-ce en fait bien l’au-delà ?

 – QUI ÊTES-VOUS ?! Pourquoi ?! Pourquoi... ? Où suis-je… ?

 Comme une vague brûlante, les émotions se bousculèrent précipitamment dans tout le corps du voyageur. Quelques larmes se promenaient sur ses joues. Jennän ne se reconnaissait pas. Il n’avait jamais eu aussi peur, il n’avait jamais eu aussi mal. Pourtant, il n’avait pas l’impression d’être celui qui souffrait le plus… En entendant les râles épuisés du titan, il voulut comprendre l’intégralité de son message. L’immense créature aux milles yeux rouges n’était peut-être pas une apocalypse vivante…

 Il se calma.

 « S’il-te-plaît… Fais-la grandir ».

 Alors Jennän comprit.

*Colosse blanc : Nom donné par les « néo-humains » à une lune. Il y a trois satellites lunaires qui veillent sur Terre0

*Terravolution : Une terravolution correspond à une année. Sur Nygönta par exemple, s’il n’y a pas de calendrier précis, on décrète une nouvelle terravolution lorsqu’un cycle « temps de floraison/temps de pluie » s’achève. Actuellement, Nygönta vit un temps de floraison.

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